Dommage que ce film narrant l'épopée de deux marathoniens coréens, dans un esprit d'amitié/haine, imprime un tel galop dès le début, ce qui, outre une désagréable impression de tournis, sacrifie un peu trop l'exposition des personnages. Je me demande bien quelle mouche a piqué le monteur d'enchaîner les séquences aussi frénétiquement, ce qui est aussi en contraction avec l'esprit de ce type de course qui repose plus (ou au moins tout autant) sur le mental que le physique. Mais lorsqu'on parvient enfin jusqu'au bout de la bobine, on comprend aussi l'ambition assez dingue du projet qui explique peut-être ce départ pressé, voire précipité.
En effet, les deux larrons traversent la moitié de la planète en tant que soldats, entraîné par les évènements de la seconde guerre mondiale, passant d'une dictature à l'autre, plus hargneuses les unes que les autres, à commencer par celle du Japon, imposant alors sa discipline de fer en Corée. Ainsi, ce rythme d'enfer est bien plus adapté lorsque les hostilités guerrières s'amènent, avec des batailles réalistes et violentes du même acabit que
Sauvez le soldat Ryan (à l'exception faite de ces quelques séquences où l'un d'eux coure plus vite que les balles). Sauf qu'on sent la réalisation un peu limitée dans son ensemble malgré les moyens employés du fait, encore une fois, du montage ultra cut et trop rapide pour imprégner la rétine (au moins lorsque la poudre parle, ce n'est pas fait à moitié). Et le propos lui-même manque de recul et de subtilité. Ce dernier n'est pourtant pas dénué d'intérêt. Lorsque ces deux personnalités s'opposent dans un combat serré, l'un brillant par son insoumission, et l'autre fier de porter le drapeau japonais, et qu'elles subissent les effets des autres idéologies, celles-ci deviennent, en d'autres circonstances, un moyen d'inverser les rôles, de se réinventer une identité, de survivre, voire même une certaine forme de résistance (lorsque les autoritarismes s'entrechoquent), mais qu'on découvrira bien assez tôt, fort limitée et perverse.
Bizarre aussi que l'amitié des deux coureurs se construise comme à l'envers, sans trop prévenir, comme si de rien ne s'était passé de fâcheux entre-eux, lorsqu'ils parviennent au bout de leur parcours. Vu ce qu'ils ont vécu ensemble, car c'est aussi un film sur la volonté de survivre (dommage à ce titre que le parallèle course/survie ne soit pas toujours très évident, on aurait même pu s'en passer à la limite), et sur la fraternité et l'humanité qui se maintiennent ou pas sous les coups des différents régimes autoritaires, on est content lorsqu'on en arrive à ces bouts là (très bizarre en passant que l'Allemagne nazie soit presque présentée comme l'eldorado en comparaison), mais il y a comme un vice dans la charpente assez gênant pour le spectateur averti.
Bref, un film un peu bancal et binaire dans sa construction narrative, mais qui réserve des moments forts (l'insoumission de certains ainsi que les batailles qui n'épargnent personne) et un fond intéressant. Plus qu'un film de guerre, un film de dénonciation contre toute forme d'autoritarisme qui aliène tant les individus que les amitiés.
Note : 6.5/10