Whiplash - Damien Chazelle - 2014
Il y a des films dont il est difficile de parler tant ils frôlent la perfection. Whiplash entre facilement dans cette catégorie et résonne comme un condensé d'énergie en cette triste année ciné 2014. Auréolé d'une réputation flatteuse depuis sa présentation à Sundance, il n'a pas usurpé les couronnes de lauriers qu'on lui a tressées depuis des mois. De l'indé US pur jus qui ne se regarde jamais le nombril et pensé comme une partition de jazz. Sur le schéma très classique du duel psychologique (et un peu plus) entre l'élève et le maître, Whiplash est un modèle de rythme, millimétré comme du papier à musique. La scène d'ouverture est à ce titre explicite au possible, pose tous les enjeux narratifs sur la table et accroche le spectateur en moins de temps qu'il n'en faut pour regarder un trailer. Premier tour de force.
La grande réussite du film, c'est évidemment son duo d'interprètes. Le jeune Miles Teller est assurément l'une des révélations de l'année, parfait en disciple dont l'abnégation, la persévérance et le cran (car il en faut pour résister à cette enfoiré de prof) forcent l'admiration. Dans le rôle du tyran, l'éternel second couteau J.K Simmons livre une prestation de très haut vol. Comment ne pas penser au sergent-instructeur de Full Metal Jacket (qu'il fait passer pour un enfant de chœur), lui qui pousse ses élèves à bout. Selon lui, la fin justifie les moyens. Il n'y a pas de place pour les faibles dans son groupe. A tel point, qu'il verse parfois dans une forme d’extrémisme qui fait froid dans le dos. Jamais il ne dérogera de ses principes ou n'éprouvera le moindre remord. Sa passion totale pour la musique s'exprime d'une seule façon. Le travail et rien d'autre. Il veut dénicher la prochaine légende du jazz, au sens le plus noble du terme. Et tant pis pour les 99.99% de couilles de loup qui subiront son courroux. Simmons peut se préparer à aller chercher la statuette dorée qui lui tend les bras.
Le réalisateur Damien Chazelle livre quant à lui une copie technique éblouissante. Le genre ne se prêtait à priori pas forcément au tour de force technique. Et pourtant, à l'instar des partitions de batterie effrénées qu'il contient en son sein, Whiplash est une merveille de montage, en atteste son épilogue de folie. Pas de dialogues filmés platement ici. Du rythme, du rythme et encore du rythme. Rarement son et image auront été à ce point au diapason d'une histoire ces dernières années. Un ensemble d'une cohérence sans faille, auquel on reprochera seulement quelques impairs narratifs (comme ce combo accidentogène qui verse un peu dans la sur-dramatisation), heureusement sans conséquences sur le plaisir éprouvé. Pour toutes ces bonnes raisons, Whiplash est déjà presque un classique qui saura résister aux multiples visions tant il sait captiver son audience et tant il a à offrir. De l'énergie, du sang et de la fureur. That's quite my tempo.
8.5/10