[Nulladies] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Scalp » Mer 08 Avr 2015, 08:14

J'en ai fisté pour moins que ça
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Mammuth - 7/10

Messagepar Nulladies » Jeu 09 Avr 2015, 05:46

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L’aventure antérieure

Serge a toujours eu du mal. A réparer les portes, à passer un caddie entre deux voitures, à garder un boulot. Ça coince, ça bloque, ça dérape.
Il porte avec lui, sous ses airs d’épais taiseux, une déprime longue et grasse comme sa tignasse. Le monde qui l’entoure la justifie amplement : on y tâte les macchabées avec sa baguette au Super U, on y encaisse la violence du marché du travail, on cherche des bulles d’oxygène où l’on peut : dans les souvenirs, ou sur le bitume d’une nationale.
Serge s’en va vers son passé pour que son présent de retraité soit financé. Rivée à son dos, embarquée sur sa bécane, la caméra fusionne avec lui et colore à sa suite le monde d’un gros grain adipeux. Motard, camion, jetski : partout, on le double ; partout, on le brise. On lui rappelle qu’il fut et reste un con, loin de mériter de figurer sur les listes administratives. Le monde qu’il revisite n’existe plus, et la direction qu’il prend n’a plus qu’à s’infléchir : au lieu de la paperasse officielle, vers la marge ; au lien de la pension à venir, le deuil mal digéré de sa jeunesse. Trois femmes vont structurer le parcours de Serge, trois muses déglinguées. L’épouse callipyge et vengeresse bouffonne, vers laquelle il doit apprendre à regagner l’Ithaque. La nymphette qui lui fit découvrir éros et thanatos en un même élan de moto, Adjani spectrale et sanglante. Et la nièce, fille de substitution, sculpteuse de poupées de plastique, petit être ayant vu les anges de trop près et chiant dans les trous de golf avec ses copines.
Foire aux guests souvent drôle (notamment les insultes au rayon jambon avec Kervern ou la rivalité avec Poelvoorde et son détecteur de métaux sur la plage), trajet à la fois punk et mélancolique, Mammuth explore des terres plus sentimentales qu’à l’accoutumée. Depardieu, sonné et massif, y donne avec sa nonchalance habituelle les étincelles les plus insoupçonnées de son inimitable génie, tandis que le discours traditionnel des grolandais, toujours aussi acerbe, à l’image de la façon dont les collègues mangent leurs chips au pot de départ en retraite, se loge dans les détails et s’habille d’une poésie qu’on pourrait qualifier de maturité.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mr Jack » Jeu 09 Avr 2015, 16:26

Alors comme ça on aime pas les 80's ? :mrgreen: T'as cru que t'allais passer inaperçu avec ta critique du Friedkin ? :nono:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Jeu 09 Avr 2015, 19:12

Boah, disons que c'est assez violent pour la rétine, quand même. Mais j'ai lu la critique du Scalp, j'ai mieux compris. Faut le voir plusieurs fois pour s'accoutumer...
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mr Jack » Jeu 09 Avr 2015, 19:34

Dès la première fois, j'ai vu que c'était la fine fleur du polar urbain.
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Narcisse noir (Le) - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Sam 11 Avr 2015, 10:03

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La Montagne sacrifiée.

Exotisme, amours impossibles et engagement font les ingrédients de ce film britannique qui ne semble pas, dans son pitch, nous promettre une grande originalité sur les terres balisées des superproductions de l’âge d’or.
La constitution d’un nouveau couvent dans un palais au sommet de l’Himalaya est l’élément perturbateur idéal pour la nouvelle sœur supérieure, qui va devoir composer avec une communauté locale récalcitrante, des administrées en proie au doute et un compatriote pour le moins sarcastique, ver jovial dans le fruit de cette entreprise chrétienne en terra incognita.
L’un des intérêts majeurs du film relève donc de cette confrontation à un lieu hostile et magnifique à la fois : sur le toit du monde, baigné d’un vent continu, méditation et ressenti prennent une dimension nouvelle. Entre l’ermite qui les contemple et les percussions du village en contrebas, les sœurs se voient contraintes à redéfinir leur mission et un engagement qu’elles n’avaient jamais questionné. Le potager se transforme en parterre de fleur, les visages deviennent plus expressifs et les fresques du palais, ancien harem, témoignent d’un passé qui semblent encore hanter les lieux. L’espace, distribué avec un talent virtuose, devient rapidement une projection mentale et expressionniste ; en contrepoint des vastes points de vue sur les sommets neigeux et la falaise vertigineuse qui borde le clocher, les intérieurs sont un dédale venteux où, sur plusieurs niveaux, on s’épie, on se perd, on s’appelle.
D’un technicolor flamboyant, les décors (intégralement reconstitués à Pinewood !) tranchent avec la sobriété blanche de l’uniforme des sœurs, toiles qui vont se maculer de sang, de boue et de larmes. Dean, sorte de bouffon qui dit la vérité, les condamne dès le début avec le sourire, et s’impose comme le contrepoint de l’ermite qui les toise de sa falaise.
[Spoils]
C’est donc sur une étrange alchimie que se construit ce savant déséquilibre, entre l’immensité et l’intime, le chatoyant des couleurs et l’étouffement des cœurs. Par de menus indices, la vie irrigue la communauté des sœurs, la souffrance de ne pouvoir guérir, les souvenirs d’un passé plus humain, la jalousie ou l’amour. Mais la grande réussite du Narcisse Noir est de se cantonner, malgré les promesses de tout ce faste visuel, dans le non-dit et l’échec annoncés. Certes, l’affrontement final et à la lisière du fantastique entre les deux sœurs fait advenir une victoire des passions néfastes, mais c’est surtout l’écroulement muet d’une structure, d’une hiérarchie et de vœux censément inébranlables qui sont au cœur du récit.
On quitte les lieux et les tentations qu’il a fait sourdre avec l’arrivée de la saison des pluies. La structure fantasmogène du palais s’efface progressivement dans les nuages, qui tirent le rideau sur ce film singulier, ostentatoire comme du Donen et torturé comme du Dreyer, glamour et noir, à l’image de son titre.
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American Beauty - 5/10

Messagepar Nulladies » Dim 12 Avr 2015, 06:12

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Vitriol collectif

On ne peut nier la capacité de séduction d’American Beauty dans son premier quart d’heure. Annonçant par un flash forward un brin cryptique un drame terminal, puis par la voix off du protagoniste sa mort à venir, il permet une intrigue dont on va s’amuser à recoller les morceaux au fil de fausses pistes malicieusement disséminées. Second facteur ajoutant au capital sympathie, des comédiens en pleine forme qui s’amusent à écorcher l’image de la success story yankee : monsieur considère sa branlette sous la douche comme le point culminant de sa journée, madame associe win attitude, usage des flingues et méthode Coué dans une hystérie au sourire carnassier. Spacey et Benning s’éclatent, le lecteur aurait fortement tendance à les suivre.
On pourrait facilement voir American Beauty comme une série dont le pilote, irrévérencieux et survolté, vous promet une saison de haut vol. Les épisodes suivants calment un peu le jeu tout en s’essayant à de nouvelles thématiques, maladroites (la lourdeur kitsch, certes assumée, mais elle-même assez pesante des fantasmes du père en pleine crise de la quarantaine sur la lycéenne) ou assez intéressantes, comme cette exploration de la vidéo, occasionnant un voyeurisme de voisinage plutôt fertile. Les effets de vis-à-vis, la possibilité donnée de se voir dans sur un moniteur tout en s’offrant à l’autre ou d’avoir accès à un sourire caché dans un miroir sont autant d’idées qui effleurent les amours naissantes avec une certaine inventivité.
Arrivé au carrefour de la mi-saison, le rythme s’emballe, comme s’il s’agissait de retrouver l’énergie initiale, et tout s’effondre. Virant vers la farce grotesque, le film perd toute sa capacité à la satire et tourne à vide. Pire encore, la volonté d’asséner une morale systématique à l’intégralité des personnages sur le modèle « méfions-nous des apparences » vire à la recette : le militaire qui fait son coming out, la freak belle de l’intérieur, la lolita grande gueule vierge et complexée…n’en jetez plus.
Finalement, le supposé vitriol reste bien verni et glamour, et l’Amérique qui se regarde dans l’objectif déclaré de s’égratigner a bien du mal à échapper aux codes qu’elle dénonce. Pour qui voudrait vraiment voir la famille passée à la moulinette d’un regard sans concessions, au profit d’un véritable et salutaire malaise, on conseillera le bien plus fielleux Happiness de Todd Solondz.
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Hitokiri - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 15 Avr 2015, 05:43

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L’impact des loups.

La figure du samouraï a souvent été associée à la sagesse, la mesure et un code de l’honneur hors norme. Egratignée par celle du Yôjinbô de Kurosawa, c’est dans cette lignée que s’inscrit le Ronin de Gosha. La séquence d’ouverture le voit se défouler sur le mobilier, avide de combat et incapable de réfrener ses élans de violence. La suite de son parcours sera à la démesure de ses passions débordantes : massacres, sexualité frénétique avec une prostituée qu’il maintient volontairement dans son état servile, le tout sous les geysers de sang et les cris de souffrance.
Opportuniste, aveuglé par sa force physique, dénué de toute morale, Izo concentre toutes les vilénies de la basse humanité. N’obéissant que peu aux ordres, hurlant son nom lors des massacres, il fait honte à son rang, qui pourtant exploite à l’envi sa fureur.
Car c’est bien là le propos du film, fidèle à la noirceur de l’œuvre de Gosha : fustiger le pouvoir, sa capacité à manipuler et tirer parti de la basse main d’œuvre tout en affichant une idéologie propre sur elle.
Trahi, dénué de rang, Izo amorce une descente aux enfers qui pourrait sembler légitime si elle ne servait pas les intérêts de salauds qui, le cinéma nippon s’échine à le démontrer, dorment en paix.
Le film oppose ainsi deux types de violence : celle, physique et animale, du protagoniste, opposée à celle, calculatrice et perfide, de ceux qui le dirigent, allant jusqu’à le démunir de sa propre identité.
Les voies de la rédemption seront donc celles de l’abandon, de la prison et de l’affranchissement dans la douleur des maitres. Et s’il se rachète, en payant la dette de la prostituée et confessant ses crimes aux autorités, c’est moins ce retour à la morale qui intéresse Gosha que ce qu’il affirme du rapport au maitre. Déclassé jusque dans sa mise à mort, Izo se réjouit de ne pas subir le harakiri qui sera imposé à celui qui le dirigeait, Takechi. Car, dit-il, ils n’occuperont pas la même place au ciel, ce qui signifie qu’il sera libéré de lui pour l’éternité.
On pense bien entendu au majeur Harakiri de Kobayashi, et si Hitokiri n’en atteint pas l’intensité, il poursuit de façon vibrante cette vision radicalement pessimiste du pouvoir, de l’honneur et de la servitude.
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3 Samourais Hors la loi - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 15 Avr 2015, 05:44

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Le sabre qui cache l’apeuré

10 ans après la somme des Sept Samouraïs de Kurosawa, les parallèles sont nombreux avec ce premier film de Gosha, coup d’éclat d’une filmographie qui ne cessera de revenir sur les mêmes thèmes avec un pessimisme constant.
Le regard sur les classes propose ici le lien déjà exploité entre paysans et samouraïs, qui mettent un certain temps à se dévouer à leur cause. Là où la donne change, et accentue la charge dénonciatrice du film, c’est que la place des opposants n’est plus comme chez Kurosawa attribuée aux bandits, mais à l’ordre établi, à savoir un administrateur qui affame les classes laborieuses par des impôts démesurés.
Errants, les ronins doivent choisir leur camp : se mettre au service d’idéaux ou aller du côté du pouvoir, qui les traites comme des bêtes armées (thème qui fera toute l’intrigue Hitokiri) et veut déguiser leur exactions, justement, en actes de bandits.
Construit sur une dichotomie entre le monde paysan et celui, polissé, de l’administrateur qui les étouffe, le film multiplie les correspondances et les parallèles. Au kidnapping de la fille du puissant, à qui on fait une leçon sociétale en la forçant à gouter la bouillie de millet, repas des paysans, répond celui de la jeune prostituée, fille d’un des ravisseurs. L’opposition est aussi graphique, notamment par le travail sur les architectures internes, de la paille des paysans aux boiseries orthonormées des classes dominantes.
Le destin des 3 samouraïs, habilement écrit, permet toutes les voies de la rédemption et de l’accomplissement du héros selon Gosha : celui qui se fait pardonner le meurtre d’un paysan auprès de sa veuve, celui qui renie son engagement auprès d’un maitre injuste, et celui, enfin, qui définit la droiture du samouraï en engageant un pacte que le puissant ne respectera pas.
Et de la même manière que l’oriflamme de Kurosawa indiquait la puissance de l’écrit, c’est la pétition rédigée par les paysans qui devient le véritable enjeu du récit.
Sur ce canevas politique se greffe une violence qui dépasse largement celle de la démonstration verbale. Fluide, admirable dans son jeu sur le noir et blanc et la lumière, le film offre une série d’affrontements qui déclinent toutes les combinaisons : femmes entre elles (les coups de la maquerelle à la prostituée), coups de fouets, paysans, samouraïs et soldats dans un déchainement chorégraphique. Ombres chinoises et parois de papier éventrées, mise à sac des intérieurs en plans obliques magnifient cette danse de mort résolue à se soulever contre l’ordre établi.
Coup d’essai, coup de maitre, Les 3 samouraïs hors la loi est non seulement un splendide film de genre, mais aussi et surtout une leçon politique et humaniste d’une rage impressionnante.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jack Spret » Mer 15 Avr 2015, 10:11

Double "Approved" pour tes critiques de Gosha.
Tu va te pencher sur ses polars aussi ?


"- Ça vous dirait un petit échange dans la ruelle, derrière le bar ?
- Si c’est un échange de fluides corporels, je suis pas contre. Mais alors dans ce cas, tu passes devant."
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Scott Pilgrim - 6/10

Messagepar Nulladies » Jeu 16 Avr 2015, 06:15

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Un geek, pas cap, bien minuscule…

Les collusions entre cinéma et comic ont souvent généré des expérimentations assez originales. Qu’on pense au Batman de Burton, à Dick Tracy ou plus récemment Sin City, le potentiel iconique est puissant.
Scott Pilgrim s’inscrit dans cette veine, et brasse toute une culture de gamers, de geek et de rock au profit d’une intrigue visiblement délibérément inepte d’amours adolescentes.
Le ton brandi dès les premières séquences joue sur plusieurs tableaux : d’un côté, la nonchalance, voire la parodie, les chutes désactivant les poncifs de la romance teenage. De l’autre, une débauche de moyens visuels délirants, illustration des passions démesurées propre à cet âge. Combats au skate, à la guitare, mandales cosmiques, dragons sonores se partagent donc l’affiche avec les mines désabusées de pré-adultes sortis tout droit de Parker Lewis ne perd jamais.
Ce mélange étrange n’est pas sans intelligence : la laideur des combats semble volontaire, la bluette assumée, et certains passages comiques sont efficaces ; tout le monde pourra donc y trouver son compte.
Très travaillé dans son esthétique, le film devient aussi une sorte de jeu de piste à effets, souvent gratuits, mais néanmoins plaisants, où l’on finit par guetter la trouvaille pour la prochaine transition entre les séquences, les incursions du texte ou de l’animation dans l’image traditionnelle.
Tout cela est bien mignon, mais étonnamment inepte au regard des moyens investis. Une petite friandise cartoonesque dont le goût s’évapore aussi vite que celui d’une chupa chups.
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Hana-Bi - 9/10

Messagepar Nulladies » Sam 18 Avr 2015, 06:23

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Suicide in the sky with diamonds.

C’est sur un monde dépourvu de langage que s’ouvre Hana-Bi. Mutique et angélique, Kitano contemple avec la résignation d’un mort vivant ceux qui s’échinent à encore ruer dans les brancards : petites frappes, yakusas, créanciers, médecins, collègues.

Le monde est un charnier, au fond duquel gisent des morts qui refusent de pourrir pour pouvoir se dissoudre dans la terre, témoins d’un temps où la vie avait du sens, parce qu’on était père, parce qu’on était partenaire. Un charnier dans lequel se débattent ceux qui sont lentement happés par ses sables mouvants, malades, infirmes et dépressifs.

Le ténébreux, le veuf, l’inconsolé laisse les autres parler pour lui. Initié à la grande noirceur de la vérité, il prépare patiemment sa sortie. Sur son parcours, des obstacles : ceux du passé, qui ressurgit sous la même chape de silence, corps criblés de balles et carnage feutré. Ceux du présent, qui font de lui un paria pour la police qu’il a quittée et le monde du crime qu’il fracasse avec calme.

Récit kaléidoscopique, Hana-Bi (« Feux d’artifice ») fait le pari d’ébauches de beauté avant l’adieu au monde. Dans une atmosphère parfois proche de Tati, des scénettes muettes répondent à la course vers le pire. Un jeu de cartes où l’on triche avec malice, une photographie dont le retardateur se déclenche au mauvais moment : les erreurs de la vie se poursuivent, mais on prend le parti d’en sourire ; de son côté, le collègue infirme, ivre de solitude, fait d’une épiphanie florale un rideau à tirer sur le monde. Avec la patience et l’humilité de l’artisan, points par points, il peint le monde sur lequel la dernière couleur sera celle de sa dispersion sanglante.

Porté par la musique de Hisaishi la plus mélancolique que le Japon puisse générer, la course s’organise. L’étau se resserre en même temps que se déploient les paysages. La conscience s’accroit à mesure que l’évidence s’affirme. Elle arrose des fleurs mortes, il mitraille à tout va, et la danse macabre enroule en sa torsion précipitation et lenteur sereine.

Haiku visuel, avare de mots, dense de toute la beauté triste du monde, Hana-Bi porte le lyrisme aux cimes d’une délicatesse insoupçonnée. Eclabousse l’écran de sang et de peinture, révèle la beauté d’un sourire muet, et fait d’un cerf-volant déchiré une réconciliation avec le deuil en même temps qu’un départ vers les rivages inconnus de l’ultime départ.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar lvri » Sam 18 Avr 2015, 09:39

Superbe critique ! :super:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Dim 19 Avr 2015, 08:12

Fallait bien ça pour remonter sa moyenne après le tacle sévère d'Alegas :super:
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Vierge, les coptes et moi (La) - 8/10

Messagepar Nulladies » Mar 21 Avr 2015, 05:39

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Muse your illusion.

Namir Abdel Messeeh est un petit malin son docu-fiction ne cesse de devancer les reproches qu’on s’apprête à lui faire. Bordélique, brouillon, partant dans toutes les directions, son projet a de quoi déconcerter.
Décidé à enquêter sur les apparitions de la Vierge au sein de la communauté copte en Egypte, le réalisateur initie un documentaire qui va le lancer sur les traces de ses origines, sous les commentaires acerbes de sa mère qui ne croit pas en son projet ni, d’ailleurs, ne le comprend vraiment.
Mélange étrange de ces images filmées et de leur laborieux tournage, de son rapport tumultueux à son producteur, making off, work in progress, son film s’embourbe tout en s’enrichissant de sa propre exégèse.
Alors qu’on a plutôt tendance à prendre le parti de ceux qui condamnent sont projet, et qu’on peut s’irriter de la façon dont le réalisateur assume son amateurisme, la direction finale prise par son projet enfonce, semble-t-il, le clou du n’importe quoi. Face à l’échec d’un film documentaire sur les apparitions de la Vierge, il prend le parti d’en reconstituer une fictionnelle avec toute la communauté de sa ville natale. Le film devient alors l’aventure de ce tournage, le casting et le regard sceptique ou amusé de ses cousins sur son projet farfelu, souvent très drôle.
Progressivement, à l’image de ces sourires qui naissent sur les visages et ces amateurs qui se laissent prendre au jeu, le spectateur se laisse prendre à mesure que le réalisateur s’efface au profit de ceux qu’il filme.
Car dans ce jeu de dupe (on comprend bien qu’une part du documentaire est elle-même jouée, que certaines parties sont reconstituées) où tout semble improvisé, Messeeh dévoile discrètement ses cartes et fusionne le disparate en une réfléxion tendre et puissante sur les pouvoirs du cinéma. Art de l’illusion, écriture fictive pour retourner aux vrai des origines, travail sur la foi, son métier lui permet un regard lucide et enthousiaste sur ces points névralgiques du 7ème art.
La projection finale, qui permet de voir le film tourné et son impact sur ses spectateurs/acteurs, est un moment d’autant plus fort qu’elle est le miroir des réactions dans la salle (pour avoir vu ce film en salle avec des élèves, l’effet n’en a été que renforcé), et renvoie à ces déclarations d’amour pour cette nouvelle sacralité qui réunit les foules, qu’on trouvait déjà dans Cinéma Paradiso de Tornatore.
Un film atypique, d’une grande intelligence, associée à une pudeur qui donne à son propos une authenticité rare.
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