Un western qui ne paie pas de mine au début, mais qui s'avère par la suite un excellent divertissement pour le peu qu'on apprécie Peckinpah et ses personnages
larger than life. Un film qui aurait pu être encore meilleur sans une rupture de ton vers la fin qui me semble un peu hors de propos, j'y reviendrai. Car le ton est surprenant, mixant le ton crépusculaire auquel il nous a habitué, avec beaucoup, beaucoup d'humour, bien grinçant et grivois comme j'aime.
Il s'agit donc de l'histoire de Cable Hogue interprété par un Jason Robards dont le personnage et la destinée ressemblent à ce qu'il avait joué dans
Il était une fois dans l'Ouest. Malpropre, rustre, païen, bref un gros asocial, mais avec un coeur gros comme ça (révélé surtout par l'intermédiaire d'une femme), il est d'abord abandonné dans le désert, avec rien dans les poches, et puis trouve par hasard un trou d'eau dans le désert qui lui sauve la vie. L'occasion pour lui d'être un propriétaire, de tout reprendre à zéro.
Un début d'intrigue mince comme un ticket de métro, mais que Peckinpah s'ingénue à agrémenter d'une grosse couche de bonne humeur communicative. La façon dont Cable s'attache obsessionnnellement à son trou ressemble un peu aux personnages du Duc ou de Jack Burton, mais dans le Far-West, donnant l'occasion de situations insolites (comme lorsqu'il part d'un bordel alors qu'il était en train de conclure).
Peckinpah, comme d'habitude, s'amuse donc à déconstruire les codes du western comme un sale gosse, et à tourner en rigolade cette concrétisation misérable du rêve américain. Il faut voir par exemple comment il nous présente sa version du prêtre, prêt à montrer les voies (im)pénétrables de Dieu, ou son anti-héros, qui tombe en amour d'une prostituée d'une drôle de façon (sacré sens du cadre et du zoom sur ces gros attributs !).
Ainsi, ce n'est pas un western qui se prend au sérieux, et tout l'intérêt repose sur l'interaction entre ces trois personnages, qui nous gratifient de séquences véritablement drôles, avec de sacrées ruptures de ton (la bande-son, à ce titre, joue un grand rôle, comme par exemple lorsque le prêtre va consoler la soit-disante veuve esseulée avec la petite musique religieuse en arrière-plan) et un petit côté Benny Hill. On nous ballade simplement et tranquillement entre la ville et ce trou perdu qui devient une charmante petite auberge fabriquée avec trois fois rien, accueillant les voyageurs avec un sens de l'hospitalité parfois douteux.
Dommage par contre que Peckinpah se sente obligé de clore son récit avec une petite touche dramatique qui arrive comme un cheveu sur la soupe. La séquence est néanmoins originale, on ne sait pas trop où s'arrête la comédie comme dans une pièce de Molière. Faut dire aussi qu'on a fini par s'attacher énormément à ce Cable, formidable marginal vieillissant vivant au jour le jour, mais finissant par connaître une petite transformation morale, presque à son insu, via cette jeune et jolie femme en quête d'un nouveau destin (leur histoire d'amour sonne juste, et le portrait de femme qui en résulte ressemble à un parcours à l'envers de celui de
Il était une fois dans l'Ouest), qui le pousse ainsi à s'extraire de sa vie sédentaire et de ses vieilles habitudes.
Autre soucis, le climax avec la vengeance ne s'imbrique pas très bien avec le ton bon enfant/mauvais genre qui domine le film. Bref, quelques ruptures de ton ici et là qui ne sont pas toujours bien gérées à mon goût, mais pas de quoi s'alarmer, c'est quand même bien rigolo dans l'ensemble, certainement le western le plus fun et jouissif de toute la filmographie de Peckinpah qui revisite ses thèmes (le Far-West finissant rattrapé brusquement par la modernité et la civilisation) à la sauce potache.
En résumé, voilà un Peckinpah relativement peu connu que je conseille vivement. Une belle baffe enjouée contre le puritanisme américain, en dépit d'un dénouement un peu tristounet qui nous ramène vers le Peckinpah de
La horde sauvage. La prestation du trio principal est aussi à retenir, avec des personnages hauts en couleur, des dialogues qui claquent, et quelques jolis moments d'émotion entre deux traits d'humour. Sans oublier la musique, vraiment chouette, au-delà de l'utilisation comique qui en est faite, où les acteurs poussent la chansonnette.
Note : 7.5/10