S'il y a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher à Michael Mann, c'est bien sa cohérence tout au long de son œuvre, que ce soit d'un point de vue visuel, sonore, thématique, ou tout simplement dans le constat d'une évolution perpétuelle d'une mise en scène qui, finalement, a toujours été la même depuis le début, caméra numérique ou pas. Renoir disait qu'un réalisateur était condamné à réaliser le même film jusqu'à la fin de sa vie, et sa citation s'adapte parfaitement à un film comme
Blackhat qui est, à bien des égards, un best-of conséquent de toute la carrière de son auteur. Non seulement le film se rapproche aisément d'un
Miami Vice ou d'un
Collateral à plusieurs niveaux, mais il est étonnant de constater que quasiment chaque scène, chaque personnage, chaque situation peut se retrouver d'une certaine manière dans d'autres films du réalisateur. Cependant, cette constatation est loin d'être un défaut, puisque derrière cette apparente répétition se cache un cinéaste qui est en perpétuelle évolution sur son cinéma et qui, à 72 ans, se permet encore de ridiculiser une très grosse partie de sa jeune concurrence.
Car si
Blackhat est bien un film de Michael Mann, avec tout ce que cela implique en terme de thématiques et de réflexions, c'est avant tout un divertissement de premier ordre. On aurait pu penser que Mann avait plusieurs décennies de retard avec un genre tel que le cyber-thriller, et pourtant il s'éloigne finalement rapidement de son postulat de départ pour dépeindre non seulement un monde en constante opposition entre les forces physiques et virtuelles, mais aussi et surtout des personnages qui vont évoluer par rapport à cette opposition. Le meilleur exemple venant du personnage principal, hacker expérimenté qui, après un long séjour en prison, va totalement reconsidérer ses créations passées, leurs conséquences ou encore l'emprise qu'il peut avoir sur le monde qui l'entoure au point de revenir à un stade plus humain, plus crû et revenir ainsi à des valeurs basiques. Mann, en réalisateur accompli, ne se contente donc pas de mettre en scène une simple série B comme certains le pointeront du doigt, mais bien un film qui rentre totalement dans ses constructions scénaristiques habituelles, au point de souligner son propos par des choix visuels étonnants. Ainsi, le climax final, au-delà de la recherche du spectaculaire, est finalement une quasi-représentation des plans en CGI de début de film, avec une foule compacte allant dans un sens, telles les informations d'un système informatique, et où le héros devra se débattre parmi elle et aller à contre-courant (et donc de sa nature) pour remporter la partie.
Un exemple parmi d'autres qui font de
Blackhat un objet formel fascinant, en plus d'un thriller de haute qualité qui, avec quatre scènes d'action, prouve que Mann reste encore un sacré metteur en scène. Comme d'habitude chez Mann, le moindre personnage se révèle, derrière sa construction basique, tout simplement authentique (il suffit de voir comment il humanise le personnage de Viola Davis ainsi que le marshall en trois lignes de dialogue), l'atmosphère peut passer de l'onirisme (la scène sur le tarmac de l'aéroport) à la violence pure et simple (la fameuse scène qui arrive sans prévenir), et devant le plan final, totalement Mannien dans l'esprit, on ne peut que se rendre à l'évidence : non seulement
Blackhat est bel et bien un bon film, mais il s'inscrit d'une manière étonnante dans une filmographie pourtant déjà très riche. Nul doute que Mann n'a pas fini de nous surprendre et qu'il saura, dans quelques années, renouveler un tel tour de force.