[Nulladies] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Jeu 05 Fév 2015, 17:41

Et donc on sait à quoi s'en tenir lorsqu'il parle de n'importe quel film. D'où l'utilité de cette critique.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Jeu 05 Fév 2015, 17:41

@ pabel: Je parlais de la critique de momo pour le texte caduque, pas de ton post. :wink:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar pabelbaba » Jeu 05 Fév 2015, 17:43

Ah ouais.

Enfin ce que je dis tiens la route quand même. 8)
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Jeu 05 Fév 2015, 17:44

Tu m'étonnes que tu trouves du sens à tout avec tous tes neurones HS :eheh:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar pabelbaba » Jeu 05 Fév 2015, 17:48

Hein??? :vieux:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Jeu 05 Fév 2015, 20:28

Jimmy Two Times a écrit:Je vote pour la suppression de la critique de Moricenlive. Elle remplit sûrement le quota de lignes (et à la limite on s'en fout) mais elle est tout sauf pertinente. A part aller à l'encontre de tout ce que TOUT le monde trouve admirable dans ce film, il n'y a aucun argument (le trio qualifié de 3 gogoles... :x ).

Et ça remettrait surtout le film à sa vrai place dans le top. En deuxième position, juste derrière Il était une fois dans l'Ouest. Il n'y a qu'un illuminé pour oser penser le contraire.

Sinon, superbe combo de critiques encore une fois, Nulladies! :super:



J'ai mal lu sur mon téléphone, j'ai compris au début que tu voulais supprimer ma critique... :gratgrat:
Merci, donc !
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Jeu 05 Fév 2015, 22:13

:eheh:
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Birdman - 4/10

Messagepar Nulladies » Ven 06 Fév 2015, 06:37

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Opening fight.

La promotion de Birdman était une double fausse piste. La bande-annonce se concentre avant tout sur les fantasmes blockbusteriens du personnage principal, qui n’occupent finalement qu’une portion congrue du récit, et l’argument de vente, à savoir un film fondé sur un plan séquence quasi continu, guide notre regard sur une performance technique qui s’exhibe tant qu’elle semble avoir des choses à cacher, à savoir un réel fond à défendre.
Birdman se veut une satire du milieu du spectacle, s’articulant autour de répétitions d’une pièce sur Broadway censée remettre en selle un acteur sur le retour, ancienne gloire d’une franchise de super héros. Inarritu, avec le tact éléphantesque qui le caractérise, tire sur tout ce qui bouge : la vanité de la célébrité (name dropping réel, à la clé), aujourd’hui virale (tout y passe, facebook, youtube, twitter), la paternité, la critique, le sexe, l’âge, la drogue, le divorce, les médias, pensant proposer la causticité d’un regard backstage. Le traitement lorgne fortement du côté de la fluidité de Sorkin, mais sans jamais vraiment l’égaler. Le langage est cru, les échanges en uppercut et les mises en abyme sur les correspondances entre ce qui se joue sur la scène et dans les coulisses constantes, c’est-à-dire poussives et surlignées à l’envi.
Le traitement formel, donc, se pose sur un discours éculé et n’évitant aucun des pièges de son sujet. Il serait toutefois malhonnête de ne pas saluer la performance technique de certains plan séquences, notamment le premier, qui dessine un parcours dans les coulisses attestant d’un travail d’écriture de l’espace assez réjouissant. D’un corridor à l’autre, grâce à des jeux de miroirs, les personnages investissent les lieux avec un naturel plutôt louable. S’ajoute à cette idée un travail sur l’ellipse temporelle qui permet, dans un même travelling, d’avancer dans le récit, le public apparaissant hors champ dans le théâtre par exemple alors que la salle était vide dans un premier temps.
On peut trouver une certaine légitimité à cette idée d’un mouvement continu dans un lieu unique : ce microcosme étouffant est alors souligné, par un regard claustrophobe sur cet entregent délétère où l’on ne cesse de louer l’autre pour en obtenir ce qu’on souhaite, jusqu’à l’aliénation.
Mais toute cette machinerie s’épuise assez rapidement, parce qu’elle est tirée de toute part vers une expansion vaine : dans la répétition de son procédé visuel, et dans l’étendue de sa dénonciation, deux heures durant. Ce qui frappe, c’est à quel point Inarritu semble utiliser les cartes qu’il moque : la surenchère des comédiens (Emma Stone, insupportable), le pathétique éculé de leur petits égos, et jusqu’aux recettes du blockbuster ; effets spéciaux, télékinésie, monstres de synthèse et explosions. Procédés qu’il était particulièrement malhonnête de placer en nombre dans la bande annonce, présentant un film qui pourrait marcher sur les traces d’un produit qu’il entend dénoncer. Keaton se donne certes sans compter, mais ce travail sur le fil, entre grotesque et pathétique ne mène à rien d’autre qu’une performance qui fait frétiller les médias, ce qui, encore une fois, constitue précisément l’une des cibles du film.
En résulte un ensemble passablement indigeste, boursoufflé, faisant feu de tout bois et s’empêtrant dans toutes les béquilles qu’il ne cesse d’ajouter à ses excroissances… et l’envie furieuse de revoir Opening Night de Cassavettes.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar elpingos » Ven 06 Fév 2015, 09:16

:cry:

A croire décidément que je suis le seul à trouver ça drôle, original, loufoque, intense, émouvant ... ?!
Pour une fois qu'un mec se lâche copieusement en faisant un énorme pied de nez à tout ce qui l'entoure, lui y compris.
Perso des comédies dramatiques aussi chiadées, aussi fluides quoiqu'on en dise (une fois le postulat accepté, c'est du miel le truc, j'avais l'impression d'y être) j'en demande tous les jours.

Bref

:wink:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Ven 06 Fév 2015, 18:21

C'est certes au-dessus du lot, y'a pire que 4, comme note, mais bon... Trop poussif à mon goût, et finalement assez vain.
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Lost Highway - 10/10

Messagepar Nulladies » Ven 06 Fév 2015, 18:24

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« You invited me. It’s not my custom to go where I’m not invited ».


Avant de tenter d’attraper au vol le manège spiralaire de Lost Highway et de trouver un siège libre sur l’une de ses Cadillac rutilantes, restons sur les bancs qui l’entourent, réservés aux parents émerveillés des sourires de leur progéniture qui, finalement, ne faire rien d’autre que tourner en rond.
Lost Highway est alors un film noir à la plastique impeccable, où les brunes et les blondes sont mystérieuses, les jalousies mortifères et les riches d’affreux pervers. Sur une pellicule glacée, racée et brillante, l’américanité dans toute sa splendeur, un cinéma qui s’autocite et se déploie, instantanément classique, comme dans la séquence d’apparition d’Alice Wakefield sur « This magic moment » de Lou Reed.
Lost Highway est en outre un film de Lynch, qui contamine un paysage classique de ses obsessions déjà bien rodée dans sa filmo. Les couloirs de Blue Velvet, les bruitages de ventilation oppressante, le road trip de Sailor et Lula, la pénétration dans la chair (fugace, mais fondamentale, au moment des passages de Fred Madison à Pete Dayton, et retour) et les visages déformés de Eraserhead, voire d’Elephant Man.
Eraserhead, cauchemar sans fond, n’incitait pas véritablement à la résolution : on s’abîmait volontiers dans un univers parallèle et anxiogène.
Lost Highway, par son ancrage dans une mythologie, voire dans des stéréotype fascine et excite, et donc déconcerte d’autant plus par sa construction. Le thème de la schizophrénie est un grand classique de l’exploitation du point de vue : deux personnalités, deux réalités qui se complètent, s’opposent ou se répondent. Ici, c’est bien plus problématique.
Lynch est d’une perversité redoutable, parce qu’il dissémine tout au long de cette route sans fin une série d’indices malicieusement dédiés à nos esprits formatés par des décennies de film noir et des siècles de littérature. Tout semble construit de manière à ébaucher la possibilité d’une résolution de l’énigme. La dualité des personnages masculins, la brune et la blonde, le père/pervers, et l’unique homme mystère au centre de tout cela… Un monde nocturne et huis clos auquel répondent les extérieurs de carte postale du pavillon des Dayton (écho du générique d’ouverture de Blue Velvet, encore…) Les cadres photos, les lieux, les convergences, autant d’éléments qui nous amènent à considérer le film comme un puzzle qu’on nous défie d’être en mesure de réassembler.
Et là, le cauchemar commence. Parce que le puzzle n’est qu’en deux dimensions, parce qu’un chronotope ne suffit pas, parce qu’une ligne directrice est insuffisante.
Je ne reviendrai pas sur toutes les théories possibles sur le rêve et la réalité, sur les fantasmes et la dimension psychanalytique, qui tous ont droit de cité.
Ce qui m’intéresse, c’est de considérer que les deux récits pourraient être considérés comme deux bandes clairement séparées avec, de temps à autre, des passerelles, des échos, des béances qui font que l’une semble être le revers de l’autre. Les routes qui ouvrent et ferment le film, qu’elles aillent dans des directions opposées, se rejoignent à l’infini ou non, en sont l’élément programmatique. Lynch construit une impossibilité dont le titre se fait l’écho : une autoroute perdue, c’est d’une beauté absolue, parce que c’est impossible, parce que c’est fantasmable. Nous sommes ici, au sens étymologique du terme, au cœur même de l’utopie.
Pourquoi, alors, ne pas s’arrêter et considérer le film comme cette escroquerie (« je construis une énigme insoluble en te faisant croire que tu aurais pu parvenir à le faire ») ?
Parce que nous sommes des voyeurs.
Le thème du regard traverse tout le film. La fascination de la VHS qui film l’intérieur de l’appartement, les flics qui surveillent Pete et le regardent surtout baiser (dans certains des passages les plus drôles du film : « Fucker gets more pussy than a toilet seat»), ses parents avachis devant la télévision, les films pornos, voire les snuff movies… On ne parle que de ça.
Les flics sont justement le pivot de cette quête du sens. A partir de la métamorphose de Fred en Pete, ce sont les seuls à créer un lien concret entre les deux mondes (à l’exception de l’homme mystère, mais son statut fantastique nous le fait assimiler à une réalité onirique et parallèle). Inopérants, passifs, ils veulent démêler l’écheveau du récit et percer l’impasse exégétique. La dernière phrase d’un des inspecteurs : “There is no such thing as a bad coincidence”. C’est exactement ce que tend à se dire le spectateur, et Lynch lui envoie ici un contre-indice assez magistral et provocateur.
Le spectateur au centre du film, interpellé dans une séquence fugace mais primordiale : lors d’une traversée du couloir de son labyrinthique appartement, Fred s’arrête un instant, troublé, l’œil plein d’effroi, comme souvent, à une nuance près : il vient de regarder la caméra, c'est-à-dire nous. Il vient de nous voir. Nous sommes aussi son cauchemar et son hallucination.
Le pied de nez assimilé, le désir de revoir le film ne s’en émousse pas pour autant.
Parce que nous sommes aussi obsessionnels que Fred, aussi bouillonnants que Pete, voire aussi priapiques que Dick Laurent. Parce que Renee et Alice sont les objets de toutes les quêtes et que les trajectoires convergent toutes vers cette femme sublime, elle aussi utopique. Fred ne peut la posséder par impuissance, Pete croit le faire mais n’est qu’un objet pour elle. Alice Wakefield, « le champ du réveil », est la lucidité imposée à l’homme de l’impossible possession de la femme. Que ce soit par ses amants, ou par toute les voies de traverses, le porno, le fric, le SM… Rien n’y fait. L’intense et troublante scène du strip tease de Renée un flingue sur la tempe en est l’illustration. Qui domine ? Qui vampirise ?
Avant de disparaitre, Alice conclut à l’oreille de Pete : « You’ll never have me ». C’est là le sujet du film, et la grande réflexion sur les pouvoirs suggestifs de l’image. Voir et avoir, telle est la question. Voir une femme possédée dans un film porno n’est pas la posséder. Revoir Lost Highway n’est pas le maitriser. Mais cette frustration, ces préliminaires infinis, cette érection sans orgasme, c’est la définition du cinéma que nous propose Lynch : parce que post coitum anima tristis, ce film est celui du désir sans fin.
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Mulholland Drive - 9/10

Messagepar Nulladies » Ven 06 Fév 2015, 18:25

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“It’s no longer your film”

Mulholland Drive est un lieu emblématique d’Hollywood, une colline du haut de laquelle on nous offre un surplomb sur la ville et ses artères lumineuses. L’une d’elle, saignée particulièrement intense, semble donner une direction obliques aux différents protagonistes qui l’observent. Mais ce surplomb n’omet jamais d’intégrer dans son champ la végétation qui l’encadre : la ville est derrière les branches de ces arbres dans lesquels va s’enfoncer la brune amnésique, qui, dans une autre réalité, en surgira pour venir chercher la blonde et lui proposer un « raccourci ».
Voilà le programme : le glamour d’une ville observé depuis les méandres poisseux d’une conscience tourmentée et labyrinthique.
Lynch aborde de front le cinéma et se pose en mégalomane : les villas luxueuses, les castings, la ville magnifiée, il sait la filmer, tout comme il fait de splendides spots publicitaires pour des berlines de luxe. Le travail sur la lumière et les atmosphères est d’une grande richesse, les femmes sont sublimes, les rideaux plus épais que jamais.
Dans ce fruit, le ver qui donne la saveur attendue par le spectateur encore marqué par Lost Highway quelques années plus tôt : un regard qui précède les personnages en quête de vérité, une caméra en légère plongée, formidable dans l’échange capital où le rêveur du Winkie’s raconte son pire cauchemar. Et ce son, toujours, vibration continue et par instant mélodieuse sous les interventions de Badalamenti.
Une des originalités de cet opus est son mélange des genres : le grotesque y est fréquent, comme la scène de ménage entre le cinéaste et sa femme infidèle, ou le meurtre à répétition du tueur ; l’étrangeté même, l’insolite ont leur part d’humour, notamment dans cette anthologique dégustation d’expresso.
Lynch cherche clairement à explorer les méandres du spectacle et de l’illusion, comme il l’affirme très (trop ?) clairement sur la scène du Silencio : tout n’est que du playback. Nous le savons, c’est brandi, et nous plongeons tout de même dans l’émotion du chant habité de Rebekah del rio…
Car le sujet est toujours le même : nous offrant un spectacle classieux, un érotisme torride et une enquête aux méandres fascinants, Lynch sait très bien qu’il caresse le spectateur dans le sens du poil. Là où Lost Highway montrait l’impossible quête de la femme par l’homme, Mulholland Drive est un film de femmes. Leur point de vue, leurs amours, leur sexualité... vues et fantasmée par un réalisateur, qui aura la lucidité, dans la série de ruptures du dernier quart du film, de les déconstruire en brisant savamment son récit.
S’il procède de l’énigme au même titre que Lost Highway, si l’on retrouve des éléments circulaires et bipolaires, Mulholland Drive est beaucoup plus compréhensible et décryptable, ce qui pourra en décevoir certains. Le rêve de la première partie a le mérite de jouer sur le trouble : trop long pour sembler en être un (comme la chanson semble trop longue pour sembler être en playback au Silencio), et surtout, adopté du point de vue de la créature fantasmée, et non de celui de la rêveuse.
L’intérêt de la descente vers le réel est celui des mécanismes de l’imaginaire. Lynch y donne peut-être un aperçu, de son processus de création.
Dans une première dynamique, le rêve permet la sublimation : l’actrice ratée devient une star, son amante une femme passive à sa merci, qu’elle façonne et qui lui doit tout. Un café low cost devient le meilleur expresso du monde et chaque personnage d’un dinner de seconde zone devient un archétype, une allégorie mythique.
Mais dans ce monde fantasmé, on cauchemarde : les actrices sont des placements d’une maffia obscure, les monstres rodent au coin des impasses, et la quête, l’enquête, mène à un cadavre putréfié.
Car la deuxième dynamique est celle, inverse, de la descente. Le cinéaste nous propose, non pas l’envers du décor à travers une satire d’Hollywood (vision diablement réductrice de son film) mais un retour à la source de la psyché désemparée de la femme sans divertissement. Deux images : la masturbation frénétique et brutale, puis le corps putréfié, contrepoints d’un univers au glamour atemporel. Comme le pavillon oculaire qui ouvre Blue Velvet, la déchirure organique d’Eraserhead, Lynch pénètre les méandres d’une conscience qui, parce qu’elle est rongée par l’échec et la culpabilité, est capable de générer un monde retors et fascinant. Avec ce film, qui trouvera ses prolongements dans une version plus radicale car débarrassée du glamour dans Inland Empire, Lynch embarque le spectateur dans un spectacle qui renvoie aux origines de l’humanité : notre besoin du récit fondateur pour illustrer et musicaliser, dans un playback assumé, l’indicible de notre condition de misérables conscients.
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Twin Peaks - Fire Walk With Me - 10/10

Messagepar Nulladies » Ven 06 Fév 2015, 18:27

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“Faster and faster... until after a while you wouldn't feel anything... and then your body would just burst into fire.”

Lorsqu’on a regardé la série Twin Peaks, on a toujours été attentif aux épisodes réalisés par Lynch, et force est de constater qu’ils se distinguent de l’ensemble. Sa signature plane sur l’ensemble du show, mais s’affadit à plusieurs reprises en son absence.
D’où l’attente suscitée par ce film où l’initiateur reprend les choses en main et contrôle de bout en bout cet épisode, ou, pourrait-on dire, cette pré-saison de 2h15.
Autant le dire d’emblée, le film est une immense réussite et apporte un éclairage salvateur
sur les zones les plus fades de la série. Il me parait impensable qu’on puisse renier cette œuvre si l’on a apprécié la série : elle en est l’aboutissement, l’acmé qu’on ne pouvait atteindre dans la production télévisée.
Car le premier élément qui choque dans ce film absolument terrible, c’est sa radicalité. On le sent bien, Lynch a carte blanche. Exit l’humour, la pudibonderie, le verbal pour dire le Mal : lignes de coke, jeunes filles dénudées, ongles arrachés en gros plans, gros blues malade et hypnotique, on passe à la vitesse supérieure. L’accès la loge noire de l’épisode final pèse sur le film, d’une noirceur profonde. Onirique et cauchemardesque, notamment par un travail très fin sur le son supervisé par Lynch himself, tout est fait pour nous happer vers un cauchemar sans fin et désespéré. Bob est là, Bob possède Laura et son père, qui n’ont qu’à subir, exsudant toute les larmes de leur corps, se liquéfiant dans un mal qui fascine et repousse.
Le principal sujet du film est bien Laura : désormais connue du spectateur qui a appris à dépasser la photographie de la Queen of prom qui pourtant concluait la quasi-totalité des épisodes de la série, elle donne à voir sa vie schizophrène et dénuée de libre arbitre. Déjantée avec Bobby, sorte de prolongement dark side du couple Sailor/Lula, amoureuse sacrificielle avec James, terrorisée avec son père dont elle découvre l’identité progressivement, elle alterne les rôles de victime impuissante et de garce possédée. Ce film est celui de son adieu au monde, du renoncement à l’existence du fait de son appartenance aux forces maléfiques. C’est un drame dont on connait l’issue, une tragédie au sens strict, lyrique et désenchantée, sublime et proprement effroyable.
Dès le prologue où l’on massacre Teresa Banks dans les règles de l’art pour ouvrir une enquête tordue et désarmante, Lynch annonce la couleur. Dans un univers encore plus radicalement instable que Blue Velvet ou Sailor & Lula, point de place à la fantaisie. Tout est pensé, mais tout fuit et l’on se perd, pour reprendre l’expression de Laura à James avant de l’abandonner pour le sauver d’elle-même : « Let’s get lost together ».
Au bout d’une demi-heure, Twin Peaks réapparait : on retrouve la musique de Badalementi, mais quelque chose a changé. Tout, en réalité, parce que nous sommes avec Dale Cooper des initiés de la loge. Les protagonistes de la série ne sont plus que des figurants, quand ils ne sont pas absents (tous les Horne, même si l’on sait que ce ne fut pas un choix de la part de Lynch), et l’univers au long cours et à l’aspect formaté se délite violemment. Le soap est rincé, décapé, l’étrange et l’incongru contaminent chaque séquence et la tension ne retombe jamais : chaque sursaut ne provoque pas le réveil, mais fait chuter Laura dans une nouvelle strate de cauchemar. A ce titre, saluons la performance de Shery Lee dont on ne pouvait soupçonner un tel talent de comédienne.
La grande idée de Lynch est celle d’honorer le spectateur de la série en dépit de la formule du préquel. Certes, il apprendra en détail ce que fut la vie de Laura avant sans mort. Mais la loge est hors-temps : ainsi, Dale Cooper a sa place, et même Annie apparait pour avertir Laura de son enfermement. Bouclage magistral, introduction et conclusion puissamment pathétique, qui laisse entrevoir la mort de Laura comme un soulagement face au cauchemar de son existence, le film prépare, tout en lui faisant ses adieux, un monde qui ne pourra rétrospectivement être vu avec la même candeur que la première fois, et donne à voir la puissance du Mal avec une acuité et une poésie aussi hypnotiques que radicalement tétanisantes.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Ven 06 Fév 2015, 18:34

Chaque critique pour ce film a une note supérieure à la précédente :mrgreen:

L'exemple type du film incompris à sa sortie et réévalué à sa juste valeur avec le temps.

(De l'espoir pour Alegas :mrgreen: )
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar dagokhiouma » Ven 06 Fév 2015, 18:42

:eheh:
Les hommes livrent leur âme, comme les femmes leur corps, par zones successives et bien défendues.
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