Trois Samourais Hors-la-Loi - Hideo Gosha (1964)
Premier film de l'immense Hideo Gosha, Trois Samourais Hors la Loi peut être considéré comme un renouveau dans l'histoire du chambara. On savait depuis Yojimbo et la saga Zatoichi que le genre commençait lentement mais surement a se décomplexer et même a faire des remous a l'étranger (on pense a Sergio Leone), mais c'est avec ce film précisément que va s'opérer une sorte de dialogue croisé synchrone entre le chambara et le western italien, ce pendant les dix années a venir où chacun va piquer des éléments a l'autre et vice/versa sans qu'on puisse véritablement parler de pompage stricto sensu. Mais c'est également le genre de film qui vous pose un cinéaste d'emblée, dès le premier photogramme où l'on voit un pied se poser brutalement sur une flaque de boue, on sait que l'on est pas chez Kurosawa, ni même chez Misumi.
Contrairement à la plupart de ses collègues bien installés, Gosha est un homme de télévision qui n'a aucun mal a travailler avec peu de moyens ou a employer des techniques de mise en scène que l'on pourra qualifier de "commando", chose qui va grandement contribuer à la réussite du film tant celui-ci n'hésite pas à tirer parti de son budget minime pour oser des cadrages a l'arrache, donnant un côté réaliste et oserais-je dire, éprouvant a l'ensemble (notamment dans les affrontements physiques où l'on sent la fatigue des acteurs), qui colle parfaitement a la tonalité sociale du scénario. De plus, cela lui oblige a traiter son histoire de la manière la plus efficace possible (l'introduction de Tetsuro Tamba est en soi un véritable modèle de caractérisation par l'image, dès la première scène on a compris sans mal le parcours du personnage) où la moindre scène est indispensable pour la bonne tenue du film. Mais ce qui fait que le film fonctionne toujours autant, c'est dans sa façon de partir sur un schéma narratif vieux comme le monde où l'on pourrait facilement tomber dans le manichéisme primaire, riches = méchants ; pauvres = gentils, Gosha apporte de la nuance de tous les côtés avec des pauvres poussés a bout en arrivent a vouloir assouvir des bassesses inavouables en s'en prenant a la fille innocente du seigneur qui les opprime, puis cette dernière qui va a contrario prendre la défense de ceux-ci après avoir pris connaissance de leur situation. Sans parler des fameux trois samouraïs du titre qui ont chacun leur personnalité et leur libre arbitre, au point de rarement les présenter dans le même cadre, détail qui est à mon sens celui qui se rapproche le plus du western italien, où malgré le bien fondé de leurs actions, se cache toujours une part d'individualisme.
Une œuvre qui est à la fois ludique, universelle dans ce qu'elle raconte et profondément moderne dans la forme qui est à découvrir impérativement. Un essentiel sans conteste.
8/10