Ce qui frappe d'emblée dans la copie livrée par Pasolini sur la vie de Jésus, un récit qu'il n'est nul besoin de rappeler ni de détailler tant il est entré au moins dans la culture populaire et l'imaginaire collectif, c'est cette volonté de sobriété et de simplicité. Ainsi, le choix du N & B et de la quasi absence du fantastique (Satan et les anges sont représentés ici par des humains, et les autres effets sont réalisés en hors-champ ou sans trop insister dessus), vont à l'encontre des schémas hollywoodiens qui auraient plutôt usé de grands ressorts dramatiques à renforts d'effets spéciaux et de merveilleux pour faire rêver le spectateur. Pas ici, car dès le début, cette retenue dans la mise en scène permet de se concentrer sur des détails qui font honneur à l'Evangile, comme ce silence pesant levé par la parole de l'Ange faisant l'Annonciation, puis plus tard par celle de Jésus livrant son enseignement, ou encore ces gros plans sur les visages insistant sur leur expressivité (c'est d'ailleurs le véritable miracle et le mérite de cette adaptation, de passer ainsi d'une certaine gravité à de petits sourires enchanteurs qui témoignent d'une rencontre aboutie).
Seulement, malgré cet effort visible d'humaniser Jésus, notamment en lui faisant couler des larmes après avoir tranché entre sa famille et son père spirituel, l'ensemble m'a paru un peu trop solennel, fidèle au point qu'on se farcit de longues tirades littéralement reprises du Nouveau Testament avec bien souvent une interaction minimale avec son auditoire. Je reconnais que l'acteur qui fait Jésus est vraiment charismatique, a une bonne percussion vocale, et dégage une certaine prestance sans en faire trop, mais ce choix de mise en scène de la parole (comme si elle tombait du ciel) m'a un peu sorti du film, ce qui est dommage car d'un autre côté, j'ai trouvé la progression du récit assez limpide (les évènements s'enchaînent bien, avec des ajouts par rapport au texte mettant en situation des passages qui n'étaient alors que suggérés, et l'essentiel me semble restitué). En outre, on aurait pu faire plus d'efforts avec les costumes, en premier lieu ceux des soldats qui semblent tout droit sortis de
La vie de Brian. Heureusement, la richesse et la beauté du répertoire musical (si Mozart est un choix évident, c'est moins le cas pour le blues), ainsi que le charme des décors naturels, compensent cette esthétique post-datée.
Bref, un ensemble parfois touchant et fascinant, mais aussi trop respectueux de la lettre du texte, au point qu'on finit par perdre de vue cette humanité pourtant mise en avant au début (je n'ai rien contre une évolution du personnage, mais pour le coup, celle-ci ne m'a pas paru très claire). D'où mon appréciation pour le moins mitigée, lui préférant pour ma part la version romancée de Scorsese qui au moins proposait une adaptation culottée. Pour les autres, voilà une synthèse plutôt complète de l'Evangile en question, pour ceux qu'une réalisation à la limite du documentaire ne rebuterait pas (on sent l'influence de la Nouvelle Vague française avec des acteurs non-professionnels et une absence presque totale d'artifices), portée par un interprète convaincant, sûrement l'un des plus "beaux" Jésus vus au cinéma.
Note : 6/10