BIRDMAN-------------------------------------------
Alejandro González Iñárritu (2015) |
8,5/10 Birdman est un film extrêmement impressionnant, et confirme que son réalisateur et ses acteurs sont de très grand techniciens.
Construit sur un faux plan séquence de près de 2h (!), Birdman ne joue pas pour autant la carte de l’esbroufe et s'avère toujours fluide et plaisant. Car cette technique, une gageure mais finalement extrêmement habile, est au service d'un récit fort qui mêle la comédie au drame, qui se jouent en coulisses du côté des acteurs et plus généralement des créateurs. Le film et son format se justifient donc extrêmement bien par ce maelstrom de scénettes et de personnages déjantés, sur le fil, dont l'excitation de la première, va les conduire à tout un tas de face à face et de remises en question extrêmement ludiques.
Il faut dire que les personnages sont interprétés au cordeau par des acteurs géniaux, Keaton en tête en vieil acteur déclinant et dérangé, Norton irrésistible en acteur bankable, mégalo et jusqu’au-boutiste dans son côté actor studio, Galifianakis à contre-emploi dans le rabat-joie de service, et Naomi Watts, comme toujours excellente. Seule Emma Stone a du mal ici à trouver sa place, étant peut-être l'un des personnages les plus éloignés de la scène. En tout cas cette troupe fantasque et délurée se ridiculise souvent et permet au réal un ensemble de critiques sur le système, des acteurs de films de super-héros aux digressions artistiques. Keaton notamment, dans son personnage d'ancien Birdman, est extrêmement touchant quand on pense à ses débuts glorieux dans les Batman de Burton puis à sa relative traversée du désert.
La place apportée à ces réflexions, sur les égos et leurs rapports, la célébrité volatile et comme une mise à nu, la modernité, tout à la fois sur le milieu du cinéma, du théâtre et de la critique, est en même temps parfaitement dosée et ne perturbe pas l'équilibre comique du récit et son ambitieux formalisme. Car le film n'oublie jamais de dégoupiller son aspect glauque et lucide de cour des miracles par des apartés extrêmement drôles ou fantasmatiques. Et ce faux plan séquence (a priori seulement 12 scènes en tout), hymne à la vie (dont les pulsations sont constamment mises en musique à la batterie par Antonio Sanchez) de virevolter à tout va jusqu'à son dénouement plus sage, comme une conclusion mélancolique.
Un film hybride et farfelu, satirique, qui consacre avant tout des acteurs et le côté artisan de son réalisateur, qui semble peut-être ici, exorciser certains de ses démons par le charme de la comédie. Fascinant.