[Velvet] Mes critiques en 2014

Modérateur: Dunandan

Babysitting - 3/10

Messagepar Velvet » Ven 19 Sep 2014, 09:27

Babysitting de Philippe Lacheau (2014) - 3/10


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Babysitting, c’est la bande à Fifi qui s’essaye au cinéma. Pourquoi pas. La comédie de l’année pour certains. Mais ça ne casse pas la baraque. Ou alors juste une véranda. Dès les premiers plans dans cet immeuble d’une boite d’édition de bandes dessinées, la touche Canal+ se fait sentir rapidement, bon chic bon genre, ça sent le réchauffé, avec cette volonté de jouer les mauvais garçons tout en voulant rester droit dans ses bottes pour ne pas choquer la ménagère. Un humour de situation un peu bancal. Babysitting est plus un projet télévisuel que cinématographique. Coupé en deux parties visuelles, en mode found footage déjà vu et revu, puis avec des coupures de réalisations « normales » atterrantes de banalités avec les catastrophiques Gérard Jugnot et la non moins pathétique Clotilde Courau dans leur délire de surjouer des bobos un poil coincés du cul en train d’observer avec un œil interloqué la vidéo du massacre de leur maison, Babysitting ne permet pas immersion forte par le biais de ses deux dispositifs s’entrechoquant avec parcimonie. Qu’on le veuille ou non, ce film est bel et bien la version française de Projet X, et bien évidemment, avec des allures beaucoup plus familiales et bienpensantes en comparaison avec son ainé qui n’avait pas froid aux yeux pour voir la fête en grand, se construire dans le chaos, quitte à se prendre une méchante gueule de bois le lendemain. L’histoire simpliste : Franck, un agent d’accueil, va garder l’enfant de son patron dans la grande Villa de ce dernier. Mais c’est l’anniversaire de Franck et ses potes vont venir foutre la pagaille pour organiser une fête inoubliable. Projet X était sans doute trop granguignolesque, trop typé « Jackass », Babysitting trop gentillet, avec un discours tout aussi creux avec cette proportion à intégrer des valeurs familiales et sociales. D’ailleurs, on ne voit pas quasiment rien de la fête et de la « destruction » de l’intérieur de la maison pour voir le film dériver vers une fête foraine à la recherche du petit morveux. C’est peut être ça la seule bonne idée du long métrage. Car il est bien là le problème de cette comédie française parfois un peu foutraque et bien fendarde comme durant ses courses poursuites en voiture ou en kart, l’œuvre de la bande à Fifi n’arrive jamais à se dépêtrer de ses intentions moralisatrices pour aller au bout de son idée. Faire la fête, un peu, beaucoup, mais pas trop tout de même. Ou alors tu devras en payer les conséquences. Aucun vent de fraicheur, aucune furieuse envie d’en découdre, on ne ressent pas ce sentiment de perdition proche du burn out fêtard. Quelques moments marrants, quelques gimmicks qui font mouche mais trop de moments bouches trous, et Babysitting a malheureusement un gros problème d’identité, ne sachant jamais sur quel pied danser entre humour potache (comme ses fessées un peu spéciales) qui ne dépasse jamais la ligne jaune et envie de se montrer plus subversif qui ne l’est.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Ven 19 Sep 2014, 09:51

Moi je suis passé pour un type qui a mauvais goût quand j'ai dit à mes potes en sortant de la salle que j'avais trouvé ça simplement à chier.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Mark Chopper » Ven 19 Sep 2014, 09:52

Bientôt on te dira que tu es aigri.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Jimmy Two Times » Ven 19 Sep 2014, 10:33

J'ai été indulgent, j'ai mis 5 mais je ressortais d'un Dany Boon pour faire plaisir à ma mère. Je maintiens tout de même que c'est la comédie française de l'année (bon, j'en ai vu que 2 :mrgreen: )
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar elpingos » Ven 19 Sep 2014, 10:43

Je devais être de bonne humeur, ça m'a bien fait marrer moi ... (+1 par contre sur Jugnot/Coureau et la bonne morale). Mais bon.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar dagokhiouma » Ven 19 Sep 2014, 11:13

tu es un bisounours c'est tout. une fois avoué, il y a pas péril en la demeure ;-)
Les hommes livrent leur âme, comme les femmes leur corps, par zones successives et bien défendues.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar elpingos » Ven 19 Sep 2014, 12:57

Bof pas tant que ça. Mais les comédies, dès que je me marre, je suis indulgent.
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Forêt de Mogari (La) - 9/10

Messagepar Velvet » Sam 20 Sep 2014, 13:58

La Forêt de Mogari de Naomi Kawase (2007) - 9/10


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Un petit miracle que cette douce Forêt de Mogari. A travers les pérégrinations mélancoliques d’un homme ayant perdu sa femme depuis maintenant 33 ans et d’une femme venant de perdre son fils, Naomi Kawase épouse parfaitement le sujet du recueillement, de ces regards fuyants qui en disent long sur les déambulations existentielles de deux êtres paumés. Naomi Kawase, avec cette invitation à la méditation et à l’émancipation de l’intime, ne fait jamais de son film un objet visuel léthargique, mais déploie toute sa force dans son humilité émotionnelle, notamment dans une deuxième partie de film où Mr Shigeki et Machiko se perdront dans la forêt pour mieux faire cicatriser leur plaie béante de chagrins dans une chute d’eau rocambolesque et déchirante. La forêt de Mogari tisse sa toile en captant des bribes de sourires, des moments quotidiens comme celui de fêter un anniversaire, un rien enivre l’œuvre d’une atmosphère bucolique emmitouflée dans un calme reposant.

La forêt de Mogari est légère comme une brise où dans une petite maison de retraite, éloignée de toute civilisation, la réalisatrice fait vivre cette nature vivante et foisonnante avec de longs plans contemplatifs. Une pureté naturaliste comme étant les réminiscences de Malick ou Apichatpong Weerasethakul. C’est parfois beau à se damner, et le style de Noami Kawase vibre entre la fiction et le documentaire, permettant une immersion instinctive. Avec sa caméra à l’épaule, elle scrute les moindres faits et geste humains où se dégage une humanité humble et juste sur les désarrois qui font de nous des êtres vivants. Cette nature est un personnage, une gardienne protectrice, un lieu presque mystique où se cache la renaissance. Ces arbres alimentés par le vent et les sources d’eaux, sont les vestiges de ce silence qui prend soin des disparus dans le but de laisser s’émanciper la solitude des quelques rescapés. Les rares mots prononcés durant le film résonnent comme le glas et ne feront pas réapparaitre les fantômes du passé qui hantent leur présent.

C’est un film d’une justesse admirable. On pourra toujours dire, que la réalisatrice n’invente rien, et crée alors un film sur le recueillement un peu naïf sortant sa poche quelques symboliques un peu lourdes, mais cette forêt de Mogari est une ode à la renaissance, au pardon de soi, comme la possibilité de s’agenouiller et de sécher ses dernières larmes pour épeler un dernier au revoir, un dernier message pour retrouver le gout de vivre, faire corps dans un monde où mort et vie se prennent la main. Le deuil est une chose dont on ne revient sans doute pas. Se sentir en vie ? Manger mais aussi sentir ce goût de l’intérêt de son existence. Et c’est peut-être cela qui manque à ces deux acolytes. La forêt de Mogari est composé de moments de magie, un état de suspension où des étincelles de plaisir jaillissent, où Kawase voit son œuvre s’ériger d’une grâce instantanée, avec un humour délicat comme la soie, où des ricanements, des courses effrénées pour se cacher deviennent des moments d’une beauté à en pleurer.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Mark Chopper » Sam 20 Sep 2014, 14:10

Je recommande ce film en cas d'insomnie chronique.
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Calvaire - 5/10

Messagepar Velvet » Dim 21 Sep 2014, 17:09

Calvaire de Fabrice de Welz (2005) - 5/10


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Dans une petite bourgade belge venant presque d’une époque lointaine et moyenâgeuse, Fabrice du Welz fabrique avec minutie mais non sans une pointe de bêtise un film de genre horrifique bancal et ultra référentiel sur le « Calvaire » d’un chanteur de galas séquestré par un vieil homme devenu fou depuis la disparition de sa femme. Fantasme de vieilles rombières en manque d’affection vampirisant les maisons de retraite, il deviendra la poupée d’hommes arriérés et névrosés par l’absence de femmes. Ce cadre social défavorisé émotionnellement est instauré dès le départ, avec cette vieille femme à la gueule ravagée par la souffrance qui vient lui faire des avances dans sa loge. Se voyant rejeter, elle s’insulte, se traite de putain. Ce misérabilisme affectif est glauque, la violence est sourde, ces premières minutes donnent le pouls d’un film exacerbant les travers de la solitude dans un monde rural défenestré. Double facette, double regard, sur un personnage, un acteur, Laurent Lucas véritable caméléon à l’ambiguïté manifeste.

Le film de Fabrice de Welz est dans un premier temps la possibilité pour Benoit Debie, directeur de photographie de Gaspar Noe notamment, de se distinguer par une esthétique sublime, captant la mysticité de son environnement tant dans la brume extérieure que dans la luminosité des intérieurs. Il crée une ambiance pesante, lourde, permet à Calvaire de pouvoir s'accaparer une autre dimension horrifique. Calvaire parle d’amour, l’amour vache, tordu, cette solitude qui détruit mais est malheureusement un film qui n’arrivera jamais à sortir de sa léthargie, sa beauté plastique ne suffisant pas à faire éclore un déluge de violence absente, et ne sachant pas provoquer le frisson attendu. Calvaire est victime de sa linéarité, trop sur de sa force, une rage viscérale qui n’explosera pas durant un survival sous prozac. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, à commencer par l’affiche somptueuse du film qui annonçait une apocalypse sanglante emportant tout sur son passage. Après une première partie prometteuse s’appuyant sur une ambiance burlesque mais tendue, Calvaire tombera discrètement dans l’anonymat le plus total malgré les quelques cavalcades forestières sanglantes.

Cette forêt sortie de nulle part donne parfois naissance à un monde fantastique s’insérant dans un réalisme un peu trop gras qui rappelle Groland. Avec ses personnages dégénérés de rednecks pourris par la crasse mais très peu attachants, ses gueules cassés de vieux loups de mers pervertis par leurs pulsions (Jackie Berroyer et Philippe Nahon), ses moments sordides artificiels et balisés comme symbole de vulgaires passages obligés remplissant un cahier des charges (zoophilie), ses séquences calquées sur ses références, son absence de propos et de charisme, le premier film de Fabrice du Welz a du mal à marquer réellement les esprits malgré cette volonté acharnée d’engouffrer son film dans une atmosphère malsaine et latente.
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Saint Laurent - 7/10

Messagepar Velvet » Jeu 25 Sep 2014, 17:03

Saint Laurent de Bertrand Bonello (2014) - 7/10


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Yves Saint Laurent n’est pas mort, il nous sourit encore avec son regard libre, cigarette à la main, assis dans son atelier en train de confectionner des œuvres d’art. L’homme qui habillait les femmes comme personne est l’icône cinématographique française de cette année 2014. Après une première tentative plus que médiocre orchestrée par le réalisateur Jalil Lespert, c’est le metteur en scène du sublime L’Apollonide qui s’essaye au biopic relatant la vie du célèbre couturier. Sans que cela soit étonnant, Bertrand Bonello y amène sa grâce, son talent stylistique indéniable faisant de son œuvre un écrin visuel somptueux, domptant avec fougue et majesté son sujet, malgré quelques fausses notes notamment sur sa vision clichetoneuse de l’homosexualité. Ce n’est pas la vie de Saint Laurent qui intéresse Bonello, mais c’est les tribulations addictives d’un homme, le portrait d’un artiste. Saint Laurent imbibe son atmosphère sixties et seventies d’une élégance visuelle de tous les instants, se promène parmi les années pour tracer le destin d’un homme complexe, avec comme fil rouge la vampirisation d’un créateur, le consumérisme d’un nom, le spleen d’un être.

Bertrand Bonello dénote par sa liberté de composer, avec un cynisme chaloupé cachant un hommage certain. Le long métrage ne ressemble pas à un funeste biopic qui s’évertue à meubler le récit de la vie d’un homme ou d’une femme avec les passages obligés que sont ceux d’un biopic linéaire avec un début, un milieu et une fin. Certes, Saint Laurent est organisé, avec deux acteurs pour interpréter le couturier (l’excellent et céleste Gaspard Ulliel ; et le mortifère et non moins magnifique Helmut Berger), le montage est précis. C’est une mosaïque de couleur, de sentiments, qui marchent par fulgurances, au gré des rencontres qui vont le chambouler, comme cette première danse avec Betty Catroux ou ses sorties nocturnes désinhibantes et sexuées avec Jacques de Bascher. Saint Laurent est un patchwork narratif dense, non sans défauts notamment à cause d’une longueur surchargée, fait de vignettes courtes mais crépusculaires, de couleurs pétillantes, de fantasmes fantomatiques, de contingences psychologiques obscures et de sentiments troubles. Ici encore, nous ne sommes pas dans le biopic lénifiant et ronronnant habituel, le cinéaste y implante ses mystères et ses zones d’ombres, faisant de sa narration une peinture non linéaire, une galaxie de personnages qui viennent s’accoquiner avec l’étoile qu’était Yves Saint Laurent.

Ce dernier n’a jamais été dans le monde des vivants comme lui dit sa mère. Le Yves Saint Laurent de Bonello pourrait être le troisième larron du trio qu’il pourrait former avec Adam et Eve du petit dernier de Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive. Un fantôme qui navigue entre création étouffante et défonce libératrice, montré tel un vampire dont les sédimentations symboliques font office de tour de force de la part de Bertrand Bonello. Il le rappellera à plusieurs reprises : il semble frêle, livide, mis à nu, il est un monstre et il doit vivre avec, assumer qu’il n’a plus de concurrence, devenant un astre iconique sans personne pour le comprendre ou presque. Saint Laurent, c’est aussi et surtout un film sur la solitude. Solitude d’un couturier tombant dans l’alcool et la drogue par la force des choses, son talent qui devient une marque, un nom qui devient la propriété de de grands groupes, de financiers. Intransigeant dans le travail, aventureux dans sa vie, Yves Saint Laurent est un oiseau sans cages.

L’exigence de Bonello pour sa mise en scène devient le talon d’Achille d’un film, trop obnubilé par ses effets de style. Malgré ses allures de polaroids, Saint Laurent parait froid, un corps magnifiquement sculpté dont le cœur ne bat pas nuisant à la puissance de l’introspection de son protagoniste, tellement omniprésent, tellement encombrant, où Bertrand Bonello en oublie de renforcer les traits de ses quelques personnages secondaires parfois inconsistants et vains à l’image de celui de Loulou la Falaise (inodore Léa Seydoux). Mais est ce peut être ça le consentement d’un film sur l’absence de réelles relations d’un homme seul à jamais. Le montage assez fulgurant de maitrise, ne permet malheureusement pas au film d’instaurer un rythme vigoureux, où cette accumulation d’instantanées équivoques sur une époque, une industrie en construction ou plus évasives sur une tentative de s’absoudre de la condition d’un homme évanouit de quelques trous d’airs vides où s’installe un manque de frénésie vampirisant.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Jeu 25 Sep 2014, 17:20

Marrant que tu évoques le dernier Jarmusch car j'y ai moi même pensé pendant la séance pour le côté "film d'ambiance". Et ça m'a fait plaisir de revoir Dominique Sanda.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Jeu 25 Sep 2014, 17:25

Oui, les deux films se répondent je trouve sur le côté spleen un peu "bohême". J'ai préféré le Jarmusch par contre.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Jeu 25 Sep 2014, 17:32

Je n'avais pas trop accroché au Jarmusch mais j'ai bien envie de retenter depuis qu'une amie qui a très bon goût m'en a dit du bien.
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Drive (2011) - 9/10

Messagepar Velvet » Sam 27 Sep 2014, 13:01

Drive de Nicolas Winding Refn (2011) - 9/10


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Avec un ce polar urbain moderne, Nicolas Winding Refn goutte enfin au succès qu’il attendait tant. Drive est une œuvre moulée dans le béton tant Nicolas Winding Refn parait méticuleux avec sa mise en scène écrasante et matérialisant à elle seule la puissance de son Driver. L’esthétisme étouffant de Drive et Ryan Gosling ne font qu’un : la lenteur, le mutisme, catapultés vers des irruptions de violence intraitables. La griffe du réalisateur de la trilogie Pusher est bien là. Drive est une leçon de mise en scène, un bloc de glace peu loquace, où tout semble calculé au moindre centimètre, où rien ne dépasse, tous les cadres sont orchestrés avec précision, chaque plan est composé avec maestria. Les premières minutes du film, une évasion nocturne suite à un casse sur les bitumes, sont impressionnante de minutie, dont le montage ciselé incorpore une tension implacable. Mais cette maitrise si évidente et efficace a le défaut de rendre le film un peu froid et distant vis-à-vis de ses personnages malgré l’attachement du réalisateur pour ses protagonistes.

Drive repose sur un script minimaliste qui voit un simple cascadeur, et chauffeur de mafieux la nuit, faire la connaissance d’une jeune femme dont le mari connait des problèmes d’argent et de dettes. Suite à un braquage qui tourne mal, et tel un chevalier galopant à toute vitesse sur son cheval, il prendra son volant pour voler au secours de sa bienaimée. Drive parait un peu naïf et mielleux dans son intrigue, mais Nicolas Winding Refn emmène son récit dans son univers à lui, fait parler les images à travers cet amour impossible, presque schizophrénique où des plages musicales pop électro contemplatives bariolées de couleurs vives vont s’emboiter parfaitement avec ce décorum masculin (voiture, garages, cascades, boite de striptease) où la rage et la violence font la loi. Drive, c’est aussi un son, une BO qui détruit tout sur son passage, un Cliff Martinez enchanteur. C’est aussi ça la force de Drive, un mélange des genres qui voit Nicolas Winding Refn aboutir à la pureté de son cinéma si particulier et violent.

Il y a un peu d’History of Violence dans Drive mais en version cocktail pop sucré rouge sanglant. Un homme mutique dont ne connait pas le nom et qui va devoir renouer avec la haine qu’il dissimule et qui n’a qu’un seul but : protéger sa famille (ou celle qu’il vient de se créer), une sorte de male alpha aux pays des mafieux, une dramaturgie proche de la tragédie où l’homme solitaire sera obligé de montrer son vrai visage et faire jaillir le monstre qui est en lui pour s’assurer de la sécurité des siens. Cette monstrueusement incroyable scène de l’ascenseur est le symbole de toutes les thématiques qui entourent le film. D’ailleurs, pour continuer la corrélation avec Cronenberg, mais en filigrane cette fois ci, la machine (voiture) et l’humain ne font qu’un, comme si la voiture était une partie du corps du Driver, un lieu clos qui lui permet de s’appesantir, mais cette suite de façon complétement asexué. Ryan Gosling est parfait dans son rôle en tant qu’ange sauveur qui derrière son regard de minot et porté vers le vide, cache en lui un monstre. Il n’a certes pas le charisme d’un Delon ou d’un McQueen, mais son physique « métrosexuel » colle idéalement à l’ambiance colorée de Drive, formant avec la douce Carey Mulligan un couple muet mais attachant au premier coup d’œil.

Drive a sa propre identité, son propre destin mais le réalisateur danois a souvent fonctionné par influence, ses films sont souvent porteur de références vite identifiables d’un ou deux réalisateurs : Lynch et Coen pour Inside Job, Lynch et Jodorowsky pour OGF, Nicolas Winding Refn est un réalisateur de son temps, un fan de cinéma qui veut jouer dans la cour des grands. Nicolas Winding Refn se réapproprie le genre du loup solitaire, silencieux. Cette longue virée nocturne à travers les buildings de L.A. rappelle celle de Collateral de Michael Mann et le personnage de Ryan Gosling emboite les pas de ceux de Jeff Costello (Le Samouraï) ou ceux de Sun Woo (A bittersweet Life). Drive est un film de genre à la fois simple et singulier, préférant installer son atmosphère onirique au lieu de faire chauffer le moteur, un véritable film de formaliste et presque fétichiste, où les sentiments se dégagent plus par l’image que par le dialogue. Un pur film hollywoodien détaché de toute chaine, un coup de maître.
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