Paradise Lost |
Réalisé par Andrea Di Stefano Avec Benicio Del Toro, Josh Hutcherson, Claudia Traisac Drame - france 2014 - 1h54 |
6/10 |
SynopsisNick pense avoir trouvé son paradis en rejoignant son frère en Colombie. Un lagon turquoise, une plage d’ivoire et des vagues parfaites ; un rêve pour ce jeune surfeur canadien. Il y rencontre Maria, une magnifique Colombienne. Ils tombent follement amoureux. Tout semble parfait… jusqu’à ce que Maria le présente à son oncle : un certain Pablo Escobar.
CritiquePremière réalisation d'Andrea Di Stefano qui choisit de ne pas traiter le personnage de Pablo Escobar de façon traditionnelle et clichée comme on pourrait l'attendre, mais souhaite plutôt s'attacher à la mécanique du personnage et non pas sur les trafics de cocaïne ou les meurtres en série.
Cette vision permet de dévoiler les deux faces d'Escobar qu'on découvre dans un premier temps comme un homme de pouvoir mégalo, tyrannique, qui baigne dans l'argent et son univers singulier, hyper protecteur envers sa famille qui est sacrée, son coté sombre apparaît progressivement.
Nous sommes constamment aux coté du jeune gringo - Nick (Josh Hutcherson) qui a un regard entièrement neutre et naïf sur le trafiquant colombien. Ainsi "Paradise Lost" permet de s'insinuer dans l'intimité d'Escobar, au plus près de la machine et tente de nous montrer les coulisses avec plus ou moins de réussite.
La drogue n'est ici qu'évoquée et volontairement jamais montrée à l'écran (ce qui est un comble tout de même) , ce qui permet de se placer aux cotés de gens externes au système Escobar qui n'ont accès qu'à la partie immergée, c'est à dire : la vie luxueuse au sein de villas tout confort, chaque petit caprice est exaucé, fêtes en tous genre grandiose... une sorte de cage dorée dont tout le monde connait l'origine et choisit de se voiler la face.
La famille restant sacrée du moment que ses membres savent "rester à leur place" sans entraver les rouages des trafiquants sous peine de dénonciation.
Cette vision idyllique dans ce cocon est aussi portée à l'écran par l'histoire d'amour entre Nick (un jeune canadien) et la nièce d'Escobar (Maria -Claudia Traisac).
Leur rencontre est tout à fait fortuite, leur amour semble sincère, l'intégration à la famille est évidente, il est dommage que cet aspect du métrage soit ultra-clichée mais ce n'est que pour accentuer la part sombre de celui-ci.
La première moitié de Paradise Lost aborde donc la vision faussée du jeune homme sur cette famille singulière issue d'un milieu modeste et qui se retrouve au sommet de la haute société colombienne. Un train de vie exubérant et un cadre de vie qui ressemble aux prémices de "Neverland" (un paradis pour les enfants), reconstitué avec un grand sens du détail et de recherches documentaires.
Cette 1ere partie n'est que rarement ponctuée de détails faisant références aux méfaits d'Escobar mais permettent d'éveiller le spectateur sur le suite.
Dans un second temps, ce train de vie si tranquille se voit bouleversé et tout s'accélère, une chasse à l'homme s'organise autour du jeune canadien et constitue la part la plus réussie de "Paradise Lost" où le coté sombre des deux protagonistes nous sont enfin découverts où la vision de rêve part en éclats.
Escobar ne se salit jamais les mains, fait porter le chapeau et délègue à ses hommes de mains le sale boulot.
Même si la violence est enfin de la partie, elle reste suggérée et jamais frontale.
Au départ, j'avais bien sur des réticences quant aux capacités de Josh Hutcherson de se sortir des rôles policés, pourtant j'avoue que c'est un bon choix car il colle bien à Nick pour son coté naïf qui découvre la vie et qui malgré lui va devoir faire des choix de rester honnête de A à Z aux dépends de la sécurité de ses proches et de la sienne ou bien de céder aux avances d'Escobar : fermer les yeux et lui donner un coup de main de temps à autre. La limite entre les 2 options est très mince car on ne peut pas délaisser un tel train de vie de facilités en un instant, la complexité du système fait qu'on ne peut le quitter que de façon organisée et mûrement réfléchie.
Le métrage se focalise fortement sur la descente aux enfers de Nick c'est pourquoi le contraste entre la vie fastueuse et le dénouement tragique est énorme. A savoir que la narration n'est pas totalement linéaire mais plutôt déstructurée ce qui est un peu déstabilisant car on entrevoit une partie de la scène finale en introduction.
Benicio Del Toro est physiquement transformé (avec une prise de poids de 30 kg) et se fond à Escobar parfaitement, jouant sur le coté patriarche affectueux mais capable de basculer en tyran implacable en l'espace d'une seconde. Une prestation de haute volée même si j'aurais aimer le voir encore plus présent à l'écran. Un personnage complexe à la fois attachant, empli de générosité envers son peuple mais un meurtrier avant tout qui avait un don pour tirer les ficelles et créer un réseau puissant à la fois au niveau des autorités officielles mais aussi au niveau de toutes les strates de la société le rendant quasi intouchable.
Paradise Lost ne permet pas d'apprendre de scoop sur Escobar mais le rend cruellement humain de part les multiples séquences anecdotiques mais réelles qui jonchent le film mettant en avant son culte de la personnalité, sa facilité à se faire aimer de tous etc...
Au final, Paradise Lost ne souhaite pas aborder Escobar de façon brutale et dans sa globalité mais s'attache à une montée en puissance de la violence au travers du regard d'un jeune étranger naïf aveuglé par l'amour et la richesse.
Il est dommage que la première partie soit si lisse, prévisible sans grain de sable et plombe le rythme dans cette ambiance un peu artificielle et caricaturale. Le virage sombre vers la réelle personnalité du système est beaucoup plus prenante et riche en suspense d'où un résultat inégal et une semi-déception.
Reste la prestation de Benicio Del Toro impeccable qui contraste aussi fortement avec des personnages secondaires superflus quasi inexistants.