Peut-être bien à mes yeux l'une des plus belles claques de cinéma que j'ai pu recevoir ces dernières années (si bien qu'il m'aura fallu plusieurs visions pour bien la digérer) en plus d'être la confirmation totale d'un cinéaste au parcours quelque peu étonnant. Gravity, c'est un peu une possible image de ce qu'est pour moi un idéal de cinéma : à savoir du rêve sur grand écran, à la balance parfaitement ajustée entre le grand spectacle, la recherche technologique pour donner vie à l'impossible, l'introspection dramatique et la dimension humaniste qui permettra au film de toucher un public toujours plus grand. Malgré le fait qu'il soit un pari totalement fou sur le plan purement technique (qui aura demandé sept ans de gestation pour le rendre possible), Gravity est en fin de compte une œuvre simple qui revient aux dimensions basiques du cinéma : un acteur, un script minimaliste, des sensations, le tout submergé d'artifices qui, depuis les débuts du 7ème Art, permettent de rendre plus réalistes la moindre histoire contée.
Il y aura eu un grand nombre de débats pour savoir si, oui ou non, Gravity constituait une véritable révolution dans le monde cinématographique. Outre le fait qu'il le soit effectivement sur le plan technique (il aura mis au moins tout le monde d'accord sur ce point), le film l'est aussi sur une intention : comment filmer l'espace. Jamais un réalisateur n'avait osé le filmer de façon aussi extrême, à frôler l'hyper-réalisme, ce qui permet au métrage d'être sur ce point une expérience unique dans laquelle la mise en scène, la puissance de l'image et le travail sur le son (superbe composition de Steven Price, très expérimentale dans l'esprit) sont combinés pour offrir quelque chose d'extrêmement sensitif, sans pour autant renier le caractère grand public (chose finalement assez rare, les films à volonté sensitives étant souvent des films à fort caractères expérimentaux). A cela s'ajoute une histoire très simple mais à la puissance symbolique forte. Ryan Stone, personnage très proche des précédents des films de Cuaron (protagoniste désabusé qui trouvera une nouvelle raison de vivre, de se battre, à l'instar de Clive Owen dans Children of Men) ne cherche jamais à atteindre une complexité psychologique inutile. Ici, nous sommes face à un personnage aux motivations décrites en quelques lignes de dialogue, ce qui est amplement suffisant pour saisir des motivations nécessaires.
En cela, Cuaron se détache de tout un pan du cinéma dit survival, qui se contente souvent de jouer la carte de la survie sans véritable raison. Dans Gravity, l'important est véritablement de saisir l’ambiguïté presque suicidaire du protagoniste, pour ensuite mieux s'attacher à sa raison de vivre soudaine : Ryan Stone ne se bat pas simplement par instinct (bien au contraire puisqu'elle se laisse mourir dans une très belle séquence), elle se bat pour atteindre quelque chose de très fort sur le plan symbolique : une renaissance. Là encore, beaucoup auront décrié ce fameux sous-texte de Gravity. Et bien que celui-ci ne joue pas forcément la carte de la subtilité (peut-on réellement se le permettre sur une durée aussi courte, surtout pour un film qui a volonté d'atteindre un grand public ?), il n'en reste pas moins réussi, au point de donner une profondeur à un final qui y gagne largement en intensité (on se doute bien qu'elle réussira, l'important est finalement de savoir comment et pourquoi elle y arrivera).
Plus d'un an après sa sortie, le constat visuel reste le même sur le film : les effets visuels sont certainement ce que l'on peut trouver de plus réussi dans l'industrie cinématographique. Non seulement chaque plan est d'une beauté sans pareil, mais l'illusion marche totalement. Sandra Bullock (qui trouve là le rôle de sa vie) est véritablement dans l'espace sans que le temps d'une seconde le spectateur vienne douter de cette affirmation. En cela, Gravity est un vrai film de cinéma : un tour de magie qui contente parfaitement en terme de spectacle, sans pour autant être dénué de profondeur. Un très grand film qui laisse espérer énormément pour la suite de la carrière de son réalisateur, maintenant qu'il a trouvé à la fois le succès critique et public.