C'est chiant parce que je n'ai vraiment pas le temps pour poser des critiques en ce moment. Mon taf et ma vie de famille me prennent tout mon temps et mon énergie et j'aurais tant de choses à dire sur un tel film. Mais plus les jours passent et plus il est difficile d'extirper du disque dur qui me sert de cerveau les bribes de souvenir du spectacle offert. Cette année, je me dis qu'il est temps que je dévoile ma passion pour un réalisateur qui m'a bien souvent subjugué et dont je n'avais jusque là pas eu l'occasion de voir le premier film (il y a bien eu Jericho Mile avant, mais il était destiné à la télé). Michael Mann, putain voilà du cinoche qui me parle! Une technique de folie, une approche psychologique le plus souvent minimaliste et sans fioriture d'hommes au caractère bien trempé mais aussi un grand directeur d'acteurs. Sans parler de cette capacité assez incroyable à capter les ambiances urbaines et nocturnes. Des films conçus pour les sens. Pour tous les sens.
Le Solitaire, c'est avant tout une introduction qui tutoie les sommets. C'est bien simple, les 30 premières sont tout simplement parfaites. Il n'y a rien à jeter. Une ruelle sombre, les premiers accords atmosphériques puis soudainement électriques de Tangerine Dream (et bordel, qu'est ce qu'elle tue cette BO, indissociable des images, à un tel point que je serai sûrement incapable de l'écouter/l'apprécier en simple écoute) et nous sommes plongés dans le bain. Franck, véritable pro du perçage de coffre-fort est déjà en action dans un exercice de haut vol. Un vrai combat face à une bête boite de métal qui prend une tournure épique lorsque celle ci daigne enfin céder et révéler son contenu. Franck est un homme avec des principes. Il découpe, il emballe et il vend. Et lorsque son receleur veut le maquer coûte que coûte avec un gros ponte local, il n'est pas spécialement enjoué. Devant l'appât du gain, il décide de s'accorder un dernier gros coup, histoire de concrétiser son rêve.
C'es tellement beau que j'ai failli me faire dessus
La suite nous en apprend plus sur ses aspirations et envies. Un petit coin de paradis, une femme, un enfant et de quoi se la couler douce sans excès jusqu'à la fin de ses jours. Rien de plus. La folie des grandeurs n'a pas lieu d'être dans l'esprit de Franck. Comme en atteste le montage photo qu'il s'est confectionné et qu'il garde constamment dans son portefeuille. Un moyen mémo-technique de garder les pieds sur terre et de ne jamais déroger à cette ligne de conduite. Une sorte de carte postale de la vie idéale qu'on retrouvera sous forme de clin d'oeil derrière le pare soleil du taxi de Jamie Foxx dans Collateral, lequel aspire lui aussi à une meilleure condition. Et comment ne pas penser à Neil McCauley dans Heat, qui même s'il boxe dans la catégorie au dessus, est un descendant direct du personnage de Franck.
James Caan excelle dans le rôle principal. Une prestation qui carbure au charisme et un rôle digne de son passage chez Coppola dans la peau de Sonny Corleone. Quand il se fait rattraper par la réalité et que son rêve s'effondre, il ne vend pas son âme au diable. Il prend le taureau par les cornes, abandonne tout et règle ses comptes. Pour la plus grande joie des spectateurs friands de pics d'adrénaline. Chez Mann, tout est conçu par souci d'efficacité. Admirateur de son travail, j'ai été tenté à mi-parcours de me dire que Thief était déjà une superbe ébauche de son oeuvre. Plus tard, quelques crochets artistiques ont achevé de me convaincre et ont dissipé cette idée d'un simple galop d'essai. A l'image de cette dernière demie heure, orgie visuelle qui trouve son point d'orgue en terme d'imagerie (putain, cette photo à se damner quand les lampions qui illuminent la concession de Franck se reflètent sur la carrosserie des voitures au beau milieu de la nuit
). Les quelques saillies d'hémoglobine ne font pas dans la demie-mesure, elles tâchent et impactent elles aussi la rétine. Un vrai coup maître que ce Solitaire (le titre original est tellement plus évocateur...), dont les défauts ne sont que des broutilles. Un polar jouissif avec le pied d'appel bloqué dans les 70's et le pied d'appui enfoncé dans les 80's. De quoi donner une furieuse envie d'entamer une rétro HD de la filmographie du bonhomme.