Quand Aldrich joue dans la cour du film sportif, il le fait pour dérouler un road movie, en pleine Amérique de la lose, qui sent bon les arrangements entre truands à la petite semaine et les règlements de compte vicieux en mode décrassage de rotule à la batte de baseball. L’occasion pour le cinéaste de lier les thèmes qui lui sont chers : entre revue peu flatteuse d'un American way of life très select, illustration d’une amitié sans concession et success story de la chance, deux filles au tapis brasse un bel éventail de tout ce que le cinéma poisseux du début des années 80 avait de meilleur.
A commencer par un lead à la tronche burinée qui fait parler le naturel. Peter Falk est présent dans presque chaque scène du film et lui confère une authenticité immédiate. Son personnage de manager à la dèche, épris de ses deux poupées, mais trop rugueux pour leur avouer, sait se rendre sympathique dès ses premiers dialogues. Et lorsqu’il passe enfin la seconde dans le dernier acte, pour jouer le jeu de l’entourloupe à grandes enjambées, c’est pour nous filer un joli sourire de circonstance. Sous son aile, deux actrices qui, non contentes d’être très choupettes, mouillent le maillot sans rechigner à la tache lorsqu’il faut malmener du combattant sur le ring de la dernière chance. Vicki Frederick et Laurene Landon, nos deux lionnes californiennes, ont d’ailleurs eu fort à faire en matière de préparation physique, pour pouvoir se passer de doublures au moment de filer les coups de latte. D’autant plus que pour leur combat contre les excitées du soleil levant, elles jouent le jeu contre de réelles catcheuses.
L’investissement total des trois comédiens permet au film d’Aldrich de tourner à plein tube pendant pas loin de 2h, ce dernier n’hésitant pas à écraser la pédale de la mise en scène jusqu’à sa butée dès qu’il le peut. Les combats sont de jolis moments de réalisation : les corps s’y meurtrissent avec grâce, y compris lorsque les violents coups qu’ils subissent font grincer des dents. Pas évident de filmer pareils combats, de réussir à en ressortir la triche et les coups bas, mais Aldrich y parvient sans peine. A tel point, que même si, comme moi, vous n’y connaissez pas grand-chose en catch, la façon dont sont orientés les combats vous laissera croire le contraire, et prendre partie, sans réserve aucune, pour les deux poupées qui s’acharnent à faire compter l’homme en noir jusqu’à trois.
Bien entendu, ce monde de violence qui s'exprime sur le ring n’est qu’un prétexte à Aldrich pour construire une relation à trois touchante. Entre deux projections latérales sans sécurité, le cinéaste pose sa caméra pour construire des moments d’intimité mêlés d’émotions entre ses trois protagonistes. Addiction aux remèdes chimiques, amour vache, doutes en tout genre, sont le quotidien de nos trois larrons perdus sur les routes d’une Amérique difficile à vivre lorsque l’argent se cache désespérément au fond du larfeuille.
Résultat, lorsque Aldrich termine son film dans une espèce d’apothéose de joie, au lieu de jouer la carte du cynisme en crachant sur ce choix de happy end un peu cavalier, on se laisse envahir par un sentiment d’apaisement qui file la banane, en se disant que ponctuer pareil histoire d’une note de hasard forcé n’est finalement pas si déconnant.
Et puis, même si c’est sans le vouloir — Aldrich rejoindra les étoiles après ce film sans pouvoir lui donner la suite qu’il comptait réaliser —, finir une carrière sur un sourire est une belle note d’optimisme de la part d’un réalisateur qui a toujours su jouer avec parcimonie la carte de l’humanisme dans ses films, malgré leur ton souvent très corrosif.