[oso] Mes critiques en 2014

Modérateur: Dunandan

Servant (The) - 8/10

Messagepar osorojo » Mar 14 Oct 2014, 16:09

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THE SERVANT

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Joseph Losey (1964) | 8/10
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En filmant l’inversion du rapport de force entre un riche bourgeois et son valet, Joseph Losey illustre avec vice et violence le pire de la nature humaine, son quête de désir, sa recherche constante de domination et sa facilité à lâcher prise, à s’abandonner au plus fort quitte à remettre en question sa propre existence. Mais c’est aussi une fable singulière parce qu’elle sous-entend finalement que le rapport de force social n’est possible que si les tempéraments s’accordent : ici le détenteur du pouvoir présumé se fait dévorer par un arnaqueur de bas étage très décidé. Tout semble dit dès le premier plan, où la proie innocente se fait extirper d’une petite sieste par un prédateur ayant compris qu’il avait un joli coup à jouer.

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Dès que les deux hommes investissent le lieu qui verra leur relation muter jusqu’à devenir d’une ambigüité la plus totale, Losey exploite chaque possibilité à sa disposition pour envahir le lieu du crime. Armé de ses objectifs en constante recherche d’un moyen d’opprimer les corps, de les rendre prisonniers de lignes rigides féroces il accouche d’une mise en scène inspirée dont la caméra cerne les acteurs sans relâche. L’effort est constant et paye, les rôles s’inversent avec un naturel qui fait froid dans le dos. Petit à petit, le maître de maison perd tout pouvoir décisionnel, jusqu’à devenir esclave des intentions du couple qu’il a lui-même convié dans sa demeure. Et dont Losey dépeint les noirs desseins à travers des jeux d’ombre et de reflets saisissants. De même qu’il parvient, par la force du contexte dans lequel il place ses images, à opposer radicalement les deux femmes qui jalonnent son film pour laisser transparaître la vulnérabilité du maître de maison.

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La première, vive d’esprit, au fort tempérament, perce à jour les intentions de ce valet qu’elle juge d’emblée inquiétant. Elle est présentée comme l’amour conventionnel auquel doit se plier son futur mari. Chacune de ses apparitions est dénuée de toute chaleur, dans un jardin pris par la neige, dans l’obscurité alors qu’il tombe des cordes à l'extérieur. Même lorsqu’elle partage un moment d’intimité avec son fiancé, c’est séparé de ce dernier, lui par terre, elle sur la banquette.

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Sa rivale, par contre, est l’incarnation même d’un désir passionné. Elle est représentée à l’écran par sa paire de jambe sensuelle, invitant dans le cadre un érotisme muy caliente à l’origine d’une forte tension sexuelle. Cette jeune femme aux mœurs légères incarne la remise en question d’un destin tout tracé en parvenant à semer le doute dans l’esprit d’un homme-enfant qui peine à trouver sa vitesse de croisière en tant qu’adulte.
La relation de ce dernier avec son valet est d’ailleurs développée dans ce sens : ce dernier capture l’esprit de son maître en jouant les mères protectrices avant de s’immiscer dans ses sentiments pour éveiller en lui des troubles nouveaux, entre syndrome de Stockholm et amour fraternel ambigü.

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Cette puissance évocatrice que Losey parvient à insuffler à ses personnages, et qu’il doit aussi en grande partie à un casting impeccable —si l’on excepte le jeu un peu forcé de Sarah Miles—, lui permet de développer sa fable acide presque sans aucune fausse note. Sa seule maladresse étant d’en faire un peu trop en milieu de film : le revirement du patron réembauchant son ex-employé pour un nouveau tour de manège semblant quand même relativement facile.

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Mais là n’est pas vraiment le propos de The servant, et le dernier acte le prouve en même temps qu’il nous fait oublier ce déroulement scénaristique surprenant. Il s’agit pour le cinéaste, avec cet ultime jeu de domination, de détruire complètement sa victime. L’ultime plan ne laisse aucun doute quant à son devenir : enfermé entre deux lattes de bois, le visage dans l’ombre, sa dignité s’est envolée. En lieu et place de cet homme à la fière allure qui ouvrait le film, ne se trouve plus qu’une carcasse vide, dont les yeux se sont départis de toute substance. Alea jacta est, le mal est fait, la torture peut prendre fin.
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Black Christmas (1974) - 7,5/10

Messagepar osorojo » Mer 15 Oct 2014, 10:57

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BLACK CHRISTMAS

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Bob Clark (1974) | 7.5/10
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Avec un film comme Black Christmas, on se rend compte du gap d'inspiration qui sépare notre génération de celle des années 70. A l'heure où le cinéma de genre n'est peuplé que par des bobines bas de gamme, que les fonds de tiroir de certains studios produisent pour meubler les soifs de violence d'adolescents se contentant d'un peu de nibards et d'un fond proche de zéro, il faut se lever de bonne heure pour trouver une once de proposition dans les films horrifiques modernes. Et pourtant, quand le cinoche de genre est pris à bras le corps par un artisan soucieux du résultat, par des idées pas trop connes, et bien le résultat est sans appel : malsain, inventif, généreux et terriblement dérangeant.

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Black Christmas en est la preuve sur bobine; malgré ses imperfections et quelques ficelles scénaristiques aussi grosses qu'un boot d'amarrage, il est habité par une volonté de proposer quelque chose de nouveau, de transcender un matériau, qui n'existait alors que partiellement, par des idées fraîches et un sens de la mise en scène évident. A la surenchère visuelle qui habitera saw 25, Bob Clark oppose une science de l'épouvante qui inspirera les plus grands, Carpenter et son Halloween, quelques années plus tard, notamment. Caméra à l'épaule souvent, pour des plans en vue subjective langoureusement flippants qui rappellent les meilleures gialli —la meilleure scène, un meurtre perpétué avec une licorne en verre, est directement inspirée du genre—, une obscurité envahissante et une demeure inquiétante dont chaque recoin peut cacher un psychopathe au langage fleuri qui fait palpiter la pompe sanguine d’un certain nombre de pépettes au charme avantageux : il n'en faut pas plus pour générer le stress nécessaire pour magnétiser nos yeux à l'écran.

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Mais si Bob Clark remporte autant l’adhésion avec Black Christmas, c’est aussi parce que ses personnages ne manquent pas de densité, parce qu’ils ne sont pas réduits à la simple expression de leurs poitrines ; ils ont des choses à dire, ou tout simplement un élément comique à apporter (délicieuse Miss Mac qui planque ses bouteilles comme le petit poucet balise son chemin). L'héroïne est une femme de tempérament, qui ne réagit pas complètement comme une huitre cherchant la mer et dont le caractère est défini par une storyline intéressante, celle d’évoquer son choix de privilégier sa vie professionnelle à la celle de la maternité. Résultat, la sauce prend, et quand la pauvre âme se fait malmener en fin de bobine, on est à 300% impliqué : cet enfoiré qui monopolise les lignes téléphoniques et trucide à l'occasion, il est temps qu'il se fasse éclater.

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Et là encore, Bob Clark surprend son petit monde, en proposant une fin à 1000 lieues de celle qu'on pouvait attendre. Frustrante, irritante même, elle laisse en suspend un certain nombre de questionnements, et même si elle implique la grosse ficelle du film, celle que j'ai du mal à avaler personnellement (est-ce trop difficile d'aller visiter un grenier ?), elle témoigne d'une liberté de ton absolue qui lui permet de s'inscrire dans les mémoires de façon immédiate. Black Christmas est l'un des précurseurs du Slasher tel qu'on le connait aujourd'hui, l'un des premiers à avoir imaginé une recette efficace qui a depuis été détournée, malmenée, mais rarement digérée. L’une des pierres fondatrices d’un genre qui file la banane lorsqu’il est maîtrisé -ni trop con, ni trop intelligent- qui parvient à passer les années haut la main malgré son imagerie, et sa mise en scène so 70’s (du bonheur quoi !).
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Chuncho (El) - 8/10

Messagepar osorojo » Mer 15 Oct 2014, 15:25

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EL CHUNCHO

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Damiano Damiani (1968) | 8/10
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Sorti la même année que deux références majeures du genre dans lequel il s’inscrit (Le bon, la brute et le truand de Leone et Django de Corbucci), El Chuncho s’en démarque par son orientation plus politique, qui en fait un chef de file à part entière du Western Zapata. Profondément marqué par un sous-texte virulent envers les intérêts financiers qui animent quelques opportunistes étrangers en terres mexicaines, Damiano Damiani parvient néanmoins à éviter portrait trop orienté et met, dans le même temps, un petit coup derrière la nuque de révolutionnaires mexicains dont l’intégrité sait également se faire très variable.

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A l’occasion de la rencontre entre Chuncho, un meneur au sang chaud, bon vivant et grande gueule, dont le cœur est tiraillé entre profit et pulsions révolutionnaires, et un hitman américain, froid comme le givre, uniquement motivé par le pouvoir de l’argent, Damiano Damiani mène une petite critique des paradoxes qui font et défont les idéaux. Paradoxes souvent construit par une soif de pouvoir qui ne s’épanche généralement que par la voie de l’or. Sans avoir l’air de dérouler son acide propos, le cinéaste enchaîne alors les situations fortes en construisant dans le même temps la jolie relation, ambigüe mais sincère, qui se joue entre les deux hommes. L’intention est intelligente, le résultat, à la hauteur, se savoure avec gourmandise lors d’un final aussi définitif que magistral. La marque d’un film réussi dans son ensemble, parce qu’il est écrit avec finesse mais qu’il sait aussi ne pas se reposer uniquement sur ses denses thématiques.

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Car Western Spaghetti oblige, l’humour se doit d’être de la partie, ce qui est le cas, à n’en pas douter. Il fallait bien, pour tempérer la fougue politique de Damiani, la ganache à la bonne humeur si communicative de Gian Maria Volonté. L’acteur bouffe l’écran comme jamais, il est de tous les plans, de toutes les punchlines saisissantes, de toutes les mimiques croustillantes. Sans jamais se ménager, qu’il faille se trainer dans la poussière, jouer les séducteurs blasés, porter à bras le corps cette révolution qui l’enrichit, il n’y a pas un moment où il n’est pas complètement investi, surfant sur la même longueur d'onde que Damiani qui le dirige de belle façon (Les deux hommes signeront ensemble quelques années plus tard l’excellent Confession d’un commissaire de police au procureur de la république que je conseille vivement).

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Le reste du casting n’est pas en reste et parvient, le temps que le trublion Volonté reprenne son souffle, à sortir de son ombre pour faire vivre leurs personnages. Lou Castel est le parfait tueur au sang froid : le regard dur, la caboche qui fonctionne à cent à l’heure, le doigt sur lorsqu’il faut presser la gâchette, aucun doute, il est le gringo, intéressé par le pognon, qui ne fait cas d’aucune idéologie, et se permet de faire remarquer à ceux qui en ont une, les paradoxes de leurs affirmations : on sourit quand il fait remarquer à El Chuncho qu’il fournit les révolutionnaires en arme dans le seul but de s’enrichir. Ce dernier acquiesce d’ailleurs, l’air songeur. On notera aussi la présence incongrue de Klaus Kinski en illuminé religieux qui est peut être la seule âme intègre du film, avec ce chef révolutionnaire aux principes inflexibles, qui n’existe que dans les dialogues, à l’exception d’une très belle confrontation avec Volonté, forte de sens.

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El Chuncho est un incontournable du western spaghetti, à n’en pas douter. Outre la puissance expressive de ses différents personnages, la maîtrise formelle de sa mise en scène et son ambiance musicale entêtante, il brille par les thématiques politiques qu’il développe. Un film intelligent qui sait néanmoins rester divertissant en diable, Damiani laissant ses acteurs exprimer tout leur potentiel comique. Une belle réussite, une aventure ambitieuse menée de main de maître par un réalisateur doué qui n’a pas la langue dans sa poche.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Kakemono » Mer 15 Oct 2014, 21:30

Je garde un souvenir pénible de The Servant, mais je compte bien lui redonner une chance. Ta critique me pousse à le revoir du coup...
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar angel.heart » Mer 15 Oct 2014, 21:44

D'accord avec la plupart des dernières critiques de ce topic (mais je n'ai pas vu The servant).

Putain, Oso, que ce soit pour tes choix de séances ou pour tes avis, tu défonces tout!!!

Bravo pour les efforts fournis. :super:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Mer 15 Oct 2014, 22:30

@Kake : effectivement, redonne lui une chance, parce qu'il est vraiment bien gaulé ce The servant ^^

@angel : merci man, c'est gentil, ça fait toujours plaisir ce genre de petit mot :oops: Ca m'encourage à poursuivre, et à surmonter mes moments de flemme :eheh: D'autant plus qu'en ce moment, j'essaye de renouer avec les bisseries en tout genre, donc j'ai une petite pensée pour toi à chaque fois ^^
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar pabelbaba » Jeu 16 Oct 2014, 07:19

C'est là qu'on se dit que Volonté est un sacré acteur, parce que même sorti du giron de Léone, ses spagh ont de la gueule. 8)
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Dame rouge tua sept fois (La) - 7/10

Messagepar osorojo » Jeu 16 Oct 2014, 10:51

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LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS

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Emilio Miraglia (1972) | 7/10
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Avec la dame rouge tua 7 fois, Emilio Miraglia joue la carte du giallo intelligent, celui qui semble à portée de déduction mais qui fait sans cesse changer au spectateur son fusil d’épaule. Chaque personnage est potentiellement le tueur, d’autant plus que le cinéaste s’amuse à insérer dans son récit une composante fantastique pour brouiller encore plus les pistes. Alors certes, on est dans du bis assumé pleinement, il y a donc plein de jolies ficelles narratives qu’il faut pouvoir encaisser, sous peine de trouver l’ensemble bien laborieux : chaque meurtre est mis en œuvre très facilement, sans répercussion, les flics ne sont pas très réactifs et les réelles intentions du tueur sont un peu irréelles, de quoi dérouter, voir provoquer le rejet, chez celui qui aimerait une histoire boutiquée avec logique de bout en bout.

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Mais pour tous les indulgents, pour ceux qui aiment les petits gialli à l’ancienne, alors la proposition sympathique de Miraglia fera l’effet d’un divertissement bon enfant, qui met sur la table tous les ingrédients attendus par qui apprécie le genre. Une musique d’ambiance réussie, une photographique réussie, un casting de charmantes jeunes femmes mises en valeur avec raffinement et des idées qui font mouche lorsqu’il est question d’ôter la vie : j’ai particulièrement apprécié la petite voltige sur la clôture de l’asile, en mode empalement bien nerveux.

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En bref, La dame rouge tua 7 fois est un giallo réussi, qui ne trahit jamais l’esprit du genre auquel il appartient, respectant ses codes, s’en amusant, tout en essayant de soigner son script, en le dilatant au maximum, pour balader un spectateur qui ne peut recomposer complètement le puzzle que lorsque tous les personnages règlent enfin leur compte, lors d’un final foutraque très stimulant. Un agréable moment.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar puta madre » Jeu 16 Oct 2014, 11:30

Ah bah tirns, je l'ai sur mon radar, celui-là. J'ai survolé ta critique, j'y reviendrai lorsque je l'aurai vu, mais encore un joli choix de photos pour illustrer ton texte!
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Mommy - 8/10

Messagepar osorojo » Jeu 16 Oct 2014, 19:22

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MOMMY

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Xavier Dolan (2014) | 8/10
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J’y allais pourtant à reculons, l’esprit conditionné pour une ouverture à plein tube des vannes du cynisme négatif en fin de séance, persuadé que j’allais assister à une séance aussi maniérée que purent l’être Laurence Anyways ou J’ai tué ma mère. Il n’en fut rien, en lieu et place du film histéro-rebello-critique que je m’étais imaginé, je me suis retrouvé devant un uppercut d’une justesse troublante. Trouver avec autant de facilité le chemin de ma pompe à sentiments, sans jamais user du misérabilisme lacrymal que je craignais, mais au contraire en réussissant à trouver harmonie telle entre sujet, acteurs et mise en scène, que toutes ces composantes finissent par fusionner à de nombreuses reprises, jusqu’à devenir des moments de grâce à part entière, c’est un tour de force qui vous cloue au siège un bon moment après la projection.

Il y a toujours pourtant dans Mommy ces petites touches un peu cavalières, qui témoignent d’un esprit jeune fougueux, désireux d’apporter dans le paysage audiovisuel sa singularité, sa pâte d’artiste. Ce cadre oppressant, dont le format choque dès le premier plan, paraît discutable dans sa mise en œuvre formelle, et pourtant il parvient à générer une belle émotion, il finit même par devenir un vecteur de sens à part entière —ce petit frisson dans la nuque lorsque Steve comble enfin les bandes noires d’un geste assuré—. On ôte alors vite de nos pensées la négativité qu’il a inspiré à quelques reprises; lorsque les corps peinent à y trouver place, en début de film notamment ou quand ce jeu de cadre mobile tend à prendre un peu trop de place dans la narration.

Cette utilisation du cadre comme élément narratif est aussi la preuve irréfutable que Dolan est fait du bois des réalisateurs qui foncent bille en tête vers une terre à défricher, sans peur des conséquences. Avec Mommy, il passe véritablement un cap : il devient un cinéaste du sentiment avant d’être celui de la revendication terre à terre. Il pose ses valises, endosse complètement son statut d’auteur et écarte enfin les projecteurs de sa trombine. Réalisateur, scénariste, mais pas acteur ce coup-ci et c’est tant mieux. D’autant plus qu’il est un directeur d’acteurs flamboyant : les trois comédiens qui jalonnent chaque parcelle de Mommy sont d’une rare justesse, leurs corps emplissent l’espace avec une fluidité si insolente qu’elle donne à leurs expression une dimension poétique immédiate. Les sentiments naissent sans jamais tarir sur leurs visages traversés de part en part par un flot d’émotion contagieux, à tel point que nous, spectateurs, passons, en un battement de cil, du rire volontaire à l’émotion sincère.

Mommy est le très beau film d’un jeune réalisateur trouvant enfin la nuance qui lui manquait et dont la fougue et l’énergie n’ont d’égal que la sensibilité. Une tranche de vie touchante, marquée par des acteurs fantastiques et un sens de la proposition qui étonne dans un premier temps puis inspire le respect ensuite. Dolan n’a pas fini de surprendre, j’en suis convaincu : pouvoir à ce point retourner les esprits, au point de convaincre des têtus comme moi, qui l’avaient catalogué comme le petit gars arty à la jactance facile, en chef d’orchestre du sentiment doté d’un réel sens de la mise en scène, n’est pas à la portée du premier venu.

Et puis, réussir à véhiculer une émotion si pure sur une chanson de Céline Dion, c’est s’assurer une place de choix parmi les magiciens de l’image. La métamorphose est flagrante entre ses premiers films et son dernier, espérons qu’il continuera à voguer sur les eaux de la nuance et de la subtilité pour sa prochaine séance. Je serai, en tout cas, de la partie (et je ne pensais pas le dire un jour à son propos).
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Criminale » Jeu 16 Oct 2014, 21:30

Je ne peux que plussoyer cette critique. :love:

C'est vrai que c'est incroyable comment ce passage sur Celine Dion est magique. Je déteste cette chanteuse et toute ses chansons mais là c'est ireel cette semaine, en dehors du temps.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Moviewar » Jeu 16 Oct 2014, 22:16

Tu as bien entendu mon approved Xavier / Moviewar :mrgreen:

Hier en le revoyant, j'avais l'impression de le découvrir à nouveau, même en sachant tout ce qui allait se passer j'étais tendu et scotché à mon siège. C'est vraiment un film à digérer, et la seconde vision est magique. Ça secoue toujours autant et son talent impressionne. Film of the year. 8)
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar nicofromtheblock » Jeu 16 Oct 2014, 23:00

C'est bizarre, j'ai vu Bande de filles et Mommy à 2 jours d'intervalle et la chanson sur Rihanna dans Bande de filles m'a procuré beaucoup plus d'émotion que celle sur Céline Dion dans Mommy ... :|

Et puis, mon film préféré de Dolan, c'est Laurence anyways : je trouve qu'il régresse depuis.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Jeu 16 Oct 2014, 23:05

Comme quoi c'est affaire de perception parce que Laurence Anyways j'en ai un souvenir laborieux ^^ Et puis pour la régression, c'est sévère. Mommy, formellement parlant, c'est ce que j'ai vu de meilleur de sa part, c'est même sans comparaison possible avec ses premiers films, je trouve.

Pas vu band de filles, j'ai découvert la bande annonce au cinoche cet aprem, il a l'air sympa, d'autant que j'avais apprécié La naissance des pieuvres (pas vu TOmboy par contre).
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Moviewar » Ven 17 Oct 2014, 07:52

nicofromtheblock a écrit:C'est bizarre, j'ai vu Bande de filles et Mommy à 2 jours d'intervalle et la chanson sur Rihanna dans Bande de filles m'a procuré beaucoup plus d'émotion que celle sur Céline Dion dans Mommy ... :|

Et puis, mon film préféré de Dolan, c'est Laurence anyways : je trouve qu'il régresse depuis.


C'est sur que la scène sur Rihanna est puissante, mais c'est bien la seule du film :|
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