J'ai gardé une petite réserve de vieilles critiques déjà postées auparavant du temps de Band of Movies que je vais désormais reposter de temps a autre, histoire qu'elles ne se perdent pas. Starship Troopers - Paul Verhoeven (1997)
"Dans mon unité tout le monde se bat, personne se barre !"C'est par cette phrase culte que j'entame ma critique de Starship Troopers, film hautement méta-textuel, terrifiant et jouissif sans aucun égal en dehors peut-être de Battle Royale dans l'histoire du cinéma. On aura décidément beaucoup jasé à tort et à travers sur le résultat final qui s'avère être un mélange saugrenu de Beverly Hills, Star Wars et Full Metal Jacket, le tout emballé avec le cynisme légendaire du hollandais Verhoeven durant sa carrière américaine. Après un Showgirls qui aura certes bien fonctionné commercialement, Paulo s'est résigné à revenir au genre qui l'a popularisé et s'est entouré à nouveau de sa dream team du temps de Robocop : le chef opérateur Jost Vacano (fidèle du réalisateur depuis Soldier of Orange), le scénariste Ed Neumeier et le terrible Basil Poledouris à la musique répondent présents. Le résultat sera à la hauteur de leur précédente collaboration, c'est peu de le dire !
La filmographie de Verhoeven a la particularité d'avoir souvent eu des films miroirs, comme Katie Tippel qui annonce Showgirls ou bien le Quatrième Homme qui est un lointain précurseur de son Basic Instinct, Starship Troopers ne déroge pas à la règle, il est en quelque sorte le petit frère de Robocop dans son aspect satirique et institutionnel. Par institutionnel, j'entends qu'il emploie tout les codes de la série B, les respecte et fait qu'il peut aisément supporter une vision au premier degré, du coup Paul fait le travail qu'on lui demande de faire : réaliser une œuvre populaire et accessible, il suffit d’enlever l'imagerie nazie du film et on a la un superbe actionner SF qui en donne pour son fric. Voilà la plus grande force de la carrière US de Verhoeven, avoir saisi les vertus du cinéma de genre pour réussir à toucher tout les publics, qu'ils soient distraits ou exigeants.
On pourrait en rester là et vanter le film sur ses mérites objectifs, mais ce serait bien sous-estimer sa portée méta-textuelle qui n'est pas tant une allégorie du nazisme (écouter à ce propos le commentaire audio du réalisateur qui se défoule comme un malade à ce sujet, pour info, c'est à cause de ce supplément en particulier que tous les gros éditeurs ont apposés un carton au début de chaque disque pour se dédouaner de tout propos émanant d'un bonus), qu'une désacralisation de l'American Way of Life : le futur y est montré de façon idyllique, le ciel est bleu, les décors sont propres et les gens sont beaux, trop pour être vrais, une vraie société fascisante qui ne laisse pas de place au grain de sable qui pourrait gripper ses rouages (il est amusant aussi de constater que nos héros playboys sont installés à Buenos Aires, laissant augurer une harmonisation territoriale et donc une disparation progressive de la culture latine au profit de la société WASP, même leurs noms latinos ne font pas illusion là dessus). Dès le premier plan, Starship Troopers joue la carte de la dérision et du second degré avec une succession de spots visuellement kitsch aux images aberrantes vantant tour à tour le confort de vie sur Terre, les armes à feu (des gamins vont jusqu’à jouer avec des fusils mitrailleurs en rigolant !) et bien sur la menace insectoïde, soi-disant nuisible pour la vie humaine qui en prend pour son grade. Mais plus que dans ce procédé qui est le lien le plus flagrant avec Robocop, c'est davantage dans sa mise en scène volontairement télévisuelle, proche d'un épisode de Beverly Hills que la vision radicale de Verhoeven prend forme, en jouant sur des codes connus de tous, il s'attaque donc à l'image qu'un pays nous renvoie par sa culture bien pensante où seuls la beauté et la bonne morale ont le droit de cité.
Loin de se limiter qu'a la seule image médiatique des States, Starship Troopers est aussi une métaphore plus qu'évidente sur l'interventionnisme américain et ses échecs, je pense que l'on s'égare à vouloir faire le rapprochement avec la Seconde Guerre Mondiale (qui a toujours travaillé la tête de Verhoeven) qui en dehors de la débâcle de Klendathu qui renvoie à celle du Débarquement en juin 44 et des tenues de SS portées par nos braves troufions, le vrai parallèle se situe davantage vers le conflit vietnamien où l'Amérique à payé très cher son ingérence. Comme Aliens le Retour, on y voit une armée trop sure d'elle et de ses technologies, reléguant la stratégie et la compréhension de l'ennemi au second plan, on a donc une bande de rambos en puissance qui se mettent à 10 sur un seul insecte au lieu de les repousser tous progressivement, et qui tombent comme des bleus dans des pièges à cons sur un terrain qu'il ne connaissent absolument pas (les fameux "tunnels rats" qui ont contribué à la victoire des viet congs sont présents). Ceux qui y ont vu une apologie de l'armée américaine auront bien tort, puisqu'on est plus chez GI Joe que dans Stalingrad pour le coup, avec une armée totalement désorganisée, croyant gagner en fonçant droit dans le mur, mais n'oublions pas que Paulo reste un cynique et au lieu d'en faire une leçon, il va persévérer à montrer cette confiance inaltérable en eux, leur donnant le dernier mot de l'histoire, alors que nous spectateurs savons très bien que nos troufions s'égarent et vont contribuer sans s'en rendre compte à la machine de propagande fasciste où il faut humilier l'ennemi sans vraiment comprendre pourquoi ils doivent agir avec tant de cruauté. Difficile de faire plus retors comme point de vue.
Starship Troopers demeure l'une des plus belles réussites de la période US de Paul Verhoeven, en étant tout d'abord un redoutable actionner SF fun, généreux et qui n'a absolument pas vieilli en termes de SFX (alors que le film a plus 15 ans, chapeau !), un vrai film culte qui supporte indéfiniment les revisionnages et donc un film révolté dont l'acidité de la satire peine à faire des petits dans le paysage cinématographique mondial.
10/10