S'il y a bien un film qui était attendu au tournant de cette année 2015 mollassonne, c'est bien ce
Mad Max : Fury Road. Tout simplement parce que le blockbuster de George Miller, qui revient après l'échec injustifié de son superbe
Happy Feet 2, se révèle être un vilain petit canard au milieu du paysage hollywoodien où les franchises s'accumulent pour offrir le même spectacle chaque année sans aucune surprise. Car si
Mad Max : Fury Road s'avère bien être la suite d'une saga qui n'avait pas été retouchée depuis 30 ans, il est aussi le digne successeur des films qui l'ont précédé, savoir un film qui respecte la volonté de son réalisateur sur cette franchise qui se permet de proposer un film totalement différent à chaque fois sans que cela ne choque le public. Exit donc les attentes d'un
Mad Max 2 recréé en tout point, car
Fury Road est évidemment un film qui reflète particulièrement bien son auteur qui, depuis la trilogie originale, a bien évolué avec son temps tout en respectant les bases d'un cinéma qu'il a expérimenté du plus bas niveau de l'échelle jusqu'à aujourd'hui.
On s'en doutait avec les sublimes bandes-annonces qui vendaient particulièrement bien le film :
Fury Road est tout simplement quelque chose de monstrueux qui nous venge d'un cinéma populaire aseptisé et balisé, et qui saura mettre quasiment tout le monde d'accord, aussi bien le grand public que les cinéphiles acharnés. Les plus sceptiques pointeront du doigt un script soi-disant trop simpliste qui aurait pu raconter beaucoup plus, mais non seulement c'est, d'une certaine façon, quelque chose de récurent dans la saga, mais en plus
Fury Road s'avère être finalement qu'un script illusoirement basique, et qui préfère cacher son écriture dans le cadre plutôt que de la révéler au grand jour comme la plupart des blockbusters actuels. Écriture et mise en scène, à la manière d'un John McTiernan à ses heures de gloire, ne font ici plus qu'un, s'aidant mutuellement pour se rendre plus efficace et surtout moins visible du spectateur. Une qualité rare et audacieuse qui s'avère particulièrement utile lorsqu'il s'agit de développer des personnages d'apparence simple, mais aussi de présenter rapidement et efficacement les bases d'un univers sans trop en montrer.
A ce titre, l'introduction de la Citadelle est tout simplement un modèle d'exposition au cinéma, Miller arrivant à présenter la complexité religieuse, sociale et géopolitique d'une forteresse en l'espace de quelques minutes à l'aide de plans évocateurs. Mieux encore, le film redéfinit l'évolution des personnages au sein de la franchise d'une manière assez inattendu. Ainsi, Max perd son statut de justicier, de Road Warrior, pour ne le retrouver qu'en partie en toute fin de métrage, redéfinissant ainsi son statut (comme il l'avoue en début de film, il ne vit que pour survivre, ce qui est un non-sens) et lui donnant une véritable quête autre que celle de la justice, à savoir celle de la rédemption, du choix (c'est lui qui fera comprendre que le combat risqué pour l'espoir vaut mieux que l'éternelle fuite) et de la recherche du meilleur de lui-même (comme l'atteste non seulement le carton final, mais tout simplement la base même du genre post-apocalyptique). L'autre surprise d'écriture du métrage tient évidemment dans deux autres personnages, à savoir Nux et Furiosa. Pendant que le premier s'avère être un personnage véritablement touchant dans son évolution, renvoyant au sacrifice (à la fois religieux et purement moral) nécessaire pour améliorer le monde, la seconde se révèle être ni plus ni moins que l'attraction principale du film.
Car si Max a toujours été un héros parmi tant d'autres, plus discrets, au sein de la trilogie originale, il n'a cependant jamais été aussi témoin des événement qui se déroulent autour de lui. Voir Max privé de ses mouvements pendant un bon quart de film renvoie directement à la note d'intention du script qui est de le faire intégrer un groupe avec lequel il devra pleinement collaborer sous peine d'échouer. Furiosa devient ainsi, d'un point de vue dramaturgique (et aussi grâce à Charlize Theron qui trouve là son meilleur rôle depuis longtemps), le personnage qui existe le plus dans
Fury Road, mais qui trouve justement son intérêt dans le reflet qu'elle propose à un personnage comme Max, puisqu'elle incarne finalement ce qu'il a été dans le passé, son côté humain prenant largement le dessus. Si
Mad Max : Fury Road avait été simplement le divertissement que j'attendais, j'aurais été comblé. George Miller me prend totalement par surprise en me proposant non seulement le meilleur film de la franchise haut-la-main, mais surtout son film le plus abouti scénaristiquement avec
Happy Feet premier du nom.
Cela faisait d'ailleurs plus de 15 ans que le cinéaste n'avait pas retouché aux joies du film-live, et autant dire que les retrouvailles se font en fanfare. C'est bien simple, non seulement la mise en scène de
Fury Road transpire l'évolution de Miller au sein du film d'animation, avec un sens du cadrage toujours plus osé et une caméra sans limites, mais surtout le fait est qu'à chaque seconde on ressent la joie totale du bonhomme à retourner physiquement derrière une caméra. Le film est ainsi une succession de morceaux de bravoure totalement dingues, entrecoupés d'intermèdes ni trop courts ni trop longs. Une véritable course-poursuite de malade mental qui ne s'essouffle jamais grâce à une gestion de l'espace totale (la séquence où Max passe de véhicule en véhicule est un modèle de lisibilité), des idées de mise en scène toutes les dix secondes (le combat Max/Nux/Furiosa est tout simplement fou à ce niveau là, avec des enjeux redéfinis à chaque plan, idem pour le lien entre Joe et ses épouses durant la poursuite), un sens visuel du spectacle indéniable (la tempête) et surtout une rythmique implacable qui confirme les dires de Miller lorsqu'il évoque le cinéma comme une composition musicale.
Sur ce point, le film est la perfection même, avec un montage ciselé à la seconde près, où chaque plan d'ensemble est pensé pour laisser respirer l'audience avant de la replonger dans le chaos. Au son de la bande-son pas spécialement subtile mais fonctionnelle de Junkie XL, aucun bout de gras pour une efficacité totale, Miller livre là le film qui le fait atteindre un statut rare : celui d'un technicien hors-pairs doublé d'un sens de l'action à l'image totalement confirmé.
Mad Max : Fury Road : le film qui prouve que l'espoir est encore permis, et que certains cinéastes peuvent encore nous livrer du vrai cinéma dans un paysage consensuel sans cesse tiré vers le bas. Un film qui mourra historique sur la Fury Road !