FEAR CITY
NEW YORK, 2 HEURES DU MATIN++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++Abel Ferrara (1984) |
5/10++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ La question qui s’impose à la fin de Fear City est la suivante : comment Ferrara peut-il à ce point manquer le dernier acte de son film ? Comment en est-il arrivé à s’embarquer dans un final autant en décalage avec ce qui a précédé ? Des questions légitimes tant le dernier quart d’heure de Fear city fait l’effet du caprice d'un gosse qui n’a pas eu la permission de faire le film qu’il souhaitait. Pour conclure sa descente aux enfers dans le milieu du dépoilage classe en plein New York, Ferrara se la joue Karaté Kid du pauvre et sort de sa manche deux séquences d’entraînement complètement surréalistes avant de se laisser définitivement envoûter par les vapeurs du mauvais gout en concluant les hostilités avec un duel final à faire rougir les plus soporifiques épisodes de DBZ.
Dans le coin bleu, un boxeur traumatisé en quête de rédemption, dans le coin rouge un ascète rompu au karaté dont le passe temps est de cisailler des jolies stripteaseuses au moment où elles rentrent chez elles, après leurs éprouvantes performances nocturnes. La rencontre des deux artistes martiaux est on ne peut plus électrique et départagé par un flic qui, après avoir joué au berger allemand taciturne pendant 1h30, retourne enfin sa veste en déclarant son amour à sa tête de turc. Je ne connaissais pas à Ferrara ce talent de finisher, on reste KO dans son canapé devant une audace aussi folle et un tel sérieux dans l’absurde.
Et pourtant jusqu’à cette orientation de type tournoi ahurissante, Fear city fonctionne plutôt bien et sans être fantastique, captive l’attention. Tom Berenger y impose son charisme, parvient à rendre son personnage sympathique et permet à Ferrara de brosser le portrait peu glorieux d’un New York nocturne qui ne manque pas d’intérêt, ni de jolies filles peu vêtues. Mais déjà dans cette partie du film, se posait le problème d’un point de vue inexistant. Comme si Ferrara souhaitait filmer New York, ses clubs de striptease et les bonhommes badass qui y évoluent, sans vraiment savoir qu’en faire. Sa seule tentative étant d’y placer un personnage marqué par la vie en recherche d’un peu de soleil, en espérant qu’il pourra meubler suffisamment. Mais hélas, Tom a beau avoir les épaules bien carrées, il ne peut sauver le navire du naufrage lorsque l’intempérie se fait trop insistante.
Dommage, l’ambiance typique 80’s était bien là, dès les premières typographies rouges sanguines, l’envie de se plonger à corps perdu dans la bande son flatteuse de Fear City se fait féroce. L’intention est présente, mais tout est trop foutraque et il manque véritablement d’un ciment de cohérence entre tous les éléments disparates dont Ferrara compose sa balade nocturne. A aucun moment le cinéaste ne parvient à tirer parti du matériau qu’il a à sa disposition, et s’enferme dans une histoire qui aurait pu être intéressante si elle avait été exploitée à la manière d’un giallo, avec un peu de détachement, mais qui pour le coup est traitée tellement au premier degré qu'elle n'inspire que de l'ennui.