UN ILLUSTRE INCONNU++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++Mathieu Delaporte (2014) |
7.5/10++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ Il est suffisamment rare de voir le cinéma français s’aventurer dans les rues royales du thriller manipulateur à tendance sociale pour relayer l’exploit lorsque le challenge est relevé avec les honneurs. Avant d’être une réflexion sur la place de l’homme qui ne peut s’adapter à une société normaliste, Un illustre inconnu est avant tout un film très ambitieux, propulsé par des idées, sinon nouvelles, difficiles à mettre en image. A chaque nouvelle personnalité que revêt, littéralement, un Mattieu Kassovitz qui trouve sans aucun doute ici l’un de ses meilleurs rôles, le challenge de rendre crédible la transformation physique de l’acteur est relevé avec brio.
Certes, quelques maquillages feront sourire les plus pointilleux, mais l’intérêt du film n’est pas dans la réussite totale de ces derniers, mais bel et bien dans le portrait qu’ils permettent de construire. Celui d’un homme fade, sans personnalité, qui ne respire qu’en volant quelques moments de vie aux personnes dignes d’intérêt qui croisent son chemin. Un jeu de travestissement devenu une addiction qui, au hasard d’une rencontre, lui permet de trouver un sens à sa vie.
Dit comme cela, le propos peut paraître pompeux car ampoulé par une réflexion critique un peu trop vivace, et c’est peut être effectivement ce que l’on pourra reprocher au film. Dans sa dissection de la parentalité notamment, à travers le personnage très entier du violoniste irascible qui sera la porte rédemptrice du voleur d’identité. Mais un illustre inconnu sait être captivant parce qu’il est mû par une mise en scène très réfléchie, par des jeux photographiques déployant, avec une minutie presque obsessionnelle, la quête d’identité du personnage de Matthieu Kassovitz. On retiendra notamment toutes les séquences montrant le faussaire voler l’âme de ses victimes, à la manière d’un serial killer d’unicité, ainsi que cette scène d’ouverture magistrale qui filme l’homme en train de préparer sa propre mort. Une mise en bouche explosive qui captive instantanément le regard. C’est fort.
Dans le paysage cinématographique français, et mondial d’ailleurs, souvent un peu trop calibré, une bobine de la trempe d’Un illustre inconnu fait l’effet d’une bouffée d’air appréciable même si elle manque d’une petite pichenette d’audace pour marquer complètement les esprits. Cette relation père fils un peu survolée, parfois maladroite, paraît en effet être une exploitation un peu trop sécurisante d’un potentiel si riche, d’autant plus qu’elle est mise à mal par un jeune acteur plus à l’aise avec ses cordes que dans la confrontation avec l’intimidant Kassovitz.
Mais devant l’ambition qui caractérise l’ensemble du film, ainsi que sa très belle tenue formelle, il serait hypocrite de ne pas saluer cette mise en image réussie d’un script peu évident, très prometteuse pour la suite de la carrière de Matthieu Delaporte. En espérant que le jeune cinéaste poursuive dans cette voie et ne se laisse pas à nouveau happer par les courants d’air mielleux de la comédie (ben ouais, j’suis pas un mec marrant).