Si
Magnolia n'est pas le plus grand film de son auteur,
There will be blood étant passé par là depuis, il reste sans aucun doute la pièce la plus personnelle de la filmographie de Paul Thomas Anderson. Si le réalisateur n'a jamais caché sa volonté de mettre en scène des thématiques qui le touche directement (notamment tout ce qui touche aux relations parentales, ou encore à la famille de substitution), il aura fallu attendre la déclaration de Philip Seymour Hoffman sur le script de
Magnolia pour comprendre la complexité autobiographique de ce dernier. En effet, l'acteur avait, de son vivant, dit clairement que chaque personnage du film choral était, plus ou moins, une facette d'un Paul Thomas Anderson qui, à travers ce film, fait directement face à un passé qui le poursuit sans cesse.
Ainsi que l'annonce la fameuse citation du film,
Magnolia est une œuvre sur le passé, le destin, ou comment les hasards de la vie quotidienne peuvent nous mettre face à ce qui nous effraie afin que l'on puisse avancer pour de bon. Se déclarant comme une suite spirituelle du
Short Cuts de Robert Altman, Magnolia est pourtant une œuvre bien plus ambitieuse, aussi bien scénaristiquement que formellement. Là où le film d'Altman se contentait d'afficher des destins croisés pendant trois heures avant de conclure sur une fatalité pour les lier, Paul Thomas Anderson a l'intelligence de les présenter dès le départ comme des protagonistes aux liens divers, tout en les confrontant toujours aux même obstacle, à savoir la peur (de mourir, d'être ignoré, de ne pas être pardonné, de ne pas être aimé, etc...). Du coup, du début jusqu'à la fin, le film est une puissante tragédie évoquant les malheurs humains les plus inévitables, à travers des personnages qui, en plus d'être des reflets d'un réalisateur à la sensibilité extrême, sont de véritables écorchés vifs, chacun à leur manière, et notamment dans leur façon d'appréhender leur existence qu'ils estiment ratée.
A cela se rajoute LA qualité essentielle pour ce genre de film, à savoir une construction (de script et de montage) symphonique, qui permet au film de comporter des passages entiers que l'on pourrait associer à des climax, alors qu'il ne s'y passe absolument rien de spectaculaire. Du coup, le script, fortement inspiré par les chansons d'Aimee Mann qui accompagnent le métrage, est de très loin le plus touchant de Paul Thomas Anderson. Là où, d'ordinaire, le réalisateur développe les émotions de ses personnages par la mise en scène, il laisse ici un champ libre total à son casting qui en profite pour livrer des performances de premier ordre. Résultat : la plupart des acteurs trouvent ici le meilleur rôle de leur carrière respective, en particulier Tom Cruise qui prouvait à la face du monde qu'il était capable de jouer autre chose que des wonder-boys, et qui n'a jamais été aussi bon depuis (sa séquence avec Jason Robbards est tout simplement démentielle en terme d'acting).
Techniquement, Paul Thomas Anderson prouve qu'on peut faire un film dans la lignée d'Altman sans pour autant singer son style minimaliste. Ici donc, on a ni plus ni moins que le digne successeur d'un
Boogie Nights d'un point de vue formel. Que ce soit la fluidité d'une caméra dans un plan-séquence, la gestion d'un surcadrage ou encore un jeu de focale, Anderson confirme son talent exceptionnel pour mettre en scène des séquences qu'on ne voit nulle part ailleurs (on pense au climax final évidemment, mais aussi à cette sublime séquence où chaque personnage chante la même chanson, qui est peut-être bien ma séquence préférée de la filmographie entière d'Anderson).
Magnolia, second chef-d’œuvre de Paul Thomas Anderson, et très certainement son plus beau film à ce jour, en plus d'être un modèle ultime de film choral.