On fait un bond dans la chronologie Goshaesque puisque toute la période suivant
Quartier Violent sera moins marquante parfois d'un point de vue qualitatif (le diptyque
Bandits contre Samourais/Hunter in the Dark) ou d'un point de vue identitaire (sa période 80's dans l'ensemble offre des films ayant les mêmes défauts et qualités ce qui rend l'analyse au cas par cas inutile AMHA). Quand Kagero sort en 1991, on peut vraiment dire que Gosha est plus que jamais une exception au sein de la production japonaise en étant le dernier réalisateur a fonctionner sous contrat d'exclusivité avec un studio, plus de dix ans après l’effondrement de ce système qui va foutre au chômage pas mal de réalisateurs. De cette période faste en termes de productivité que fut les années 80 chez Gosha (avec un, voire deux films tournés par an, qui contraste avec ses 70's très chaotiques de ce point de vue là), je retiens l'image d'un réalisateur qui après des troubles personnels va perdre confiance en lui, littéralement repenser sa manière de filmer (en se reposant beaucoup sur l’expérience de son chef opérateur attitré Fujio Morita, qui fut sur les premiers films de cette période le réalisateur officieux de son propre aveu) et qui va progressivement réapprendre a faire des films,
Kagero est donc pour moi l'aboutissement de cette période, aboutissement qui d'ailleurs fonctionne en deux temps (
Femme Dans un Enfer d'Huile dont je parlerais sera son film miroir).
Depuis
Onimasa en 1982, Gosha avait définitivement abandonné le cinéma de genre masculin qui le caractérisait pour s’intéresser a des histoires de femmes qui vont passionner le cinéma japonais pendant les années 80 et là il retourne avec grand plaisir dans l'univers du
ninkyo eiga qu'il avait déjà abordé avec
Les Loups, un genre mort depuis des années qu'il revitalise de main de maitre en prenant le meilleur de son travail pendant son âge d'or (tout l'aspect iconique très visible et l'influence du western ressurgit). Plus qu'une simple histoire de femme évoluant dans un milieu profondément machiste,
Kagero retourne au ton mortifère des meilleurs films de Gosha avec un sens aigu de la narration (le personnage d'Orin est probablement le perso féminin le plus réussi de la filmo de Gosha car son parcours et son trauma sont parfaitement introduits au spectateur, la voir comme une martyre pendant tout le film ne fait que renforcer d'ailleurs l'analogie avec le western italien), mais avec un sens de la démesure symbolisé par une mise en scène archi-stylisée qui trouve le juste milieu entre les plans séquences discrets qui furent la trademark de sa période 80's et les cadrages hallucinants de beauté a une époque où le cinéma japonais subissait une dégénérescence visuelle terrible héritée de la télévision. Le comble étant ce climax généreux inespéré, très "
Wild Bunch" dans l'âme où Gosha offre sa plus grosse scène d'action en termes d'ampleur (l'immense décor qu'est la maison des parents d'Orin ne pouvait qu'annoncer cela) et d'impact émotionnel, puisque qu'elle pue l'Apocalypse et le désespoir a plein nez avec son ambiance enflammée, après un tel raz-de-marée, on se doute que rien ne sera plus pareil a la fois pour notre héroïne mais aussi pour son réalisateur dont il est amusant de voir que leur parcours se parallélise (chacun a leur manière, ils renouent avec leur passé mais savent que cela les mènera a leur perte).
Kagero est une œuvre génialement décadente qui vomit les derniers relents de cinéma old school que pouvait offrir le cinéma japonais et le retour en grâce d'un cinéaste qui avait mis son talent trop longtemps en sourdine, un mal pour un bien car je ne l'aurais rarement vu aussi enragé comme s'il voulait rattraper le temps perdu en offrant son plus beau baroud d'honneur, voilà pourquoi ce film garde une place particulière dans mon cœur dans sa filmo.
8/10