Interstellar de Christopher Nolan
(2014)
Difficile d'écrire sur le neuvième film de Christopher Nolan tant je suis affreusement partagé sur la qualité du métrage. La chose se confirme à la revision : autant j'adhère à la majorité de la proposition filmique malgré des défauts évidents, autant je ne peux tout simplement pas laisser passer la dernière demi-heure qui est à mes yeux la conclusion la plus affligeante que j'ai pu voir depuis très longtemps sur un écran de cinéma, au point de me faire reconsidérer la totalité du film. L'attente était pourtant énorme, le script de Jonathan Nolan étant publiquement connu depuis plus de cinq ans pour un projet que devait initialement réaliser Steven Spielberg mais qui échouera finalement à Christopher Nolan qui en profite pour se le réapproprier. Autant je n'ai rien contre certains choix de réécritures, autant Nolan prouve ici sa capacité à foutre en l'air un script dès qu'il tente d'y incorporer un peu trop sa personnalité (The Dark Knight Rises en étant la preuve ultime), lui qui, d'habitude, laisse son frère gérer la partie scénario, lorsqu'il ne vogue pas en solo comme pour Inception.
A l'instar du dernier opus Batman, on se retrouve donc devant un film qui laisse sacrément sur le carreau en terme de cohérence (non pas scientifique, mais bien dans la façon d'aller jusqu'au bout de son propos), tout ça à cause d'un final non seulement surexplicatif, longuet et des ultimes minutes tellement mal foutues qu'on se demande réellement si on est en train de regarder le même film. Nolan aura beau dire (sans le dire vraiment) que la fin de son film est sujette à interprétations, encore faudrait-il que de véritables indices soit présents, et non pas un simple poème doublé d'une allusion mythologique. Cela me choque d'autant plus quand je m'aperçois qu'un film comme Contact, qui possédait grosso modo une fin toute aussi renversante vis à vis des attentes du spectateur, mais en mieux écrite et plus aboutie, se faisait littéralement lyncher à sa sortie pendant que le final d'Interstellar est salué par quasiment tout le monde 17 ans plus tard. Nolan se confirme un peu plus à mes yeux comme un cinéaste beaucoup trop sûr de chacune de ses propositions scénaristiques, au point de se perdre totalement sans s'en rendre compte puisque son public suit sans rien à redire, et je peine à espérer que Nolan reviendra vraiment un jour à un cinéma plus modeste, dans lequel il avait réellement quelque chose à dire.
Pour le reste, le film est tout de même assez étonnant pour un tel budget. Loin de céder à un bête space-opera, on est ici devant un vrai film de personnages. Et autant la storyline autour des personnages de Chastain et Affleck se révèle très limitée, autant tout ce qui touche aux personnages de McConaughey, Hathaway, Damon et Caine sont passionnants et assez originaux pour un tel blockbuster. Chaque personnage est ainsi à l'image de la Terre quittée : refermée sur elle-même, égoïste et agissant dans un but strictement personnel avant celui du bien commun. Un choix payant puisque les motivations sont clairement compréhensibles, ce qui donne un film très humain, sacrément pessimiste sur les bords (aspect totalement détruit par la fin hors-propos) et beaucoup moins froid que d'ordinaire chez Nolan (en témoigne la superbe scène où McConaughey découvre les messages de sa famille sur les vingt dernières années). Même sur la forme Nolan fait quelque peu oublier son Dark Knight Rises paresseux, et si on pourra reprocher aux séquences spatiales un sacré manque d'originalité (ça se contente soit de citer 2001, soit de filmer au ras de la carlingue d'un vaisseau), Interstellar ne manque pas de beaux morceaux de bravoure, à l'image de décollage ou encore d'une séquence d'amarrage bien tendue. Pendant que Hans Zimmer signe une excellente composition rappelant celle de Philip Glass pour Koyanisqaatsi, le casting est, lui, en demi-teinte. Autant McConaughey, la jeune Murph et Caine tirent rapidement leur épingle du jeu, autant le reste est soit anecdotique, soit trop peu présent.
Sans son final tout simplement détestable, j'aurais pu acclamer Interstellar comme un excellent film de SF dont l'originalité rattrape les quelques défauts, mais là en l’occurrence je ne peux tout simplement pas faire avec, et je crois réellement les doigts pour que ce soit le dernier film aussi raté d'un cinéaste qui a pourtant, je pense, encore beaucoup à offrir.
7,5/10