[Olrik] Mes critiques en 2015

[Alegas]

The Lady Vanishes (aka Une Femme disparaît)
Alfred Hitchcock - 1938

Dans les Balkans, un groupe de voyageurs passent la nuit dans une auberge avant de prendre leur train qui doit les ramener en Europe occidentale. Une jeune femme, Margaret Lockwood, fait la connaissance de miss Froy, une pétillante petite vieille. Mais le lendemain, alors qu’elles se trouvent toutes deux dans le même compartiment, Margaret, après s’être assoupie, s’aperçoit que la dame n’est plus là. Cela ne l’aurait pas inquiétée plus que cela s’il n’y avait pas cette insistance des autres passagers à mentir en prétendant qu’il n’y a jamais eu de petite vieille dans le compartiment…

Hitchcock période anglaise et noir et blanc de rigueur à encore un film de son départ pour Hollywood.. Et plus de 70 ans après, ça tient toujours bigrement la route. Alors, évidemment, pour reprendre le terme moqueur de Truffaut et d’Hitch durant leurs longs entretiens publiés, les « vraisemblants », les amateurs de vraisemblance trouveront à redire sur cette histoire d’espionnage. Après, lorsque l’on se fout de ce genre détails pour préférer succomber au plaisir de se laisser porter par les personnages et un montage imparable, on y trouve forcément son bonheur. Il faut dire que la structure est imaparable : trois demi-heures, trois coups de fusil : exposition, nœud de l’intrigue et résolution, pas le temps de se poser des questions. La première demi-heure est un peu déstabilisante par sa présentation désordonnée et quasi comique des persos mais dès qu’interviennent le premier crime et la disparition de la petite vieille, nous voilà partis pour un huis clos à la fois palpitant et inquiétant, avec une ambiance qui confirme cette remarque de Truffaut pour qui beaucoup de films d’Hitchcock par leur formalisme exacerbé donnent l’impression d’être un rêve éveillé. On se passionne des efforts de Margaret pour prouver qu’elle n’est pas folle et, une fois qu’elle y parvient, le film ménage une dernière demi-heure sur fond de guerre des barbouzes elle aussi prenante.

Cerise sur le gâteau, la révélation du macguffin qui explique pourquoi cette petite vieille est si importante est expédié en dix secondes chrono. 70 ans après, les vraisemblants continuent de se couper les poils de bite en quatre…

7,5/10

+

- Un bon Hitchcock période anglaise.
- Structure parfaitement équilibrée.
- Du 100% studio plein de charme.

-

- Plein d’invraisemblances (mais en fait on s’en fout).

[Alegas]

Juve contre Fantômas
Louis Feuillade - 1913

Au programme de ce deuxième volet : attaque du Simplon-Express, gunfight aux entrepôts de Bercy, déguisements en tous genres et assassinats commis par le mystérieux « bourreau invisible »…

Inévitablement, avec ce type de série de films se pose la question de la redite. Dans ce deuxième volet, Feuillade échappe à toute impression de ce type. De même longueur que le premier mais plus éclaté en terme de tableaux et de nombre de plans, Juve contre Fantômas paraît plus rocambolesque, plus enlevé que le premier épisode. Surtout plus ambitieux : alors que Fantômas se passait presque exclusivement dans des lieux clos (une chambre, un salon…), la caméra de Feuillade s’immisce tout à coup dans les quatre coins de Paris, que ce soit sur des boulevards animés, sur une voix ferrées ou sur les docks. Feuillade n’hésite pas non plus à dégainer des effets spéciaux, avec l’accident du train joliment reproduit pour l’époque avec une maquette, et à faire intervenir un plus grand nombre de figurants. Ce n’est pas encore Cécil B. De Mille mais cela contribue à donner un joli effet de foisonnement à l’intrigue. A noter aussi l’utilisation surprenante d’un dangereux animal exotique auquel on réglera son compte de manière définitive, et sans aucun trucage. La SPA pour protéger les animaux au cinéma, c’était manifestement encore un peu tôt…

8/10

+

- Plus d’actions et de situations.
- Toujours une bonne restitution des romans de Souvestre et Allain.
- Plus de variété dans les moyens.
- Pour ce deuxième volet, c’est le quatuo islandais Amiina qui s’est chargé de la musique. Le résultat est excellent.

-

- Les amis des bêtes feront la grimace.

[Alegas]

le Mort qui tue
Louis Feuillade - 1913

Après l’explosion de la maison de Lady Beltham, Fandor soigne ses blessures à l’hôpital et se désespère de la mort de son ami Juve. Pendant ce temps, Fantômas assassine Jacques Doillon, un céramiste. Mort aussi absurde que gratuite car apparemment sans mobile. Mais c’est mal connaître toute la scélératesse du Génie du crime…

Essayer un Fantômas de Feuillade, c’est avoir tout de suite l’envie de s’enquiller l’intégralité de la saga. Après deux premiers épisodes brillants dans chacun leur propre style, l’un plutôt statique, l’autre mouvementé, j’attendais beaucoup de ce troisième volet de vingt minutes plus long. Malheureusement, je dois bien avouer que, très vite, il m’est apparu que, comment dire ? j’ai honte de le dire compte tenu du respect que j’ai pour un de nos glorieux maîtres du cinématographe mais là, tout de suite, il faut bien cracher le morceau hein ! bref j’avoue que je me suis fait bien chier et ce dès les dix premières minutes ! Et pourtant, on ne saurait accuser Feuillade de ne pas s’être échiné à trouver un découpage enlevé comme pour Juve contre Fantômas. Intérieur, extérieur, multitude de scénettes, on peut penser que le public de l’époque a dû bicher sans problème cet épisode. Mais ce qui m’a posé problème, c’est d’abord l’absence de Juve. Bon, il est absent tout en étant présent, un peu comme Holmes dans le Chien des Baskervilles, mais son rôle reste très mineur. Or, il me semble que les meilleures histoires de Fantômas viennent souvent d’une solide opposition entre Juve et son meilleur ennemi. Ôtez Juve, on ne se retrouve plus qu’avec Fandor qui court sur les toits, passe par des cheminées, ce qui est pas mal mais insuffisant en ce qui me concerne pour donner du souffle à l’opposition entre Fantômas et ses adversaires.

D’ailleurs, Fantômas lui-même constitue un point négatif dans cet opus. Toujours le même acteur mais souvent encapuchonné et moins charismatique dans sa nouvelle apparence. On sentait plus le mal, la pure méchanceté dans les deux premiers. Surtout, bien que nous sommes dans des films muet, il parlait, adressait la parole à d’autres personnages et faisait sentir sa force de persuasion et, encore une fois, sa méchanceté. Là aussi, cet aspect est achoppé dans le Mort qui tue.

Enfin si les situations sont rocambolesques, il faut bien avouer qu’après Juve contre Fantômas qui enchaînait attaque de train, gunfight et mystérieux assassin en soixante minutes, la dilution sur 90 minutes des différentes situations est moins prenante. Et ce qui peut fonctionner dans un roman en terme de mystère (ici, pourquoi Fantômas a-t-il tué Doillon ?) peut devenir ici assez laborieux et susciter l’indifférence. Dans le cinéma muet, titiller la curiosité du spectateur en espérant qu’il aura la patience d’attendre la révélation du mystère me semble constituer un risque. Mais c’était peut-être moins valable pour le spectateur de 1913, surtout à une époque où de toute façon, on connaissait déjà et on lisait avec rage les romans de Souvestre et d’Allain.

Je n’abandonne pas pour autant Fantômas. Le quatrième volet revient au format des soixante minutes et avec un titre comme Fantômas contre Fantômas, je ne puis que me laisser tenter…

5/10

+

- Ça reste du récit d’aventures efficace dans son utilisation des caractéristiques du cinéma muet.

-

- Un mot sur la musique : lors de la ressortie des Fantômas sur Arte, on a demandé à Yann Tiersen de diriger les compositions musicales de chacun des films, chaque opus étant offert à un artiste ou une formation musicale. Pour cet épisode, c’est Tiersen lui-même qui s’est attelé à la tâche. Eh bien si je reconnais que la musique est souvent très bonne, il faut reconnaître aussi qu’elle a participé à un sentiment d’ennui généralisé. Cela reste subjectif mais après Tim Hecker (apisode 1) et Amiina (épisode 2), j’ai trouvé la musique de Tiersen moins efficace.

[Mark Chopper]

Le cinéma français aurait besoin de remettre ce type d'histoire au goût du jour.

[maltese]

Si c'est pour avoir un résultat semblable au Arsène Lupin sorti il y a quelques années, non merci.

[Olrik]

C'est vrai que remettre au goût du jour (et de manière réussie) ce genre d'esprit feuilletonesque en France, ce n'est manifestement pas pour maintenant. Il y a pourtant de quoi faire, j'imagine une série qui exploiterait Arsène Lupin sur le même modèle que ce que les anglais ont fait avec Sherlock, ça aurait de la gueule.

[Alegas]

Le cinéma français aurait besoin de remettre ce type d'histoire au goût du jour.

Dommage que la version de Gans ait été annulée.

[Olrik]

Avec Jean Réno dans le rôle de Juve, pour sûr que c'est dommage, ça nous promettait une belle tranche de poilade !
Allez, je suis mauvaise langue, Gans aurait peut-être fait un truc valable. Pas toujours fan de ses films mais pour ce qui est de faire du film de genre, je reconnais qu'il y a une certaine patte.

[Mark Chopper]

Oui, mais sa direction d'acteurs est à la ramasse.

Un point commun avec Franju, dont le Judex (revival des films que tu critiques) ne tient pas la route sur la longueur à cause d'une interprétation calamiteuse.

[Olrik]

Complètement. Je l'ai vu il y a quelques mois et s'il y a des plans intéressants et un certain charme, le film est très anecdotique à cause de ça.

[Alegas]

Fantômas contre Fantômas (aka le Policier apache)
Louis Feuillade - 1914

Ça chauffe méchamment pour les miches de Juve ! Face à une rumeur imbécile qui circule et selon laquelle l’honnête inspecteur serait carrément Fantômas, ses abrutis de supérieurs n’ont pas trouvé mieux de le mettre sous les verrous afin de vérifier si c’est vrai. Fantômas a donc le champ libre pour foutre la zone et même paraître un brin sympathique puisque son premier forfait du film est de dévaliser un collecteur d'impôts. Pendant ce temps la grosse Lady Beltham organise un bal costumé afin de récolter des dons pour encourager les informations sur Fantômas (fausse collecte évidemment mise au point de concert avec notre Génie du crime). Suspectant du rififi, Fandor décide de s’y rendre… déguisé en Fantômas !

Uh ? Qu'est-ce que je fous là moi ?

A quoi bon voir du Mad Max alors qu’il y a Fantômas, hein ? je vous demande un peu. Alors que dans certains endroits du forum on se choppe les glaouis et se flanque de vilaines fourchettes dans les mirettes à cause de Mad Max 4, il est bon de s’installer confortablement sur son canapé, un glass de cognac à la main, et de savourer plutôt Fantômas 4 surtout quand, après un troisième épisode décevant (comme Mad Max tiens !), Feuillade reprend l’ancienne formule, à savoir 60 minutes pour mener à bien une intrigue composée de trois étapes (l’introduction avec le collecteur des impôts, le bal chez Lady Beltham, le blanchiment de Juve qui va par la suite s’occuper des abattis de Fantômas). Fantômas est supérieur et méchant à souhait (un pauvre keuf en fait les frais), et Juve, bien qu’aux fraises durant une partie de l’intrigue, montre tout de même ses moustaches au spectateur pour la fin et sera même à deux doigts de coincer Fantômas.

Feuillade continue donc de servir le même plat mais avec un plaisir renouvelé. Dans ce genre d’histoire l’utilisation du thème du double était attendue mais Feuillade parvient habilement à brouiller les pistes et à rendre la scène du bal cocasse avant d’être intrigante. On appréciera sinon la présence des apaches, ces bandes de malfrats qui sévissaient dans le Paris de la belle époque. Fous furieux qui, non contents de s’en prendre à Fantômas dès le début du film (les sots), n’hésitent pas non plus à pénétrer carrément à la sûreté pour faire leur fête aux flics ! Et après ça, y’en a encore pour aller voir des punks à chiens filer à toute allure sur des grosses bagnoles toutes rouillées ! Tss tss…

8/10

+

- 1,2 puis 3 Fantômas !
- L’imagination graphique de certaines scènes (épisode du “mur sanglant”).
- De nouveau une chouette musique, cette fois-ci composée par Loney Dear, multi-instrumentiste suédois.

-

- La façon un peu cheap de se sortir des griffes de Juve. Le genre de truc qui ferait marrer le perso de Kitano dans Sonatine.

[osorojo]

Tu vends bien la saga pour le moment, j'suis tenté de m'y essayer !

Si en plus Max tape l'incrust, j'suis forcé d'être du voyage

[Olrik]

Je suis prêt à tous les racolages pour vendre ma came. Stay tuned pour Fantômas 5, notre génie du crime préféré montrera à Mitsu Dan qu'on ne se moque pas impunément de son masque ridicule :

- Alors comme ça on trouve mon masque ridicule hmm ? Attends un peu petite gourgandine, tu vas voir...
- Non, pitié Fantômas sama, non, n... kimochi !

[pabelbaba]

Vu comme ça...

[Mark Chopper]

Avec Mitsu, tu m'as définitivement convaincu