Milos Forman, au même titre que Paul Verhoeven est pour moi la quintessence du cinéaste européen exilé aux USA, il a réussi pratiquement tous ses films en utilisant le système hollywoodien a son avantage pour créer des œuvres très différentes dans leurs thématiques dont le motif le plus récurrent de sa filmo est l’intérêt pour le biopic, un genre très américain et balisé dont il a saisi les vertus pour avant tout offrir des portraits d'hommes excessifs dans un monde formaté, Mozart n'étant finalement pas si éloigné de Larry Flynt ou Andy Kaufman. Pourtant, je craignais de revivre ce que j'avais vécu devant
Valmont, l'adaptation des Liaisons Dangereuses sortie pratiquement en même temps que celle de Stephen Frears, subir un ennui profond devant une époque et des personnages qui ne m’intéressent guère, mais c'est bien mal connaitre Forman qui a bossé comme un dingue lors de l'adaptation pour ne jamais laisser le spectateur hors du cœur de cible sur le carreau, car lui-même était dans cet état d'esprit avant de s’intéresser à la pièce de Peter Shaffer, pièce qui il faut le dire a de quoi surprendre.
La grande force du film, c'est l'originalité de son point de vue, Amadeus n'est en rien une biographie didactique de ce grand nom de la musique, mais plutôt une incarnation subjective de son existence a travers les yeux de son rival, Antonio Salieri (joué par un F Murray Abraham qui trouve le rôle de sa vie), qui sera notre point d'ancrage, amenant le film sur une thématique inattendue, celle de la jalousie et les conséquences terribles qu'elle peut avoir dans un univers aussi cruel que l'aristocratie. A partir de là, j'ai été littéralement captivé par cet homme de l'ombre, aussi minable que touchant, a vouloir garder sa trace dans l'histoire de la musique alors qu'il sait pertinemment que son talent tient plus a son travail acharné qu'a une véritable singularité, refusant d'accepter que le génie inné de Mozart ne l'efface a tout jamais de l'esprit des gens. Le film va lentement basculer dans une étude de caractère de deux personnages excessifs, Salieri par son obsession motrice a détruire Mozart, et Mozart lui-même, qui est montré comme un grand gamin (ce rire...) lubrique, insouciant et d'une insolence aussi grande que son génie musical, deux personnages bigger than life qui vont se brûler les ailes dans un monde qui l'est encore plus (les scènes d'Opera sont grandioses de baroque
), le tout étant raconté avec une rigueur rythmique rare, 3h qui paraissent n'en durer qu'une, nous achevant sur une dernière heure aux tons funèbres, sous-éclairée à la bougie, qui contraste avec l’extrême luminosité et l’énergie de la première heure, montrant enfin les deux "ennemis" face à face, la scène de l'écriture de la symphonie a presque des allures de climax malgré son aspect intimiste, par son usage monstrueux de la musique, où Forman juste par le son et l'image parvient a transmettre au spectateur novice des notions de musique de manière intuitive.
Amadeus nous prouve qu'on pouvait faire une œuvre thématiquement intelligente, belle, ramasser des Oscars de manière méritée mais aussi que parler au grand public n'est pas nécessairement synonyme de formatage, voilà une grosse claque dans la gueule que je regrette de ne pas avoir découvert plus tôt.
9/10