Les avis de vos dernières lectures

[Jack Spret]

"L'insoutenable légèreté de l'être" de Milan Kundera - 1984

¤¤¤

Des histoires d'amour qui s'entrecroisent, permettant ainsi à Kundera de dépeindre l'époque révolutionnaire du Printemps de Prague et de s'attarder sur ce sentiment étrange qu'est l'amour. En n'utilisant que 4 personnages principaux (3 car Franz est très secondaire), l'auteur parvient à disserter et à nous faire réfléchir sur un tas de sujets d'une manière très poétique et légère, le tout associé à une écriture remarquable et imagée. On ne s'ennuie jamais, le découpage des parties en minis chapitres est parfait pour une lecture de métro et le fait de comprendre un peu mieux les enjeux politiques derrière le regroupement des régions tchèques et slovaques n'est pas déplaisant. Le contexte historique est intéressant et permet d'avoir une toile de fond qui fait même aller le roman vers de l'espionnage à un moment donné.

[elpingos]

Il est clairement génial celui-là. J'ai pris une grosse claque la fois où je l'ai lu ... (et ça m'avait même permis de pécho).
J'aimerai bien découvrir la version ciné même si je doute de sa réussite ...

[Val]

Un vrai chef d'oeuvre ce livre.

[Max59]

Lu central Park de Musso

[Mark Chopper]

Je compatis.

[Val]

[Mr Jack]

C'était important de le notifier, en tout cas

[Val]

Je ne savais pas où poster, donc on va dire ici.

Un projet de film qui mettra en relation Emmanuel Carrère et ses personnages passe par le crowdfunding. Apparemment, une partie du projet est tout de même financé par la télé, ce qui fait que si le projet aboutit, on devrait pouvoir voir le film facilement.

[Mark Chopper]

Leur présentation est trop longue...

Et c'est dommage de ne pas avoir Romand dans le film

Par contre, avec Limonov ça peut être rock n'roll.

[Val]

Je suis aussi curieux d'entendre sa mère, par ailleurs toujours passionnante à écouter, assez représentative d'une vision "vieillote" de l'écriture et des choses en général sur l'oeuvre de son fils.

[Waylander]

Leur présentation est trop longue...

Ouf, ça va, ce n'est pas qu'avec moi. Mais c'est complet au moins (graphique et cie). On sait même qui fait les cafés.

[Jack Spret]

"Neuromancien" de William Gibson - 1984

¤¤¤

Figure de proue du mouvement cyberpunk, Gibson n'aura jamais la reconnaissance de ses pairs, le pessimisme latent ancré dans ses écrits étant contraire au côté soi-disant divertissant de la science-fiction. Mais il faut surtout remettre le genre modelé par Gibson dans son contexte: il ne s'agit pas réellement de science-fiction au sens propre du terme, mais d'une charge brutale contre celle-ci, reniant toute obligation d'une timeline futuriste pour exister. Si le terme "cyber" semble être un contre-argument par l'intervention de la techologie et de l'électronique dans les rouages de ses histoires, le terme "punk" prend là tout son sens et l'adage "No Future" n'a jamais autant collé qu'à ce genre si particulier.

"Neuromancien" est le premier roman de William Gibson et est également le premier d'une trilogie qui réutilisera cet univers matriciel, mêlé aux ficelles scénaristiques et clichés inhérents au roman noir. La complexité de lecture du roman réside dans le seul et unique fait que l'écrivain ait décidé de ne jamais aider le lecteur, le laissant évoluer dans une intrigue dont les tenants et aboutissants ne sont pas clairement définis, permettant ainsi une identification au personnage principal qui semble aussi perdu que nous. Or, ce personnage, seul phare qui puisse nous guider dans le récit, ne nous ait jamais décrit et n'apparaît alors que comme une silhouette difforme, aux traits changeants suivant notre humeur (à l'instar de l'IA Muetdhiver dans le roman).

Cette volonté d'abandonner ainsi le lecteur et de lui faire perdre ses repères vient de l'amour de Gibson pour la contre culture, et plus particulièrement pour les auteurs de la "beat generation" (je n'avais pas lu roman aussi difficile depuis "Le festin nu"). Et si Philip K. Dick est encore aujourd'hui l'auteur SF le plus adapté au cinéma, cela est dû à la facilité d'accès de ses histoires qui, bien que complexes sur le fond, sont très manipulables sur la forme et possèdent une certaine esthétique cinématographique. Si "Neuromancien" intéresse malgré tout le 7ème art, c'est donc grâce à cette aura culte née de l'invention d'un sous-genre au coeur encore battant aujourd'hui (la saga vidéoludique DeuxEx en est actuellement le plus fervent défenseur) associé à l'esthétique urbaine et underground décalqué de "Blade Runner" (grosse source d'inspiration de l'auteur pour la création de ses extérieurs). Pour le moment, personne n'a véritablement osé se frotter à son adaptation (même si certains noms tels que Joseph Kahn ou Vincenzo Natali ont fuité) mais des rejetons plus ou moins légitimes ont vu le jour, avec les succès qu'on leur connaît (Ghost in the shell, la trilogie Matrix). Espérons que le projet actuellement en cours de négociation avec Walhberg et Neeson prennent vie et soit aussi fidèle que possible à l'oeuvre originelle (Gibson himself étant présent en qualité de script doctor).

[Mr Jack]

Richard Matheson - Nouvelles, Tome 1 (1950-1953)

∞

Recueil de nouvelles d'un des maitres de la SF et du fantastique, Richard Matheson, papa de classiques comme Je suis une Légende ou L'homme qui rétrécit. Là où d'autres grands noms de la SF se penchent dans l'élaboration d'un futur imagé et percutent par la précision de leur projection, Matheson se focalise sur l'homme sous sa chair et au milieu d'un environnement qu'il ne comprend pas ou plus. Projeté dans le futur, isolé dans son esprit ou mélangé parmi des monstres aux alentours, l'homme vaut par le fourmillement de ses neurones et sa capacité à raisonner lorsqu'il tombe nez à nez avec le déraisonnable ou l'incompréhensible, l'inconcevable. Ce qui intéresse l'auteur, à l'instar de Rod Serling avec qui il a beaucoup travaillé sur The Twilight Zone, c'est ce combat entre raison et surnaturel entre logique et croyance, en ce qui se cache dans l'ombre du cerveau humain avant de soit tomber dans la folie, soit accepter l'étrangeté du monde. Matheson manie l'imprévisible avec malice et surprend par la qualité incroyable de ses chutes. Finalement l'important n'est pas dans la clairvoyance de sa vision du futur même si il sait décrire avec frayeur à quoi pourrait ressembler notre dernier jour sur Terre ou à quoi peuvent servir les outils technologiques à portée de main mais c'est réellement dans l'action et surtout la réflexion que le sens prend forme et que ses personnages prennent du relief. C'est donc très subtil, très malin dans l'esprit. Pour ce qui est du style, c'est incroyablement varié dans la structure narrative, que ce soit dans le ton, dans la forme, dans la mise en place de l'intrigue, etc. L'auteur profite à fond du format pour passer d'un style à l'autre tout en imposant à chaque fois un fond de pensée, une manière d'articuler son propos de manière riche et inventive. Bref c'est vraiment du plaisir et une invitation à continuer sur le prochain tome.

Les nouvelles majeures :

"L'habit fait l'homme" ; "Mamour, quand tu es près de moi" ; "Une résidence de haut vol" ; "Escamotage" ; "Les Captateurs".

8/10

[Mr Jack]

Dennis Lehane - Prières pour la pluie (1999)

∞

Cinquième et avant-dernier épisode de la série Kenzie-Gennaro, Prières pour la pluie est clairement le moins bon pour l'instant même si, vu le niveau établi, cela veut tout dire sauf que c'est un mauvais livre. Loin de là, même. Cet opus, à défaut d'avoir une intrigue révolutionnaire ou passionnante à proposer, se révèle diablement efficace grâce au style intact de Lehane, qui sait toujours insuffler beaucoup de coeur dans son récit, en même temps qu'un rythme effréné et des rebondissements permanents. Si l'intrigue peut ressembler à un épisode du Caméléon sous certains aspects (et c'est très bien Le Caméléon, mais ça reste mécanique dans la narration) Lehane réussit comme toujours à brouiller les pistes et disperser les pièces du puzzle comme personne. Très habile à défaut d'être poignant, donc. La grande force du livre -là encore, comme souvent- reste ses personnages. Bubba est excellent dans celui ci et si pendant 150 pages on ne peut que regretter l'absence d'Angie (le livre ressemblait alors à du Raymond Chandler, et ça non plus c'est pas si mal) son retour marque celui d'une étincelle unique dans cette série voir au delà : la relation fusionnelle entre les deux détectives. Quand Pat' redécouvre après 6 mois la beauté d'Angie si fort que ses plaies se rouvrent en même temps et lui déchirent le coeur, c'est tellement beau à lire que j'en avais le sourire jusqu'aux oreilles. C'est pas aussi dur qu'Un dernier verre, aussi sulfureux et parfait que Ténèbres, aussi charmant que Sacré ni aussi sombre que Gone baby Gone, mais ça reste très efficace et très agréable à lire -en tant que fan et en tant que lecteur tout court.

7.5/10

[Val]

En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis (2014)

Eddy Bellegueule a grandi dans un de ces innombrables petits villages de campagne où la vie ne présente pas beaucoup de surprises, où tout semble rabougrie, replié sur soi et surtout, dramatiquement uniformisé. Dans ce genre d'univers, pas de place pour la variété, l'originalité ou la différence. Un peu gauche et efféminé, le jeune Eddy devient très vite la cible des moqueries et des vacheries de ses camarades et de son entourage, en particulier de deux brutes du collèges qui hantent son parcours d'enfant et d'adolescent.

Le livre d'Edouard Louis n'est pas une autobiographie linéaire mais plutôt une sélection de moments marquants ou déterminants sur lesquels il revient de la manière la plus dure et la plus violente qu'il soit. Car En finir avec Eddy Bellegueule est un livre hyperviolent. Le titre annonce la couleur, il s'agit de tuer Eddy Bellegueule. Le tuer lui et tout ce qu'il représente, cette image de la beaufitude post années 1980 complètement lobotomisée par la télévision et l'imagerie américaine.

Eddy est plein de haine contre son enfance, son milieu d'origine, sa classe sociale et sa famille. Enfant perdu au sein d'un univers raciste, homophobe et fermé sur lui-même, il tente vainement de trouver sa place et de se conformer aux us et coutumes pour se fondre dans la masse et échapper ainsi aux moqueries et humiliations. S'effacer, disparaître au monde pour pouvoir survivre. Le livre marque par sa description extrêmement crue et réaliste de cette France profonde de la fin des années 90 et début des années 2000. La violence vient aussi du fait que jamais l'auteur ne cherche à contrebalancer son propos en cherchant des excuses à ses personnages en mettant en avant leur condition sociale précaire. Non, il en montre toute l'horreur dans sa plus pure expression. On pourrait croire, pour qui n'a jamais côtoyé ce genre de milieu, que le portrait dressé est quelque peu exagéré. Pourtant, il n'en est rien et cette manière de décrire l'enfermement mental, la prédestination à chaque étape de la vie et l'absence d'alternative dans la vie est profondément vraie. Pire, Edouard Louis parvient à toucher ce qu'il y a probablement de pire pour un enfant évoluant dans cet univers, pour peu qu'il n'y soit pas adapté, à savoir l'ignorance de l'existence d'un ailleurs. Il y a pourtant quelque chose de touchant dans ce portrait de parents qui, bien que souvent odieux avec leur fils, semblent en secret assez fier de ce gamin qui semble être celui qui, enfin, parviendra peut-être à s'échapper de ce village.

Probablement pas transcendant, même si écrit d'une façon très agréable, En finir avec Eddy Bellegueule pourra tout autant agacer que profondément marquer, suivant que l'on soit sensible à ou que l'on se reconnaissance dans certains aspects de la vie de ce gamin prêt à tout pour fuir ses origines et se fuir lui-même quitte à se livrer tout entier dans un livre impudique mais bouleversant.