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LA VIE ET RIEN D'AUTREBertrand Tavernier | 1989 |
7.5/10••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Déprimante archéologieA l’heure où sa population «
fornique à couilles rabattues » pour créer ses prochains guerriers qui iront mourir au front, la France fait le bilan de 4 années d’une guerre atroce. Un chiffrage qui n’intéresse pas de la même façon les différents maillons d’une chaîne politique dont les intérêts diffèrent. Si les hautes sphères préfèrent jouer sur l’héroïsme des morts au combat afin d’user jusqu’à la corde leur statut de vainqueur, sur les lieux des fouilles qui permettent d’extraire les corps de la boue qui les emprisonne, le constat réel est lui beaucoup plus amer.
Dans La vie et rien d’autre, Bertrand Tavernier met les mains dans la glaise pour dénoncer l’horreur que fut la première guerre mondiale. Si le thème a déjà motivé de nombreux films, la mécanique du sien est originale parce qu’elle repose sur l’après-guerre. Au lieu de montrer les soldats sur le champ de bataille avant qu’ils ne meurent, il s’intéresse aux rescapés qui mènent les fouilles permettant d’identifier leurs frères tombés au front ; Sans omettre toutefois de mettre la guerre en perspective avec cette paix retrouvée, fut-elle exigeante en pertes humaines. Quand Sabine Asema fait le parallèle entre l’horreur morbide du site de fouille qu’elle visite et celle de la guerre, Philippe Noiret la remet brutalement sur terre : «
La guerre, c’est pire ». En un dialogue concis qui vient contraster l’horreur certaine de ses images, Bertrand Tavernier dit l’essentiel.
Impliqué, le cinéaste illustre son propos au moyen d’une mise en scène particulièrement inspirée. Tous les passages au cœur du tunnel emprisonnant âmes françaises, allemandes et américaines, sont graphiquement très forts, tirant partie de la stature de celui qui porte le film sur ses solides épaules, Philippe Noiret, expressif en diable. L’acteur inspire l’excellence, et sur tous les fronts. Celui de l’humour, de la colère, mais aussi de l’amour, prêtant ce charisme qui le caractérise à son metteur en scène quand ce dernier s’autorise un peu de hors-piste en contant, entre deux tirades revendicatrices, une histoire d’amour sur le fil, qui jamais ne s’accapare le devant de la scène.
Elle vient au contraire finir de construire les personnages, confirmant la belle nuance qui caractérise le militaire très humain que Noiret incarne, marqué par la guerre, persuadé qu’il n’est que condamné désormais à vivoter, se refusant le droit d’ouvrir les bras à un avenir potentiellement heureux, peut-être par égard envers toutes ces familles en deuil pour lesquelles il identifie les pertes jour après jour.
Certains pourront reprocher au film son faux twist un peu maladroit concernant ce même homme que les deux femmes du film recherchent, ainsi que sa fin qui emprunte le meilleur d’un roman Arlequin, mais peut-être est-ce cette touche d’optimisme qui permet à La vie et rien d’autre d’être plus que la simple dénonciation qui le met en mouvement, à savoir le portrait d’une humanité blessée qui tente de se reconstruire.