FANTASTIC MR. FOXWes Anderson - 2009
Élégance serait sans doute le mot le plus adapté à définir l'oeuvre de Wes Anderson. En effet, le cinéma contemporain souffre trop souvent de deux excès révélateurs de l'époque. D'un côté, le cynisme confinant souvent au postmodernisme, prenant de haut les genres illustrés et les histoires racontées, se pensant plus malins qu'eux, et accouchant au final d'oeuvres généralement beaucoup moins intelligentes que ses créateurs (et le public ravi d'être venu tester et confirmer son « intelligence ») ne le pensent. De l'autre, un misérabilisme exacerbé qui finit par priver les sentiments, certainement sincères, que le film tente de provoquer de tout impact émotionnel. Le cinéma de Wes Anderson parvient à échapper à ces deux défauts et, tout en évoquant des sujets graves et pesant, mettant en scène des personnages mélancoliques et inaptes au rôle qu'on leur assigne, parvient à conserver une forme de légèreté désamorçant tout risque de sombrer dans la lourdeur. Ne rien éluder des drames que vivent ses personnages sans jamais perdre sa vision optimiste et humaniste, le tout dans une légèreté insolente, voilà une certaine définition de l'élégance.
Fantastic Mr. Fox est sans doute l'oeuvre la plus atypique dans l'oeuvre du cinéaste par ce choix de l'animation image par image. Le film devait être coréalisé par Henry Selick jusqu'à ce que ce dernier parte finalement réaliser de son côté le génial Coraline, laissant ainsi Anderson seul face à un véritable défi technique. Parvenant à s'adresser à la fois aux plus petits par sa simplicité et son rythme et aux plus grands par les thèmes abordés, le film est presque un condensé de l'univers d'Anderson et sans doute une porte d'entrée idéale pour se familiariser avec celui-ci.
Mr. Fox a dû renoncer à son activité de chasseur pour mener une vie rangée et fonder une famille. Mais il ne trouve pas son compte dans cette vie rangée. Malgré l'amour qu'il porte à son épouse, il a besoin de défi, de l'adrénaline que lui procurent ces chasses où il peut à tout moment laisser sa peau. Souffrant d'un complexe d'infériorité vis à vis de ce qu'il fût et de ce qu'il est, il voudrait redevenir ce « fantastique M. Fox » que les journaux vantaient. Sa situation illustre le dilemme entre mener une vie aventureuse mais dangereuse et mener une vie plus «rangée », en sécurité, mais au risque de voir l'ennui pointer. C'est ce dilemme insolvable qui est à l'origine du spleen de Mr. Fox. Spleen qui l'isole des membres de sa famille et source de quiproquo avec son fils.
Ash, le fils qui ne se sent pas aimé par son père. Le difficile rapport au père étant une constante chez Anderson, il n'échappe pas à la règle. Il tente par tous les moyens de trouver sa place dans un univers où il ne l'a pas. Quelques soient ses efforts pour s'intégrer et pour remplir le rôle que l'on attend qu'il remplisse (c'est à dire s'inscrire dans la lignée du père), rien à faire, il fait partie de ceux qui échouent. L'arrivée du cousin Kristofferson ne fera que mettre en exergue cette différence. Le cousin réussit tout, suscite l'admiration du père, est bon en sport, parvient à séduire la fille aimée en secret et conserve son sang froid en tout circonstance, là où Ash est une boule de colère et de frustration. Ainsi, derrière son apparente insouciance, Fantastic Mr. Fox met en scène des personnages qui ne s'aiment pas et qui ne comprennent plus les leurs.
Mais la situation en apparence désespérée où la conduite de Foxy a mené toute la communauté des animaux va pousser toute cette tribu à mettre de côté leurs doutes et leurs angoisses. Face au danger, chacun va pouvoir trouver enfin un rôle à sa hauteur, même un opossum hypnotisé, peureux et un peu gauche. Le fils se réconcilie avec lui même et avec son père qui l'accepte enfin comme il est, ayant pris conscience dans ces moments fatidiques de son amour pour les siens. Ainsi, plutôt que les déchirer, la difficulté ressoude la communauté et réconcilie ses membres entre eux.
C'est par sa mise en scène, son sens du rythme et un humour toujours bien dosé que Wes Anderson parvient à rendre tous ces éléments perceptibles sans jamais alourdir le film. Car Fantastic Mr. Fox est avant tout une aventure drôle et pleine d'énergie, pleine de tendresse à l'égard de ses personnages, et doté d'un optimisme revigorant. Loin de n'être qu'une simple illustration de l'histoire de Roald Dahl, le film porte bien la marque de son auteur. Seul Anderson pouvait réussir à rendre poignant les derniers instants d'un cruel rat (auquel le génial Willem Dafoe prête sa tessiture caverneuse) ou à créer des instants de pure poésie à l'image de cette rencontre entre un loup et le renard, face à face respectueux entre deux prédateurs nés, et symbole de la réconciliation de Foxy avec lui-même. Ode à la liberté, à la différence, à la solidarité et à l'amitié, Fantastic Mr. Fox n'est peut-être pas mon opus préféré d'Anderson mais nul doute qu'il constitue un certain aboutissement dans son œuvre. Un résumé fidèle de son esprit combiné à la simplicité de son expression.
9/10