Pour beaucoup Enzo Castellari restera l'homme d'un seul film, le sublime western crépusculaire
Keoma qui brille au sein d'une filmo très inégale, complètement fondée sur les modes du cinéma populaire italien. Ceci dit, il a le mérite d'avoir un penchant tout particulier pour le cinéma d'action, lui-même affirmant que c'est la chose qu'il préfère tourner et
The Big Racket, sorti la même année donc que le film précité est probablement le titre qui confirme le mieux cela, en offrant un polar bourrin très généreux pour l'époque où Castellari a comme tout bon styliste la force d'assumer ses défauts et les retourner a son avantage : on le sait que le poliziotti se base sur une réalité contextuelle violente (les fameuses années de plomb où les italiens vivaient dans la peur absolue d'attentats en tout genre), mais également que le cinéma italien est l'un des cinémas les plus excessifs du monde, dès lors il y a une tendance a la démesure qui me plait tout particulièrement, la violence frappe n'importe qui, femme ou enfant.
Et qu'est ce que Castellari décide de faire ? Il va réduire les enjeux de son scénario au maximum (on est pas dans un film-dossier a la Damiani donc), au point de littéralement virer la moindre scène de transition, dès l'excellent générique, tout est posé, les bandits sont des ordures unilatérales juste là pour semer le chaos et la population n’étant que du bétail bon a se faire harceler/violer/racketter (rayez la ou les mentions inutiles). C'est tout le talent de monteur de Castellari qui se met en place, jamais a un moment je n'ai ressenti la moindre faiblesse rythmique (si ce n'est avec l'arrivée de Vincent Gardenia, qui fait certes le pont avec
Death Wish, mais dont le ton comique de son rôle n’était pas nécessaire au récit) tout est construit sur la structure du crescendo, et ce en osant des raccords complètement dingues qui feront grincer des dents ceux qui s'attendent a un polar classique. L'exemple le plus frappant du procédé étant une scène où le marchand de vin décide de témoigner, a peine qu'il a signé le papier de sa confession, le plan suivant enchaine directement sur les voyons ayant kidnappé sa fille en signe de représailles ! Fuck les explications, le public qui a vu des dizaines de polars n'est pas con et comprend le "message" du réalisateur, celui de montrer une Mafia omnisciente qui a tous les moyens de frapper quoi qu'il arrive. Mais ce que j'aime encore plus dans
The Big Racket, c'est qu'il n'y a même plus le moindre complexe sur le terrain de l'idéologie, que ce soit clair, c'est un terrain sur lequel je m'aventure rarement mais là je peux comprendre que le spectateur non-averti pète littéralement un cable devant le film, en comparaison seul
Le Justicier de New York peut se targuer d'être allé aussi loin dans le trip irresponsable, on hésite pas a faire évader des anciens mafieux déchus, des citoyens et même des flics pour déclarer la guerre aux loubards. Que dire a part que j'aime ce pays ?
Ceci dit, le film reste tellement dans l'over the top qu'au final, on se prend plus a s'exalter sans arrière pensée devant cet opéra de violence final, hommage évident a
la Horde Sauvage avec sa poignée de citoyens contre des dizaines et des dizaines d'ennemis dans un entrepôt où on sent l'ambition chez Castellari de faire quelque chose de très chorégraphique, d'ailleurs, il avait fait la même chose dans l’intéressant
Le Citoyen se Rebelle mais cette fois en puissance 1000 que ce soit en termes de spectacle mais aussi en termes de contraintes, en gardant une lisibilité parfaite alors que l'espace est encombré a souhait. Chapeau.
Pour sa folie assumée jusqu'au bout,
Big Racket reste l'un de mes polars italiens favoris (avec
Rue de la Violence et
Milan Calibre 9) et le meilleur film de Castellari aux côtes de
Keoma bien entendu.
9/10