[Nulladies] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 15:46

Oui, je recommande, ça vaut le coup d’œil !
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Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (Le) - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 15:49

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Le cuisinier le voleur sa femme et son amant, Greenaway, 1989


Le Bourreau écœure

Il est peu surprenant d’apprendre à la suite du visionnage que Greenaway fut peintre avant d’être cinéaste. La dimension picturale de son film saute aux (pique les, diront certains…) yeux. Tout d’abord par son jeu sur les couleurs et la lumière : chaque salle a la sienne, chaque lieu est un tableau qu’on pourrait considérer comme une nature morte, sentiment rendu d’autant plus fort qu’on s’attarde à filmer tables finement dressées, ou cuisines richement garnies. Mais Greenaway magnifie ce statisme par un art consommé du mouvement : les travellings ambitieux passent d’un lieu à un autre en plans-séquences ultraformalistes tandis que la musique habille les épanchements, qu’ils soient amoureux ou haineux.
Car l’on parle, et beaucoup, avec autant d’avidité qu’on engloutit les mets les plus raffinés. Certes, le décor semble prendre toute la place et laisse un temps supposer un clip de deux heures éclairé par les 80’s et habillé par Jean Paul Gaultier.
Au bout d’une heure, l’amant prend la parole pour évoquer sa valeur chez les personnages de fiction : parler peut dénuer d’intérêt. Cette mise en abyme souligne l’opposition sur laquelle est fondée tout le récit, qui oppose l’opulence iconographique à l’ignominie du personnage principal, le voleur Spica, rabelaisien logorrhéique dénué de tout humanisme.
En contrepoint de la grande salle du banquet, les alcôves de l’amour adultère fonctionnent comme des instants de libération carcéraux : on se donne dans les toilettes, les chambres froides ou les réserves, jusqu’à dilater l’émancipation vers le dépôt de livres. Mais Greenaway ne verse pas pour autant dans le symbolisme trop facile d’une rédemption par l’érudition ; en témoigne la mise à mort de l’amant qu’on étouffe par le violent retour de la nourriture appliquée à l’innutrition littéraire.
Aller plus loin est encore possible : la belle scène du voyeurisme relaté qu’on impose au cuisinier est une déclaration d’amour qui cerne bien la position de Greenaway : Georgina veut écouter Richard lui relater ses relations défuntes pour qu’on lui prouve qu’elles ont existé. La montée en puissance vers le banquet cannibale semble ensuite presque légitime, pour peu qu’on se soit laissé prendre par l’implacable débauche visuelle et morale de cet univers décadent.
Sexe, nourriture, vulgarité et violence sont donc les éléments qu’on écrit en cursives prestigieuses sur le menu du restaurant étoilé : à la recherche de l’audace gustative, toujours à la lisière de la nausée et de l’écœurement, l’alchimie fonctionne encore.
Pour le moment.
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Stalker - 9/10

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 15:53

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Stalker, Tarkovski, 1979



« Pourquoi voulez-vous détruire la foi ? »

Après la linéarité du récit de science-fiction Solaris et le découpage de la conscience mémorielle du Miroir, Tarkovski mêle les deux audaces pour un film qui franchit un cap supplémentaire dans la radicalité.

Film âpre, lent et contemplatif, dissertation philosophique et mystique, poème visuel, Stalker est un univers clôt dont les fascinants méandres méritent qu’on s’y perde.
L’ouverture dans le monde « réel », d’un sépia poisseux et obscur, insiste sur l’épaisseur des matières et l’apathie des hommes. « Je suis partout en prison », affirme l’un des personnages dans ce monde bétonné et décati, où ne point aucune lumière naturelle. En découle un discours désabusé et cynique qui pousse à la fuite : « Aucune trace de Dieu ».
La quête se fera par une exploration spatiale intégrale. Stalker est avant tout le récit d’un parcours, d’un déplacement, à l’image de cette séquence incroyablement longue sur les rails qui mènent à la zone, s’attachant à filmer avec insistance chaque visage, dans une léthargie accrue par le bruit des rails, régulier et hypnotique, métallique et finalement musical.
Le premier espace atteint est donc celui de la couleur : révélation salvatrice, comme l’épilogue d’Andrei Roublev, elle est ici magnifiée par la redécouverte des éléments : le vert de l’herbe, l’orange incroyablement intense des braises… On retrouve ici, dans cette fusion éphémère de l’homme à la terre, le « génie du lieu » que Gracq a su si bien rendre, notamment dans Un balcon en forêt.
« C’est si beau ici, il n’y personne. » Loin du monde, la Zone est une promesse, un lieu virtuel comme l’est l’océan de Solaris. Mais son vestibule édénique n’est qu’une étape avant l’accès à la chambre des désirs, entourée d’un labyrinthe de boyaux, univers carcéral dont la nature reflue brusquement. L’espace devient dès lors circulaire, et les similitudes avec les déplacements dans la station orbitale de Solaris sont nombreuses : même angoisse de cette caméra qui suit ou laisse, par un lent recul, les personnages en plan, même inquiétude de ce qui se dérobe à la vue. Tarkovski est le seul à filmer ainsi l’avancée, tout comme il est indépassable dans sa mise en épaisseur des matières : l’eau huileuse et souillée, les parois suintantes, la poussière grasse aux portes métalliques… Ces bunkers où l’eau sourd ne sont pas sans rappeler les séquences les plus claustrophobes de l’Enfance d’Ivan. Comment oublier des séquences aussi magistrales que celle de l’écrivain descendant l’escalier dans cette mare insalubre ? Comment ne pas rester fasciné par le cadrage de chacun des plans, tableaux atemporels ? Le metteur en scène en est conscient, puisque la lenteur de certains plans fixes nous invite à prendre la mesure de sa composition. La majorité des scènes, en plan séquences, accentue cet effilochage du temps au profit d’un espace pur.
Mais, comme c’est souvent le cas chez Tarkovski, la contemplation visuelle ne se suffit pas à elle-même. Dans Le Miroir, on avait déjà cette sensation de ne pas parvenir à suivre, tiraillé entre la densité picturale des images et la richesse des textes, notamment les poèmes récités.
Ici, l’affranchissement du temps et la possibilité de l’omnipotence par la chambre des désirs génère les réflexions philosophiques les plus soutenues. Comme le clame le vers qui clôt le film, nous sommes ici face à « la flamme confuse du désir ». « Qu’est-ce que je veux vraiment ? », se demande l’un des visiteurs. Issu d’une humanité qui a tout perdu, les hommes devisent sur les limites de la science, l’échec de la littérature, et, surtout, le constat terrible de ce qu’est l’homme. Car la chambre n’accordera à son visiteur que le désir qu’il a profondément en lui, et non celui qu’il pourrait affirmer vouloir aux autres. On souhaite le rétablissement de son frère, on se retrouve riche à millions. L’homme face à lui-même, à l’issue de ce voyage labyrinthique, est l’épreuve ultime.
Le projet de détruire la Chambre est donc somme toute logique. Mais il dit surtout l’incapacité de l’homme à se connaitre et se maitriser. Perdu, dérouté, le professeur et l’écrivain sont avant tout en quête d’une quête.
Le motif de science-fiction passe donc au second plan : la chambre n’est qu’une virtualité offerte, tout comme l’est Dieu lorsque Pascal propose aux libertins son fameux pari : qu’avons-nous à perdre ou à gagner ? Et le véritable centre du film, c’est bien son personnage éponyme : le Stalker, le passeur, qui va progressivement diriger les discours et proposer une alternative au nihilisme : « C’est l’endroit unique où on peut venir lorsqu’il n’y a plus rien à espérer. Pourquoi voulez-vous détruire la foi ? » A lui les derniers mots, le simple d’esprit, le sacrifié dont la fille est mutante du fait de son élection/malédiction, directement issu des Béatitudes et profondément dostoïevskien.
Lors de leurs débats, les trois hommes évoquent la science, la littérature et l’art, et plus particulièrement la musique. On insiste sur son incompréhensible puissance: dénuée de mot, de discours, non figurative, en somme, elle parle directement à l’âme. Difficile de ne pas voir dans cette observation une déclaration d’intention du cinéaste. Par les aspects les plus prégnants de sa symphonie visuelle, son exploration d’une foi dans un monde qui a tout perdu, Tarkovski tend – et parvient- à s’adresser directement à notre âme.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Mer 11 Fév 2015, 15:54

J'ai vu ce film, je m'en souviens et ZZZZZZZZZZZZZZZZzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz...
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar moricenlive » Mer 11 Fév 2015, 16:06

Ce film m'avait fasciné, mais j'ai clairement pas le bagage pour saisir ce que t'as pu ressentir. Belle critique :super:
When a noise bothers you, listen to it John Cage.
scalp a écrit:Southland Tales d'un drogué
On dirait une version scary movie de Strange Days.
10/10
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jed_Trigado » Mer 11 Fév 2015, 16:11

Il y a une erreur de référencement : la critique du Ventre de l'Architecte est référencée sous le titre Le Cuisinier, Le Voleur, la Femme et son Amant.

Tu t'es gouré de Greenaway je crois. :chut:
"Je mets les pieds où je veux Littlejohn et c'est souvent dans la gueule." Chuck Norris

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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:14

Mark Chopper a écrit:J'ai vu ce film, je m'en souviens et ZZZZZZZZZZZZZZZZzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz...


Oui, c'est connu, il concurrence régulièrement le stillnox. Mais si tu prends quelques Redbull avant, tu peux y trouver ton compte. :wink:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:15

moricenlive a écrit:Ce film m'avait fasciné, mais j'ai clairement pas le bagage pour saisir ce que t'as pu ressentir. Belle critique :super:


Je me suis fait une intégrale Tarko, ça aide à appréhender le bonhomme, mais c'est vrai que c'est pour le moins exigeant...
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:16

Jed_Trigado a écrit:Il y a une erreur de référencement : la critique du Ventre de l'Architecte est référencée sous le titre Le Cuisinier, Le Voleur, la Femme et son Amant.

Tu t'es gouré de Greenaway je crois. :chut:



Ah oui putain, quel branque. J'ai anticipé sur ma critique de demain :oops:
Apparemment, je ne peux pas éditer en modifiant, je vais donc le supprimer et la refaire.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Mer 11 Fév 2015, 16:17

Je n'ai rien à dire, mais je poste pour t'éviter le quadruple post.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:18

Ben j'y peux rien si je réponds à trois personnes différentes, aussi... Y'a un truc de multicitations ? J'ai déjà essayé sur un autre forum, j'ai jamais pigé le fonctionnement...


Et tiens, j'édite pour pas en rajouter, vu que ça a l'air de faire frétiller sévère, mais j'arrive pas à supprimer (ni à changer le titre de) ma critique mal référencée. Je fais comment ?
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jed_Trigado » Mer 11 Fév 2015, 16:21

Sinon pour gagner du temps et éviter tout quoter pour rien, tu peux te contenter d'un petit @ a côté du pseudo auquel tu veux répondre. :super:
"Je mets les pieds où je veux Littlejohn et c'est souvent dans la gueule." Chuck Norris

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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:22

@jed : bien, ça.
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Andreï Roublev - 9/10

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:26

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Andrei Roublev, Tarkovski, 1969



« Contempler, créer, renoncer, s’élever »

Après l’Enfance d’Ivan, Tarkovski embrasse pleinement son art pour se lancer dans une fresque monumentale, à la fois reconstitution historique de grande ampleur et réflexion puissante sur les affres de la création.
Le récit, disséminé en chapitres apparemment hétérogènes, suit en réalité une trajectoire, celle de l’élévation préfigurée dans le sublime prologue du ballon. La caméra, tournant autour de l’église, tourbillonne lentement vers les hauteurs qui dévoilent l’afflux de soldats et de barques, convergeant vers ce lieu central et sacré. Tout est dit dans cette fable programmatique. La guerre, le divin, l’œuvre laborieuse, l’échec possible de la chute.
Cette élévation, un des motifs centraux du film, le jalonne : c’est la racine qu’on tire pour prendre la mesure de la hauteur d’un arbre, c’est l’ascension des Tatares vers le clocher dont on retire les dorures, c’est le silence d’Andrei, qu’il prend pour un aboutissement mais qui se révèlera le terreau de son retour à une création apaisée et sereine.
Film fleuve, Andrei Roublev donne à voir la Russie médiévale dans toute sa diversité, occasionnant autant de chapitres et de séquences visuelles époustouflantes. C’est d’abord un film sur la foule : nue et sereine dans les splendides fêtes païennes, massacrée dans les combats d’une rare violence, tout en travellings suivant la course des chevaux, puis au travail, tirant de concert sur les multiples cordes pour l’ascension de la cloche. Les plans d’ensemble, souvent en plongée, offrent des tableaux fascinant de foules qui dessinent les méandres et les affluents de groupes convergeant vers un point unique, objet de toute l’ascension.
En contrepoint de ces scènes collective, celles, intimistes, de l’essai esthétique. Les débats d’Andrei et de ses maitres ou apprentis, la formulation de sa foi, son rapport au pouvoir de ses commanditaires. Deux figures du pouvoir s’affrontent : celle du dogme sacré (évoqué dans la séquence qui oppose la lecture des lois sur le couvre-chef chez les hommes et femme à l’irruption de la jeune femme au fagot, émouvante par sa spontanéité et la fraicheur de son regard), et celle du pouvoir politique, le tyran faisant crever les yeux des peintres après la réalisation de leur chef d’œuvre, écho possible aux conditions de travail de Tarkovski face au régime.
Durant ces échanges se mettent en place les prémices de la création, tant sur le plan théorique que pratique : le bleu objet de débat, comment l’obtenir le bleu ? où trouver la bonne terre pour le moule de la cloche ? L’image elle-même prend en charge ces semis de couleurs et de matière, à travers le lait colore le torrent, la couleur noire qui macule les murs blancs ou les flocons qui s’invitent dans les clochers. La poésie visuelle de Tarkovski procède comme une partition, par motifs et refrains, rimes internes composées d’icônes qui lui sont propres : les chevaux, la rivière, la pluie et l’arbre, éléments qu’on retrouve dans le furtif tableau final.
La structuré fondée sur la trajectoire s’enrichit considérablement par le travail fait sur le croisement ; dans son parcours, le moine croise l’histoire, mais aussi et surtout des individus qui le côtoient pour mieux le quitter, ou l’abandonnent pour mieux le retrouver, à l’image de cette femme simple d’esprit qu’il sauve en tuant un homme, élévation contrainte sur un escalier de bois. Une image sublime montre cet croisement complexe de destinée qui se chevauchent un moment de concert mais se détournent rapidement, emportant des bribes de l’autre dans leur course : c’est la femme païenne qui nage dans le sillage de la barque d’Andrei, poursuivie par ses oppresseurs, et dont il se détourne avec gêne, le gout de son baiser, imposé la veille, encore sur les lèvres.
Dans la dernière partie, c’est Andrei lui-même qui devient celui qu’on croise. Le jeune fondeur de cloche devenu le protagoniste l’aperçoit régulièrement en haut du trou dans lequel il œuvre, transformé en tyran malgré lui, tout entier dévoué à son œuvre dont il feint de connaitre les secrets prétendument transmis par son père. Andrei, spectateur d’une nouvelle quête, voit le feu de la guerre maitrisé pour le sacre de Dieu, les hommes unis autour du beau et d’une quête plus belle encore, car immatérielle : celle du son de la cloche, invisible et fédératrice, qui appelle les fidèles à l’adoration rituelle. La scène d’ascension de la cloche et les lents mouvements du battant, dans l’attente du choc qui produira le son tant attendu sont un des sommets du film.
A ce son répond la séquence finale, éclatante et d’une intensité grandiose : après 2h45 de film en noir et blanc, en mouvement et en discours intenses, Tarkovski laisse éclater la peinture du maître, que l’on avait jamais vu à l’œuvre. Fruit d’une longue maturation, d’un parcours complexe, elle s’affranchit de tout discours et affirme avec évidence sa victoire sur l’histoire tourmentée qui l’a vu naitre… et celle, contemporaine, qui voudrait la faire taire au profit d’un nouveau dogme.
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Ventre de l'architecte (Le) - 6,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 11 Fév 2015, 16:41

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Le ventre de l'architecte, Peter Greenaway, 1987



Le ver dans le fruit de vos entrailles

Mon incursion sur les terres de Greenaway fut laborieuse. Avant d’être un voyage dans l’espace, c’en est un dans le temps. 1987 transpire de tous ses pores dans cette photographie et ces comportements.
Puisque je suis en terre inconnue, la prise de contact est quelque peu distante. J’attends, un assez long moment, de voir où on veut m’emmener.
Curieux mélange que ce vaudeville volontairement médiocre et cet enthousiasme pour un sujet des plus nobles, l’architecture. Un dialogue un brin forcé entre la grandeur antique et les préoccupations intimes (mon ventre flasque, celui minéral d’Auguste), entre le psycho et le somatique, entre la vie (le fœtus) et la mort (le cancer), des diners mondains à la coloration vaguement satirique, tout cela est ma foi, disons, intéressant.
Le ventre de l’architecte est un film profondément minéral, où les statues semblent avoir davantage de présence que les vivants au cœur de pierre. Un univers où le protagoniste va progressivement se réifier à leur contact, entrer en dépossession : de son art, de son idole, Boullée, de sa femme et de sa descendance.
Au bout d’une petite heure, le charme opère. Subrepticement. La détestation polie du glaçage 80’s, la transparence du personnage dont les entrailles se lisent à ventre ouvert, sa solitude croissante lui font gagner en humanité ce qu’il perd en vie.
Conquis ? Non. Surpris, disons, d’avoir finalement été capté par cette petite comédie humaine un peu poseuse, qui semble assez consciente de ses artifices mais parvient, notamment par le biais d’une musique entêtante, à diffuser sa mélancolie atemporelle.
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