Matrix, d'Andy et Larry Wachowski (1999) L'histoire : Thomas Anderson mène une double vie, programmeur informatique pour une grande société le jour et hacker la nuit. Un autre hacker, surnommé Morpheus, entre en contact avec lui, mais des hommes étranges tentent d'empêcher leur rencontre...D'une certaine façon, le cinéma n'avait pas connu un tel phénomène depuis le premier
Star Wars... Un
blockbuster inattendu, qui balaie tout sur son passage et redéfinit l'art du grand spectacle hollywoodien pour des années. Une œuvre qui digère parfaitement une quantité monstrueuse d'influences : du côté du cinéma (le film noir, d'où le rapprochement avec son contemporain
Dark City, mais aussi le
kung fu pian, au point d'ouvrir la voie à une nouvelle popularité pour le genre en Occident, l'animation japonaise...), de la littérature (Lewis Carroll, Philip K. Dick, William Gibson...), de la bande-dessinée (
comic books et mangas) et de la philosophie (Platon, Baudrillard...). Pour mettre en place leur mythologie et la faire découvrir au spectateur, les Wachowski ont développé un scénario conforme au schéma narratif archétypique de Joseph Campbell, tel que celui-ci l'a exposé dans
Le Héros aux mille et un visages : un héros, Neo, sert de pont entre le spectateur et l'univers proposé, et facilite à travers son parcours tant sa découverte que son acceptation.
Ces éléments, intrigants et solides sur le papier, auraient toutefois pu s'effondrer sous le poids de leur ambition une fois traduits en images. Malgré ses qualités,
Bound, le premier long-métrage des Wachowski, ne garantissait pas leur efficacité aux manettes d'un
blockbuster... Mais les inquiétudes de certains financiers n'avaient finalement pas lieu d'être : la mise en scène de la fratrie excelle tant lors des scènes de dialogues, exigeantes, que lors des scènes d'action où Yuen Woo-ping a fait des merveilles malgré les capacités martiales très limitées des interprètes. D'ordinaire, rien ne vieillit plus qu'un
blockbuster avec des effets spéciaux, mais
Matrix ne trahit jamais son âge : les FX en imposent toujours autant (même si le
bullet time a depuis été ringardisé), la direction artistique et la photographie conservent leur élégance... Au final, ce film ne souffre que de deux défauts : la qualité de l'interprétation, assez aléatoire avec un casting de bras cassés, et les répliques de Morpheus qui, à force de ne reposer que sur la maïeutique, tendent à rendre le personnage caricatural.
Il n'en demeure pas moins que
Matrix, seize ans après sa sortie, demeure une référence du
blockbuster ambitieux, efficace et intelligent, en phase totale avec son époque sans paraître daté, et qui a le mérite de fonctionner parfaitement en tant que
one shot (chose rare, pour une trilogie programmée).
Note : 8/10