Collaborateur privilégié de Clint Eastwood depuis près de vingt ans, Robert Lorenz se voit proposer par ce dernier une jolie histoire à réaliser pour son premier essai, où on y retrouve l'approche humaine des personnages de son mentor : un recruteur vieillissant de base-ball (Clint Eastwood) est envoyé dans un patelin de la Caroline du Nord pour se rendre compte en personne du talent d'un jeune joueur, tandis qu'un jeune collègue arriviste pense déjà toucher le pactole grâce aux statistiques de son ordinateur. En somme, de l'anti
Money Ball dans sa façon d'opposer les bonnes vieilles valeurs aux nouvelles. Il est alors rejoint par sa fille (Amy Adams) pour veiller sur lui, car souffrant d'une grave maladie des yeux, ce qui peut être gênant... Ainsi, comme souvent derrière les films de sport, il y a plus que la partie sportive qui est en jeu (tout de même intéressante, tournant autour, comme le titre l'indique, de cette "balle courbe"), où se déroulent ici une relation fille-père qui était jusqu'à lors au point mort, et plus encore, un véritable hommage aux valeurs qui animent les cinéma du vieux Clint (résister face aux fatalités de l'existence, parti-pris pour les relations authentiques, etc.).
Certes, le canevas paraît à premier vue un peu trop classique et éculé. S'y trouve une opposition entre les nouveaux qui n'y connaissent rien, ambitieux et crétins, et les anciens qui choisissent à l'instinct et l'expérience de terrain. Mais lorsque cela se recentre autour du trio principal, cela devient nettement plus sympathique. Clint Eastwood y interprète le même genre de personnage que dans
Gran Torino, grognant et insultant à tout va, tantôt rigolo dans sa déchéance, tantôt touchant (son passage au cimetière, sa force de conviction, sa relation avec sa fille). Timberlake, une nouvelle fois, prouve dans le rôle d'un jeune recruteur en légère compétition avec son aîné qu'il est un très bon acteur. Mais la révélation du film, c'est Amy Adams, qui montre décidément qu'elle peut jouer n'importe quoi. Ainsi, comme avocate bosseuse, et surtout fille de son père et fan insatiable de base-ball, elle est particulièrement intense. Elle arrive même à rendre sa petite romance légère et charmante avec le jeune entraîneur, alors que cette sous-intrigue n'était pas forcément une bonne idée sur le papier.
Certes, Robert Lorenz ne maîtrise pas toujours les touches dramatiques qu'il insère dans son récit (le flash-back sur l'origine du différend entre père et fille me paraît vraiment de trop), et le clivage entre la tête de l'entreprise et ses employés me semble aussi trop appuyé, mais la relation père-fille fonctionne du tonnerre (offrant deux beaux rôles aux acteurs concernés), le cadre rural
old-school apporte un véritable souffle, et le récit regorge suffisamment de bonnes intentions et d'humanité pour rendre le tout sympathique. Pas le film du siècle, c'est clair. Un film qui recycle beaucoup, dotée d'une réalisation peu transcendante, mais néanmoins un beau film malgré/à cause de ses petites maladresses, portant tout autant sur la force de l'instinct et des valeurs à l'ancienne, la passion pour un sport et surtout ses joueurs qu'on ne remarque peut-être pas au premier regard, et l'amour impérissable d'un père pour sa fille qui veut simplement le meilleur pour elle sans forcément trouver les mots justes, formant ainsi un joli pont fictif avec
Million Dollar Baby.
Note : 7/10