21 Grams (21 Grammes) de Alejandro González Iñárritu
(2003)
Bien que j'en gardais un bon souvenir, j'avais néanmoins beaucoup d'appréhension à revoir ce second film d'Iñárritu. D'une part parce que la surprise ne serait plus là, mais surtout parce que ce genre de récit est souvent trop conçu pour ne fonctionner qu'à la découverte. Si je me rend bien compte que j'ai bel et bien idéalisé ce film, je le vois toujours comme un honnête long-métrage, bien plus louable qu'il n'en a l'air si on prend en compte que non seulement 21 Grams n'est qu'un second film, mais surtout une première expérience américaine qui, pour le coup, est franchement réussie. Comme beaucoup d'autres avant lui, Iñárritu aurait tout simplement pu vendre son âme et réaliser un bête film dont personne ne se souviendrait aujourd'hui. Au lieu de cela, il livre ce qui pourrait être considéré comme une suite thématique d'Amours chiennes tant on retrouve dans les deux œuvres cette volonté de traiter les problèmes humains de façon très brute, tout en explorant les thèmes de la fatalité au sein d'une tragédie prenant place autour de plusieurs personnages très différents. Alors forcément, on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a une redite derrière tout ça, surtout quand on sait qu'Iñárritu répétera la chose avec son Babel, mais pour autant le film n'a pas à rougir de son statut puisqu'il fonctionne de façon très efficace.
Concernant le script d'Arriaga, chose que l'on retient le plus à la vue du film, j'émettrais néanmoins une remarque concernant la déconstruction de son récit. Là où beaucoup y voient un artifice pur et simple (et ils n'auront pas tout à fait tord, mais le cinéma n'est de toute façon qu'une succession d'artifices) qui aurait mieux fait d'être abandonné, j'y vois plutôt un concept pas assez poussé. Car autant les premières minutes du film plongent le spectateur dans le chaos narratif total sans pour autant le perdre, autant je trouve dommage que, peu à peu, Iñárritu décide de quitter cette structure pour repartir sur quelque chose de plus classique, comme s'il n'assumait pas le début de son film et pire encore, comme si ces premières minutes n'existaient que pour faire monter la sauce. Néanmoins, 21 Grams a énormément d'autres qualités, que ce soit dans sa mise en scène certes simple mais immersive, ou surtout dans la direction d'acteurs assez époustouflante (Del Toro est grandiose et Naomi Watts trouve son meilleur rôle avec Mulholland Drive). 21 Grams n'a rien du chef-d’œuvre acclamé par certains, ni même de la daube scénaristique pointée du doigt par d'autres, il est simplement un second film perfectible mais solide qui confirme les penchants thématiques et formels de son auteur.
7/10