American Sniper (2015)Réalisé par Clint Eastwood
Avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Jake McDorman...
Photographié par Tom Stern
Après une suite de films bien ternes depuis son diptyque à Iwo Jima, le nouveau Clint Eastwood était forcément attendu. Surtout lorsqu'il adapte l'autobiographie du tireur d'élite le plus meurtrier de l'histoire militaire des États-Unis. Chris Kyle, membre des SEAL, crédité de 160 tirs mortels (il en revendique près de 255) durant la 3ème Guerre du Golfe.
Héros américain, meilleur sniper de l'histoire moderne, mais aussi personnage froid et controversé.
The Legend comme le surnommaient ses camarades (ou
Le Diable de Ramadi pour les insurgés) avait tout pour rendre cet
American Sniper passionnant. Malheureusement Eastwood se contente de nous livrer un film bancal, plein de failles et terriblement plat dans l'écriture.
En effet, le principal défaut du métrage est sans conteste son scénario. Comme toute "histoire vraie" au cinéma, des modifications de la réalité pour rendre les choses plus attrayantes, dramatiques et compréhensibles ont été effectuées. Le film nous présente donc Kyle, devant la TV, assistant aux attentats sur les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, cet épisode déclenchant son envie de s'engager. Car Kyle n'a jamais voulu être militaire. Avant il était cowboy et gagnait sa vie dans des rodéos. Dans la réalité il a voulu s'engager dès la sortie du lycée.
Première modification, et pas des moindres, puisque dès le début on commence à modeler le caractère du personnage. Là ou dans la réalité Kyle a voulu être militaire très tôt, le film nous présente un homme s’engageant un peu par défaut sans vraiment être sûr de son choix tout en restant badass (laissez moi ce fascicule des SEAL, "
Je n'abandonne jamais", bah si mec tu viens d'abandonner ta vie de cowboy tranquille).
Cette modification du personnage continuera durant tout le film. Bradley Cooper livre une très bonne performance, mais une performance de soldat sympathique bouffé par ses peurs et ses souvenirs. Petit sourire aux lèvres parfois, yeux dans le vide souvent. Qu'en est-il du Chris Kyle qui ne regrette qu'une chose: "
ne pas en avoir tué d'avantage" ? Ou est passé le soldat sans remords qui a fini par quitter l'armée après que sa femme l'ait menacé de divorce ?
Dans le film sa carrière s'arrête lorsqu'il subit sa première blessure au milieu d'une tempête de sable, lorsqu'il réalise et prend part à la peur et l'horreur de la guerre. Et pour rassurer sa femme il prend la peine de lui téléphoner en plein milieu de la bataille pour lui annoncer son retour. Si ça c'est pas beau.
On a quand même pris la peine de montrer un personnage impitoyable puisqu'il flingue une femme et son gosse, et ce dès sa première mission en Irak. Dommage, dans la réalité il n'y avait qu'une femme. Et c'est LA scène qui a obnubilé tout le monde, bien joué Clint, les gosses ça marche toujours ! D'ailleurs il remet le couvert quelques minutes plus tard dans une scène déjà vue dans
Black Hawk Down ("
Non non, laisses ça par terre !").
Parlons également du duel à distance entre Kyle et Mustafa, le sniper adverse qui terrorise les forces américaines. Tireur d'élite syrien, ex athlète olympique, qui motive Kyle à y retourner pour venger ses frères d'arme tombés sous ses balles. Le personnage est totalement inventé, mais inspiré du légendaire Juba, et cherche à donner au film ce côté western dont le passé de Kyle a posé les bases. Dans ce duel à distance, ce n'est pas la rapidité du tir qui fera la différence, mais bien la précision.
Dommage d'avoir inventé cette espèce de bataille personnelle à la limite du vraisemblable, avec ce Mustafa qui se retrouve là ou il faut en quelques minutes en sautant de toit en toit.
Et que dire de la résolution du duel... On aborde là la réalisation et c'est la déception qui domine. C'est plat, très plat, et très classique. Et même dégueulasse quand on atteint le bullet-time... LA scène de snipe du film, et c'est raté.
La photographie du chef op attitré d'Eastwood est réaliste et réussie, rien d’extravagant.
Quand au rythme du film, c'est le genre que je déteste. L'impression de suivre de petites scénettes mises bout à bout, sans passion, qu'on te balancent à la gueule.
Malheureusement
American Sniper ne va pas au bout de son propos, il n'en atteint même pas la moitié. La faute à un personnage historique tellement altéré qu'il en devient un autre. C'était l'occasion d'avoir un film de guerre traitant différemment des conséquences, au final c'est du déjà-vu en moins bien.
6/10
Je finirai pas préciser quelque chose. Le générique de fin est émouvant. Les gens ont pleuré cet homme pour ce qu'il a fait, mais beaucoup d'autres mériteraient cet hommage. Être le soldat le plus meurtrier de son pays ne devrait pas être la raison d'un tel hommage, être prêt à donner sa vie pour les autres oui.