Le Crime Farpait - Alex de la Iglesia - 2005
Comme pour beaucoup de comédies, le cap de la seconde vision est difficile à franchir sans encombre même lorsque l'on s'appelle Alex de la Iglesia. Qu'on s'entende bien, un Crime Farpait reste néanmoins une pièce de choix dans le genre. La raison principale est sûrement à chercher du côté de la générosité constante du réalisateur espagnol, ici bien aidé par un script franchement excellent. Si on ajoute à cela une réalisation très enthousiasmante là où certains (la majorité en fait) se contentent du minimum technique syndical lorsqu'il s'agit de faire rire les spectateurs, on peut même sans trop se mouiller affirmer qu'il écrase la triste concurrence. En nous contant les (més)aventures d'un Don Juan des Nouvelles Galeries, aussi habile pour plumer ses clientes que pour remobiliser ses vendeuses dans les cabines d'essayage, et qui règne comme un prince sur son rayon mode pour femmes, le fantasque ibère se montre inspiré.
L'introduction, qui dure une bonne vingtaine de minutes, est un modèle à montrer dans toutes les écoles de cinéma. C'est rythmé, c'est drôle et tous les enjeux sont établis. Soit une invitation à revisiter de manière parodique (un peu) mais surtout satirique un des classiques de Sir Alfred. Ne s'autorisant que très peu de scènes en dehors de son temple dédié à la consommation, de la Iglesia instaure une ambiance pour le moins anxiogène, dans un lieu qui tend pourtant vers le gigantisme. L'autre grande force du film, ce sont évidemment ses deux acteurs, Guillermo Toledo et Monica Cervera, tout deux excellents et jamais rebutés à l'idée de se vautrer dans la gaudriole. Un choc des sexes qui joue sans vergogne avec les clichés des relations hommes/femmes en terre hispanique. L'homme est viril et dominant, la femme est un objet de désir proche du faire valoir.
Un combat psychologique qui verra le rapport de forces s'inverser au point de transformer les sentiments inavoués et les leviers de pression en motif d'attaques physiques et même en pulsions meurtrières. Dommage que le rythme ralentisse quelque peu dans le dernier tiers, de la Iglesia ayant même tendance à rentrer un peu dans le rang alors qu'il avait su faire preuve de férocité jusque là. Il faut dire que la débauche d'énergie et le talent dans l'écriture est tel pendant une heure qu'il est difficile de maintenir le cap tout du long. Un Crime Farpait trône toutefois fièrement parmi les meilleurs représentants de la comédie made in Europe. C'est acerbe, le rythme est alerte, c'est bien joué et shooté et hormis l'inévitable manque de surprise à la révision, c'est (presque) farpait.
7/10