---------------------------------------------------------------------------------
Cria CuervosCarlos Saura — 1976 — 7/10
---------------------------------------------------------------------------------
Challenge découverte novembre/décembre 2014Avec Cria Cuervos, Carlos Saura propose une belle illustration du thème de l'enfance confrontée à la Mort. Les enfants, ce sont trois filles qui viennent de perdre coup sur coup leur mère, atteinte d'une maladie incurable, et leur père d'un supposé empoisonnement. Des fillettes qui se voient confiées à la charge de leur tante et de leur grand-mère elle-même au seuil de la Mort, paralysée et ne s'exprimant qu'en hochant ou secouant la tête. La Mort, présente également au travers des envies de meurtre de la benjamine, personne principal, qui nourrit de noirs desseins à l'encontre de sa tante et pourrait avoir un rapport avec le décès de son père.
Un personnage dont la solitude est principalement illustrée par des flashbacks entre passé et présent, où l'on assiste à la détérioration des rapports entre leur père coureur de jupons et leur mère visiblement dépressive, alors que les rares immersions dans le futur nous montrent l'héroïne nous expliquant à quel point son enfance a été une période dure et interminable. Le présent revêt pour elle la forme d'une grande maison triste où elle rêvasse, laisse libre court à son imagination, voyant les spectres de ses parents s'adresser à elle. Une tristesse prégnante, uniquement interrompue par les jeux et rires des enfants ou par la musique qui s'échappe de leur tourne-disque.
Carlos Saura applique à son récit une réalisation pleine de tact et de délicatesse, déplaçant sa caméra dans de lents travellings au son de la musique de Federico Mompou, qui renforce la mélancolie qui se dégage de l'ensemble. Les relations entre les enfants sonnent vraies, les trois actrices en herbes étant toutes criantes de vérité. Parmi elles, la jeune Ana Torrent, que l'on reverra dans le Tesis d'Amenabar une vingtaine d'années plus tard, est tout bonnement bluffante, donnant constamment l'impression d'être ailleurs, perdue dans ses pensées.
On devine dans Cria Cuervos une métaphore du franquisme alors à l'agonie. Mes piètres connaissances de l'histoire ibérique ne me permettent pas de les citer précisément. Mais la conclusion, ce retour à la vie quotidienne à l'occasion de la rentrée des classes, sonne comme un grand cri de liberté, un retour au réel marqué par les accords de la chanson "Por que te vas" de Jeanette, une bouffée d'air frais après avoir été enfermé pendant plus d'une heure et demie dans l'atmosphère étouffante de cette maison lugubre. Une conclusion qui met fin à une très belle immersion dans les rêveries de cette petite fille affectée par le deuil.