[Nulladies] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Climats (Les) - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Jeu 19 Mar 2015, 07:15

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Les Climats, Ceylan, 2006


Votre âme est un paysage choisi.

La première partie des Climats semble être le contrepoint complémentaire d’Uzak : à la cohabitation indifférente et forcée de deux hommes succède ici les émois d’un couple. A la ville froide sous la neige un été éclatant, aux intérieurs étouffants les plages scintillantes. Seul le silence est commun aux deux films, associé à cette rigidité du plan fixe qui laisse lentement sourdre les émotions, au risque de l’austérité.
Entre les colonnes antiques et le sable brûlant de la Turquie, l’ouverture des Climats est éblouissante : par sa lumière qu’une photographie sublime souligne avec virtuosité, et par cette attention portée à la peau perlée de sueur. Les corps à la merci du soleil, et persistant à rester opaques à l’autre dessinent tout le programme d’une exploration qu’on qualifie à raison de bergmanienne.
Puisqu’on ne parle que très peu, c’est à l’image de prendre le relai des émotions et du drame en cours. Le visage de la femme est à lui seul un paysage sur lequel défilent toute les émotions, de l’étonnement à l’affliction qui précède les larmes. Très formaliste, Ceylan multiplie les petites expériences visuelles pour signifier le vertige de l’incommunicabilité : le jeu sur les champs et contre champs (on croit ainsi que l’homme parle seul et que la femme est dans l’eau, alors qu’une ellipse lui permet d’être derrière son visage et de n’apparaitre qu’au dernier moment), les miroirs et les cloisons (une discussion sentimentale dans un van sans cesse interrompue par des techniciens qui viennent en ouvrir le coffre ou la porte latérale) ne cesse de brouiller les pistes.
Le même souci du déséquilibre jalonne le récit, qui occasionne de brutales embardées avant de laisser la neurasthénie le gagner à nouveau : un accident provoqué à moto, une étreinte violente sur le parquet d’un salon (où les visages vont jusqu’à occulter le champ de la caméra) surprennent et brusquent le spectateur, sans toujours le convaincre. Le film accuse un certain essoufflement après la première rupture et s’égare dans des directions qu’il est difficile de toujours suivre, mais qui probablement épousent les errances d’un protagoniste en mal de repères sentimentaux.
Reste, comme souvent chez le cinéaste, des prises de vues à couper le souffle : un panorama sur les montagnes photographié par le protagoniste, (qui dans Uzak avait pour sujet des carreaux et semble prendre ici un peu de la hauteur…), la neige sur un tournage et un visage inoubliable ; c’est bien là que se loge le cinéma de Ceylan : au-delà des mots qui de toute façon appauvrissent ou mentent.
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Mr Nobody - 4/10

Messagepar Nulladies » Sam 21 Mar 2015, 06:31

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Brise l’âme.

Sur le menu du Blu-ray, un choix s’offre à moi : la version courte ou la longue ?
Aucune idée.
Partant du principe que les méchants studios ont pour habitude de brider la créativité des gentils et prolifiques auteurs, je lance la longue.

Question : quelle aurait été ma critique si j’avais opté pour la courte ? Plus tolérante ? Le film aurait-il été une révélation ? L’ayant fini en avance, aurais-je pris la route plus tôt, et par conséquent croisé un sanglier qui aurait provoqué un accident mortel, voire ma mort, et mon impossibilité d’en faire la critique ?

Voilà donc le pitch du film.
Les aiguillages de la vie, l’effet papillon, et les moments décisifs qui font ce que notre destin finit par être, une histoire linéaire dont on ignore les ramifications possibles.
Mais pas ici, pas sous la plume d’un auteur qui, après bien d’autres (Cortazar en littérature, puis une kyrielle de cinéastes bien moins inspirés, Howitt et Sliding Doors, Allen et Melinda & Melinda) joue au « What if… ? »
Boursoufflé au possible, clipesque en diable, la somme de Van Dormael (2h37 contre 2h19 pour la version « courte ») joue à fond la carte des effets visuels pour donner à voir les carrefours du destin. Si le début est assez énigmatique, superposant les différentes destinées avant de les expliciter, tout se noie rapidement sous un déluge indigeste de didactique balourde (les cours sur le big et le crush-bang), de licornes et d’anges, (véridique), de futur dystopique, asexué et quasi immortel, ainsi que d’amours adolescentes dans une esthétique à la sauce new-age qui rappelle assez désagréablement Cloud Atlas ou Life of Pi. Le recours très fréquent à la CGI est ainsi l’une des plus grosses erreurs du film, aussi laid que réducteur quant à l’imaginaire qu’on donne à voir.
Car le destin, qu’on se le dise, ce n’est pas la vie : ce sont des événements extraordinaires. Histoire de conjurer la citation assez amusante du début (“Most of the time, nothing happened. Like in the French movies”), le récit aligne les catastrophes (dépression, accidents de voiture, père paralytique) comme autant de destinations possibles. En plus d’être grotesque, c’est surtout fatiguant.
Ce qui est regrettable, c’est que Van Dormael semble vraiment sincère dans sa quête, à savoir l’intensité pure du sentiment infantile ou adolescent, et sa dilution mélancolique dans le temps qui la dévore, et qui faisait d’ailleurs la force de Toto le héros.
Ce sujet allié à la SF n’a pratiquement jamais fait bon ménage, à l’exception notable d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. A la fin du film, on évoque, en quelques secondes et parmi des dizaines d’autres possibilités, le fait que le père du héros aurait pu mourir d’un accident de luge à 5 ans, et de ce fait ne jamais l’engendrer. Allusion fugace mais évidente à La vie est belle de Capra, avec lequel la comparaison fait beaucoup de mal : l’uchronie fantastique fonctionne dans ce chef d’œuvre comme un élément final, qui vient rendre hommage au réel tel qu’il est, à l’inverse de cette débauche de pistes et d’effets qui soulignent avant tout l’incapacité d’un cinéaste à gérer tous les moyens qu’on lui met à disposition.
Les plus beaux films sur l’enfance (Il était une fois en Amérique, Les 400 coups) ou sur l’adolescence (A bout de course, Deep End, La vie d’Adèle) se contentent de tenter de circonscrire, dans sa brute authenticité, le sentiment amoureux et la violence de l’initiation au monde. Mais au monde réel. Quand la plume débridée de l’auteur matérialise tous les fantasmes imaginables, l’image peut être jolie, audacieuse et exotique, elle essore le film de ce qui devait faire sa chair : l’émotion.
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Miller's crossing - 9/10

Messagepar Nulladies » Sam 21 Mar 2015, 06:37

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Le bellâtre et ses doubles.

Miller’s Crossing. Un croisement décisif sous les arbres, un rêve silencieux dans lequel un chapeau flotte parmi les feuilles mortes. Une forêt dont les arbres semblent accueillir paisiblement la mise à mort, contemplant de leur haute majesté la violente comédie humaine.

Dans la ville qui ne dit pas son nom, tout est truqué. L’ouverture, clin d’œil évident au Parrain, joue des codes pour installer un univers assumé avec la jubilation des jeunes cinéphiles de talent. On truque les paris truqués, on revendique une éthique du gangstérisme qui n’adviendra jamais. Car dans Miller’s Crossing, le nerf de la guerre, est une autre croix que celle du croisement : le « double cross ». Flics et maire, hommes de mains et petites frappes dansent de concert sur la ritournelle de l’opportunisme.
Dans l’œil du cyclone, Tom Reagan, l’homme qui a juré de presque toujours la vérité, et sans le sourire. Parce que le cynisme sied particulièrement à son visage qu’un feutre classieux mange constamment de moitié, parce que tant qu’à être un salaud, autant le faire avec un tant soit peu de panache. Patron, poupée et acolytes vont se casser les dents, les lèvres et les poings sur sa petite gueule d’ange.
De toute façon, le monde est une farce ; une conversation amicale entre flics et truands sur fond de mise à sac commandée d’un tripot, une kyrielle de blagues ritales aussi peu efficaces que le cynisme des bouffeurs de patates ou les courbettes des pédales youpines.
Le monde, c’est un macchabée dans la rue à qui on barbotte sa perruque, un plancher qu’on crible de balles sur un air d’opéra ou les hurlements de femmes obèses face à la violence grotesque de cette vaste cour de récréation.
Tom a tout compris, et puisque la pourriture semble être la monnaie d’échange, à lui de se comporter comme un ver dans le fruit. Aussi vicelard que des crampes d’estomac, il fait son bout de chemin. Ça s’agite, ça cogite, et le rutilant des boiseries polies se macule de sang, de salive, tandis qu’il n’oublie pas lui-même de cracher au bassinet.
“Everybody is so God damn smart”, souffle avec lassitude Eddie le Danois. Cette galerie de personnages, aussi incarnés et caractérisés, empoignant avec une telle jubilation les archétypes, ne pouvaient être que du fait des Coen, secondés par des interprètes de haut rang, un Byrne impavide, un Polito rabelaisien ou un Turturro retors comme jamais.

Acide et glamour, hollywoodien et singulier, codifié et atypique : Miller’s Crossing, ou la quintessence des frères Coen ; un cinéma dont l’érudition est inféodée à un plaisir sans borne, capiteux et long en bouche.
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Duel - 8/10

Messagepar Nulladies » Lun 23 Mar 2015, 06:49

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Toy lorry.

A l’aube de sa prolifique carrière, c’est avec un certain minimalisme que Spielberg se fait remarquer. Sur un scénario étique (« l’histoire d’un automobiliste qui veut doubler un camion »), il affirme avec malice son talent de metteur en scène.
Deux séquences parmi un grand nombre d’autres, attestent de cette maitrise. Le prologue, où la caméra embarquée, dans un long plan séquence, limite l’écran au pare-brise de la voiture. Pour mouvement, la route. Pour paroles, la radio. Pas de trace des humains, et l’annonce déjà forte du règne des machines, dans un paysage qui quitte progressivement la ville vers le désert propice aux luttes légendaires. La deuxième est le mouvement permettant de dévoiler le camion qui devance la voiture, formidable travelling qui double cette dernière pour remonter le long du monstre de rouille, tout en restant au niveau du visage de l’automobiliste, permettant de mesurer l’écart de puissance entre les futurs rivaux.
Le film repose sur ce pari : faire du camion un monstre personnifié, dont on ne verra jamais le chauffeur, un prédateur tapi au bout d’un tunnel, dont les moindres pistons semblent vibrer de fureur psychopathe. De l’autre côté du terrain de jeu, notre héros, bien fragile et certes pas toujours crédible dans ses prises de décisions.
Reconnaissons-le, il est un peu laborieux de tenir 90 minutes sur un tel sujet, et certains moments accusent un essoufflement (la longue paranoïa au restaurant, par exemple) ou des répétitions de déclinaisons sur le canevas « je suis devant/derrière, je l’ai semé, mais non », etc.
Mais on peut dépasser cette fragilité par la dernière partie qui assume clairement les limites de son pitch : les jeux de déplacement, les demi-tours, les démarrages et arrêts incessants nous conduisent vers un absurde tout à fait réjouissant, et une angoisse dont le très talentueux Richard Matheson a le secret. Convoquant Hitchcock (pour un passage musical fortement inspiré des stridences de Psycho, pour la course à pied sur la route qui fait écho à North by northwest), le jeune prodige s’en donne à cœur joie pour conclure sur un duel où les leviers de vitesse et les accélérateurs remplaceraient les flingues du wild west.
N’en demandons pas trop à ce film, qui fut d’ailleurs un téléfilm. Malicieux, amusant, inventif, il éclaire a posteriori sur la filmographie d’un des plus grands enfants de l’industrie hollywoodienne.
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Sugarland Express - 7/10

Messagepar Nulladies » Lun 23 Mar 2015, 06:52

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[Center]Sugarland Express, Spielberg, 1974[/Center]

Point de limite pour les zéros.

Le premier plan de Sugarland Express est celui d’un carrefour. Lieu potentiel par excellence, un poteau y indique une pluralité de directions alors qu’un bus y surgit du hors champ, et non de l’arrière-plan comme on pouvait s’y attendre. Spielberg, à l’aube de sa carrière, a encore le choix des armes, et c’est par une comédie satirique qu’il va se frotter au cinéma, genre dans lequel il ne va finalement pas beaucoup s’illustrer par la suite.
Les débuts du récit sont un peu laborieux, et un certain temps d’adaptation est requis pour se mettre au diapason des étranges personnages qu’il met en scène. Limités, en marge de la société, le couple se met en quête de récupérer le fils dont on leur a retiré la garde, en commençant par évader de résidence surveiller le père avant de kidnapper un policier.
Un peu répétitif, assez lent, le rythme atypique pour un tel sujet, à savoir une cavale avec la police de tout l’Etat aux fesses, le film tire finalement parti de sa singularité. La mélancolie de ces paumés qui perdent de plus en plus pied avec le réel peut s’avérer assez touchante, trainant dans leur sillage une société sur laquelle le regard va se faire très acide. Faux réservistes avide de tir au lapin sur des hors-la-loi, critique du rapport aux armes et de l’impossible dialogue entre les classes sociales, la galerie de portraits qui croisent la trajectoire des protagonistes est saisissante. On pense bien évidemment au superbe Point Limite Zéro dans le traitement médiatique et l’hystérie collective qui accompagne progressivement la virée utopique. Les nombreuses scènes en plans très larges d’une poursuite absurde et lente, convoi de centaines de voitures de police derrière les fugitifs acquièrent ainsi une véritable poésie visuelle, un peu hors temps et hors genre.
Car cette quête vouée à l’échec délaisse de plus en plus ses ambitions comiques. En voulant redevenir parents, et s’insérer dans la société, les proscrits creusent le fossé qui les en sépare. La belle séquence durant laquelle ils regardent depuis un camping-car un épisode de Bip Bip et le Coyote dans un drive-in, l’écran se reflétant sur le pare-brise, en est la métaphore : infantiles, pleins d’espoir, ils s’amusent un temps sans prendre conscience de la chute vertigineuse dans laquelle ils se sont engagés.
C’est donc sur la durée que Spielberg emporte en grande partie son pari : avoir suscité l’empathie pour ces paumés, et porté un regard plus satirique qu’il n’y parait sur la société qu’ils auront traversée : la prise de position des autorités dans la maison des parents adoptifs de l’enfant qu’ils transforment en siège en y cherchant le meilleur angle de tir sous l’œil du bébé porte ainsi un regard dans concessions, mais tout en finesse, sur les failles du Land of Opportunities.
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Freaks: la monstrueuse parade - 8/10

Messagepar Nulladies » Mar 24 Mar 2015, 06:32

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Les Erinyes foraines

Freaks a cette particularité atypique de se présenter sous les atours de la fable, voire du récit fantastique : récit encadrant, flashback, transformation de la méchante en guise de châtiment, tout y fonctionne sur le principe de l’apologue. Mais l’enjeu du film est de passer par une représentation réelle des « monstres » et partant, de les humaniser.
La première incursion dans une forêt très édénique, les présente comme des enfants, miroir des spectateurs à qui on va raconter ce conte cruel, premier renversement des perspectives, d’autant qu’on y montre un propriétaire tolérant qui laisse à l’air libre ceux qu’on a l’habitude de cacher, possibilité utopique qui sera démentie par les portraits humains qui suivront.
La communauté du cirque, telle qu’elle est présentée, est le véritable sujet du film, finalement presque documentaire. Entre autodérision et solidarité, situations comiques (le bègue et sa femme siamoise, en prise avec sa belle-sœur, l’accouchement de la femme à barbe), Browning humanise les individus avec un talent indéniable. Deux figures féminines, Cléo et Venus, opposent les figures de la femme « normale » face aux difformes : l’humaine et la monstrueuse. Tandis que le récit s’articule autour d’une histoire tristement banale d’héritage et de mensonge amoureux, la dynamique va évoluer autour de deux scènes de cauchemar particulièrement bien menées. Celle de l’humiliation, tout d’abord, lors d’un repas de noce alcoolisé au beau milieu de la piste du cirque et durant lequel toutes les vérités seront dévoilées à l’amoureux trahi. Celle de la vengeance, enfin, scène horrifique où la communauté offre à la coupable l’effroi qu’on associe habituellement à leurs personnes. Voyeurisme entre les marches des roulottes, foule grouillante dans les flaques de boue, les Erinyes foraines convergent vers le véritable monstre.
Film révolutionnaire dans son audace, longtemps interdit, Freaks est un tournant dans le cinéma : parce qu’il puise dans ses origines, l’attraction foraine, parce qu’il perpétue la tradition du récit à visée morale, mais tout en s’emparant du réel sans fard au profit d’une empathie et d’un humanisme d’une intensité nouvelle.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Mar 24 Mar 2015, 10:00

Bien la critique de Miller's Crossing! :super:
I'm the motherfucker who found this place!
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Pathfinder » Mar 24 Mar 2015, 11:53

Découvert hier soir pour ma part (Miller's), et je n'ai pas réussi à aller au bout :chut:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Dunandan » Mar 24 Mar 2015, 11:58

Essaie de le revoir :chut:

Sans rire, je l'ai vraiment redécouvert récemment. Un bel hommage au film de gangsters des années 40 :super:

Et la façon dont l'histoire déraille (du pur Coen quoi) est tout simplement bonnard.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Pathfinder » Mar 24 Mar 2015, 16:56

Mouais, je vais laisser le temps passer. Mais je me suis vraiment fais chier et Gabriel Byrne m'a parasité le film...
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Zombie - 8/10

Messagepar Nulladies » Mer 25 Mar 2015, 06:40

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Les sanglantes glorieuses

On sait depuis longtemps à quel point le film de genre investit le territoire de la contestation, et profite des détours fantasmagoriques pour évoquer les horreurs du réel. Zombie en est un illustre exemple, et ce dès ses premières minutes chaotiques, où l’on se préoccupe de rester à l’antenne alors que l’humanité n’a plus grand-chose à donner à voir, si ce n’est sa désorganisation et son chaos.
La créature du zombie a quelque chose de véritablement fascinant : figure passive, dont l’unique force est le nombre, dénuée d’intelligence et de parole, elle laisse entièrement la place à l’individu sain qui la combat ou se défend de son agression : et ce qu’elle révèle de lui sera la quintessence de l’humanité. De ce fait, Zombie est sans appel. Les premiers combats sont inter-humains, et le défouloir sur les infectés a tout du génocide. Dans des caves, ou autour du barbecue du dimanche, dans un bon esprit de chasseur yankee, la civilisation se défoule et semble jubiler de cet alibi planétaire donné à ses pulsions meurtrières.
Pour renforcer sa démonstration, Romero va convier tout son beau monde dans le Temple de l’Amérique, le centre commercial. Loin de véhiculer l’angoisse, l’apocalypse se transforme en terrain de jeu, et alimente le fantasme ultime du consommateur, celui de pouvoir se servir dans les rayons comme un buffet à volonté. Enfermés dans leur tour d’ivoire, les protagonistes commencent par l’épuration ethnique (car les zombies pullulent, rappelés par la force du souvenir à cet endroit qui était « important pour eux »), le nettoyage des corps vers les chambres froides pour s’adonner à leur passion : “Who the hell cares, let’s shop first !”
Cette vanité apocalyptique consistant à empocher de billets qui n’ont plus de valeur, ou à hurler sa victoire alors que la gangrène infectieuse fait son œuvre, voire tirer sur des mannequins, troisième figure de cette humanité sans chair, constitue la grande force de Zombie. Rageur, montrant plus d’empathie pour les monstres que les survivants, le film s’achève sur une apothéose, holocauste conviant zombies, motards et notre groupe de survivant à un festin protéiforme : chair humaine, têtes de monstres, mobiliers et biens de consommation, pillage à tous les étages, démembrements et massacre festif.
Le film a certes un peu vieilli dans ses effets, son maquillage sommaire et la lenteur un peu déconcertante de ses scènes d’action, mais là n’est pas vraiment la question. En isolant l’humanité à son crépuscule, Romero fait le procès sanglant d’une civilisation depuis longtemps zombifiée : "When there's no more room in hell, the dead will walk the Earth."
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 25 Mar 2015, 06:42

Jimmy Two Times a écrit:Bien la critique de Miller's Crossing! :super:



Merci ! :wink:
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Répulsion - 8/10

Messagepar Nulladies » Jeu 26 Mar 2015, 06:49

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Répulsion, Polanski, 1965


Le silence des linteaux.

Le premier quart de Répulsion marque une parenté inattendue mais très forte avec Un homme qui dort de Perec, dont le livre sort l’année suivante et le film bien plus tard, en 74. L’acuité de ces scènes d’intérieur, la contemplation maladive d’un appartement banal et l’expansion des bruitages lors de longues séquences muettes sont en effet commune à l’exploration maladive du personnage romanesque. Avec un même sens du détail et de la dilatation temporelle, les regards distillent un malaise croissant sur l’inquiétante étrangeté d’un cadre supposé familier.
Chez Polanski cependant, tout cela n’est que prémices à la folie croissante, et son personnage n’aura pas la possibilité d’une réconciliation avec le monde. Car de celui-ci ne vas cesser d’assaillir la jeune femme, d’abord témoin passif, comme ces gémissements via la cheminée ou l’intrusion de l’amant de sa sœur. Très vite, elle deviendra une victime directe, des hommes entreprenants ou des phantasmes morbides faisant surgir des mains des cloisons, écho noir à la poétique de Cocteau dans La Belle et le Bête.
La rythmique malsaine de l’esprit embrumé de Carol, une Deneuve habitée et dans un rôle de composition bien loin de sa beauté froide mythologique, pourrait nous entrainer à sa suite dans un hors temps total. L’intelligence de Polanski est de le contrebalancer sans cesse de micro indices du réel : celui des intrigues de son travail, des conversations, et surtout du temps qui passe, inexorable, à travers les images terribles de pommes de terre qui germent, d’une baignoire qui déborde ou d’un lapin mort qui se décompose. Dans ce demi-sommeil qui ne perd rien de tout ce que l’existence fait sourdre d’anxiogène, Carol ne se laisse presque jamais totalement aller, et le cinéaste prend soin de désactiver les scènes les plus violentes (un cauchemar de viol sans son, par exemple) pour créer une tension continue. Le véritable cauchemar se définit ainsi : sans apogée, il n’offre pas le répit qui suit la crise. Quelques notes fantastiques irriguent certes le récit, comme ces fissures dans les murs ou la vision de ces mains intrusives, mais sans qu’on bascule jamais franchement dans le registre qui permettrait la distanciation du spectateur.
[Spoils]
Carol redoutait se retrouver seule, et finit par se barricader dans sa folie. Lors de l’épilogue, la défaite est totale : tout le voisinage investit les lieux, alors qu’elle git, catatonique, sous le lit de ses cauchemars. Le film s’ouvrait sur un très grois plan de son œil, et le plan final y retourne, mais sur un cliché de sa jeunesse qui la révèle déjà soucieuse et inquiétante, sans doute rongée par un mal qui dort. Par cette révélation cryptique et figée, qui fait fortement penser à la conclusion similaire de Shining, Polanski parfait son exploration silencieuse des méandres mentaux : indicible, inexplicable, la folie n’est jamais aussi palpable que lorsqu’elle se déploie dans le silence.
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Suspiria - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Ven 27 Mar 2015, 06:47

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Poussée d’acmé.

Retrouver Jessica Harper deux ans après sa prestation dans Phantom of the Paradise assure à Suspiria une continuité des plus légitimes entre ces deux univers malades.
On entre dans Suspiria comme dans un cauchemar à qui on aurait donné toute l’ampleur que le réveil filtre d’ordinaire. L’orage initial s’abat en trombe sur le spectateur et sa jeune candidate, prémices d’un déluge horrifique qui ne reculera devant aucun excès.
Chez Argento, tout flamboie : de la couleur des façades au mouvement des étoffes, de la musique synthétique aux susurrements anxiogènes, des mouvements latéraux aux ombres chinoises, l’osmose synesthésique est bien celle d’une écriture opératique.
On retiendra particulièrement l’unique faconde avec laquelle il filme l’architecture. Dès la première scène de meurtre, grandiose, qui voit une voute de verre s’effondrer sous le poids d’un corps, le réalisateur inféode les lieux aux arcanes du mal : corridors, portes aux courbures fascinantes de l’art nouveau, dessinent un labyrinthe expressionniste où chaque lucarne, chaque tenture est une étape nouvelle vers le cœur névralgique d’une horreur matriarcale dérobée à la vue.
On a beau proposer à l’initiée la libération par la danse, rien n’y fait : le corps, pris de vertige, drogué est rivé à ces lieux qui suppurent les asticots, et dont la piscine elle-même semble être la porte d’entrée vers des gouffres insondables. En écho à la claustrophobie croissante, les extérieurs ne sauvent pas plus les protagonistes, à l’image de cette exécution d’un aveugle perdu au sein d’une gigantesque place vide dont l’unique menace est la minérale façade néoclassique qui la domine.
Il est donc aisé de se laisser prendre la main et d’aller fureter du côté des sorcières, tant la magie des lieux fonctionne, nous rendant tolérants face à cette histoire qui reste un prétexte. Argento, ravi de ses effets, prend un malin plaisir à malmener les corps comme sa propre structure, et la destruction finale jubilatoire de tout le mobilier jusqu’à l’édifice lui-même est à l’image de son propos : une apocalypse échevelée dont on veut prolonger la dimension onirique, sans soucis du réveil.
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Moonrise Kingdom - 9/10

Messagepar Nulladies » Dim 29 Mar 2015, 06:00

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“What kind of bird are you ?”

S’il y a un décor qui convient à l’univers de Wes Anderson, c’est bien l’île. A l’image de son train qui parvient à se perdre dans Darjeeling ou son Grand Budapest Hôtel perdu dans la montagne d’une Europe mythologique, le territoire insulaire se coupe du continent spatial et de l’époque pour une incursion vers des territoires dont il détient toutes les clés.

D’une artificialité assumée, son esthétique construit, à grand renfort de cadres étudiés et de couleurs appuyées, une galerie de tableaux que sa caméra va explorer avec une méthode rigoureuse. Les mouvements rectilignes (travellings latéraux ou verticaux, arrières ou avants) dressent une cartographie orthonormée qui s’accorde étrangement avec l’univers suranné dans lequel il nous convie. Chaque personnage a sa place, chaque pièce l’aura particulière et trop étudiée pour susciter l’empathie immédiate. La fascination esthétique est bien la première émotion provoquée par Moonrise Kingdom, et c’est là un des plus jolis pièges de film.

Du spectacle originel à la tempête finale, le récit ne dévie jamais de sa quête : restituer l’incarnation progressive d’un coup de foudre. Alors que le déluge se pare de vagues de tissus agités sur les premiers rangs, et que la rencontre entre les protagonistes se fait à la faveur de deux déguisements de la même étoffe (l’uniforme du scout et le déguisement de corbeau), c’est la sortie au grand air et le délestage qui auront la charge de conter les indicibles beautés de l’inclination. Et si le final, résolument grandiloquent par la conjonction catastrophique (inondation, déluge réel, coup de foudre réel, feu d’artifice…) provoque une jubilation d’avantage amusante qui infléchit un peu l’émotion précédente de la fugue, il est dans la progression logique de la démonstration du cinéaste : incarner, à l’échelle de l’univers qu’est le microcosme de cette bulle insulaire, les ravages cataclysmiques de l’amour.

Car le noyau dur de beauté que contient Moonrise Kindom, son royaume secret, est bien ce lever de lune qu’est la fugue des enfants. Parfaite de bout en bout, cette première partie capte avec une tendresse infinie un univers qu’on croyait perdu. C’est la fusion avec la nature, l’inventaire d’objets improbables qui disent ce rapport illogique, et par conséquent d’une candeur poétique absolue, qu’entretiennent les êtres qui singent les adultes pour mieux ne pas leur ressembler. C’est une escapade en territoire indien, l’apprentissage de la geste amoureuse, l’une des plus belles danses au monde sur la grève, des histoires au coin du feu et l’échappée dans une parenthèse enchantée qui va rejaillir sur la galerie guindée des uniformes à leur poursuite.

La magie de Moonrise Kingdmom se situe sur cette frontière ténue, admirablement colorée par la musique cristalline de Desplat : cette maladresse et ce jeu des enfants qui savent qu’il va falloir apprendre, parce que le désir les y conduit, passe par une artificialité bouleversante. Cette tendresse pour l’initiation au masque porté pour l’autre, ce désir de faire siennes les conventions d’un monde où les adultes sont encore plus perdus que leurs enfants, restitue parfaitement le regard que Wes Anderson porte sur sa joyeuse et mélancolique communauté. L’artifice, le sur-cadré, la transformation du réel en un dessin compassé et à la ligne claire, n’est pas l’œuvre d’un révisionniste qui se s’abriterait du réel en lui substituant un diaporama de cartes postales. C’est l’expression lucide, et d’une infinie tendresse, de la fragilité humaine des adultes et de leur recours au déguisement pour laisser affleurer vers la surface leurs ouragans intérieurs.
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