Le mal-aimé de la filmographie d'Hitchcock, souvent assimilé à sa déchéance artistique (il a été filmé juste avant les médiocres Le Rideau déchiré et L'Etau après une succession de chefs d'oeuvre pendant une dizaine d'années), alors qu'il s'agit d'un très bon film.
On pourra concéder que le traitement psychanalytique, moteur de l'intrigue, est assez rudimentaire, voire simpliste. Mais Hitchcock n'a pas l'ambition de rédiger un traité de psychanalyse, le cinéaste ayant recours à certaines facilités scénaristiques pour plus d'efficacité ou d'impact émotionnel. En tant qu'objet cinématographique, Marnie fonctionne à merveille, essentiellement grâce à la mise en scène d'Hitchcock pour qui l'utilisation de mouvements de caméra, de plans subjectifs, la composition des plans, la musique, etc. transmettent une idée, un concept, une émotion avec une évidence, une simplicité qui forcent le respect. On lui pardonnera donc l'utilisation d'un filtre rouge un peu kitsch pour symboliser les moments où Marnie perd les pédales. La musique de Bernard Herrmann complémente idéalement les images du Maître. Là aussi, c'est loin d'être une de ses compositions les plus vantées et sans valoir celles de Vertigo ou Psychose, il compose un très beau score au thème principal envoûtant, qui reste en tête bien après le visionnage.
Au casting, le couple Heddren-Connery sans être du niveau des certains autres magnifiés par le réalisateur (au hasard, Grant/Bergman ou Stewart/Novak) fonctionne bien à l'écran. Connery maîtrise bien le côté élégant et raffiné avec un soupçon de brutalité sous-jacente. Heddren s'en sort bien, avec un bémol lors des moments dramatiquement plus marqués où elle n'est pas tout à fait au niveau, même si elle s'avère convaincante lorsque son personnage retourne au stade d'enfant. On ne ressent jamais de véritable empathie pour son personnage qui reste très froid et en retrait pendant la majeur partie du film, ce qui était sans doute voulu par Hitchcock pour renforcer le mystère autour de ses motivations, et on s'identifie davantage à celui incarné par Connery, plus facilement cernable même si très ambigu quant à sa volonté de sauver Marnie. Le reste du casting est très bon, avec une mention spéciale pour la mignonne Diane Baker en rivale amoureuse de l'héroïne.
Pour un film réalisé par le maître du suspense, Marnie ne possède pas de gros morceau de bravoure, le climax étant une scène de psychanalyse de 20 minutes située en fin de métrage. L'élément criminel sert uniquement de prétexte à une étude de caractère. Le film est constitué d'un certain nombre de confrontations verbales sans que ça soit rébarbatif: il est parfaitement rythmé et les 2h10 passent comme une lettre à la poste. Pas un chef-d'oeuvre certes, mais un très bon film que je revois à la hausse à chaque vision.
Pour finir, un petit coup de gueule sur la qualité du Blu Ray, tout simplement honteuse. L'image présente une texture neigeuse pendant la totalité du film, probablement dû à l'utilisation d'un master pas fait pour la HD. Décidément, après avoir été édité en DVD dans une édition au format 1.33 pan & scannée, Marnie continue d'être bien mal loti en vidéo...