Flags Of Our Fathers (Mémoires de nos Pères) de Clint Eastwood
(2006)
Premier volet d'un dyptique sacrément osé dans son concept (ou comment redéfinir le film de guerre en détaillant deux camps qui s'affrontent dans une même bataille, chacun ayant son propre film), Flags of our fathers n'en est pas moins un film injustement sous-estimé. Plus de huit ans après sa sortie, le constat est bien là : la plupart des spectateurs lui préfèrent le volet s'intéressant au versant japonais. Une préférence qui, de mon côté, n'a jamais été effective et jamais réellement comprise, d'autant que ce film, ciblant l'armée américaine durant le conflit d'Iwo Jima, est à mes yeux l'un des films de guerre les plus intelligents qui soient, justement parce qu'il se sert du genre comme tremplin pour raconter finalement quelque chose de totalement différent. Beaucoup à l'époque, moi le premier, s'attendaient à voir un simple récit guerrier du côté des Marines, ce que confirme plus ou moins la première demi-heure du métrage, et son débarquement intense sous influence spielbergienne (peut-être bien l'une des meilleures séquences de la carrière d'Eastwood), mais cette illusion s'évapore rapidement une fois le film lancé.
En effet, Flags of our fathers prend comme réel point de départ la fameuse photo du drapeau hissé sur l'île, photo qui provoquera le transfert des Marines concerné pour les ramener au pays afin de faire la promotion de l'armée. A partir de là, le film de guerre classique se transforme rapidement en critique acide de la propagande américaine, et si le sujet n'est pas forcément traité avec la plus grande des subtilité, cela n'empêche pas le film de gagner en pertinence. Car finalement le film, très avare en séquence guerrière (une fois passée la première demi-heure, les rares combats sont là pour expliquer le trauma des soldats revenus) s'avère être bien plus qu'un film sur la guerre, Eastwood et Haggis (qui signe là peut-être bien son meilleur script) préférant s'attarder sur la notion de héros en temps de conflit, sur le réel pouvoir d'une nation qui n'a plus totalement foi en son gouvernement militaire ou tout simplement sur le pouvoir de l'image via la fameuse photographie qui dépassera finalement tout ceux ayant été impliqués involontairement dans sa conception. Il en résulte donc un très beau film, sacrément original en plus d'être solidement tenu que ce soit côté casting (et ce, jusque dans les seconds rôles) ou sur le plan formel (magnifique photographie). Peut-être bien le film d'Eastwood le plus sous-estimé de ces dernières années, et je ne serais pas trop étonné qu'il soit reconsidéré dans les années à venir.
8/10