American Bluff - David O.Russel - 2014
David O.Russell, un bon p'tit gars jusque là et qui restait sur deux bons films, Fighter et Hapiness Therapy. Autant l'avouer immédiatement, il se casse un peu la gueule dans le cas présent. American Bluff, dont le remaniement du titre original, complètement con, a le mérite de prévenir de la supercherie, mise beaucoup trop sur le jeu des apparences. Un film dans lequel un arnaqueur arnaqué finit tout de même par arnaquer tout le monde. Tout un programme. Passe encore que le réalisateur n'en ait rien à foutre de son intrigue pour se concentrer sur ses personnages. Encore faut-il que ceux-ci inspirent autre chose que des émotions factices. Sous son bel apparat (reconstitution des 70's, look digne des Bee Jees pour messieurs, robes affriolantes pour mesdames...), rien à se mettre sous la dent. La première partie est d'ailleurs très laborieuse, alors qu'elle devrait être la plus intéressante puisque son but est de caractériser ses personnages. La séquence d'introduction annonce la couleur et suffisait presque à figurer la couleur des sentiments qui allaient nous habiter. Mais il faut se coltiner un pénible flashback d'une quarantaine de minutes qui ne fait que brasser du vent, et alourdir un récit qui avait tout à gagner à rester épuré. Cet épisode douloureux vient annihiler toute envie au spectateur de participer à l'embrouille. Tout est livré pré-mâché et pré-digéré. On nous impose de nous réjouir des prestations over the top des acteurs, si géniaux qu'ils ont croulé sous les nominations dans les cérémonies de fin d'année, mais n'ont rien récolté car tout le monde s'est aperçu in extremis du foutage de gueule. Il ne suffit pas de s'amuser de manière communicative devant une caméra pour convaincre.
Tout n'est pas à jeter pour autant, le rythme étant relativement alerte, les décors et la BO chiadés, et l'humour étalé pas désagréable pour un sou. Mais American Bluff laisse un goût amer. Celui d'un pastiche toc qui mise tout sur sa plastique et qui à défaut de berner son monde avec son histoire, dont tout le monde, du scénariste au spectateur se contrefout (mais au moins, on a l'honnêteté de nous le faire comprendre très rapidement au début du film) fait juste illusion au détour de quelques saynètes réussies. Et bordel, que c'est long. 2h15 au cours desquelles O.Russel doit combler le vide alors il se contente de manier sa caméra avec agilité et se repose sur ses acteurs qui font dans la bouffonnerie. Ils ont l'air de se marrer mais ne véhiculent aucune émotion, à l'exception de Jeremy Renner, très bon dans le rôle du dindon de la farce et seul personnage honnête qui inspire autre chose que de la superficialité. Tout le contraire de Jennifer Lawrence, qui comme son personnage, paumé et effrayé par le changement, reproduit les mêmes mimiques hystériques d'un film à l'autre... L'épilogue et son côté un peu moralisateur (regardez comme nous avons évolué de manière positive) laisse lui aussi perplexe. Sans être mauvais, American Bluff déçoit. Sur le papier, nous tenions un divertissement 4 étoiles qui fait malheureusement très toc dès qu'on creuse un peu...
5/10