Troisième long-métrage de Miyazaki,
Le château dans le ciel est certainement, avec
Mon voisin Totoro, le film que je préfère du maître de l'animation japonaise avant que le succès de
Princesse Mononoké lui apporte une renommée internationale. Ce qui fait la force du film, c'est la simplicité de son récit, grâce à un imaginaire florissant tout à son service, qui puise autant dans la mythologie que dans la littérature populaire (spécialement Jules Verne), tout en apportant sa patte si particulière. On y retrouve ainsi pour la première fois son obsession pour les grosses machineries (la mine, les zeppelins, etc.), qui offrent l'occasion d'affrontements musclés entre pirates et militaires, où une jeune princesse aidée d'un garçon se retrouvent au milieu, tous à la recherche de cette cité du ciel pour des raisons différentes (l'aventure, l'or, ou un mystérieux pouvoir secret qui se tapit en ses murs). Des archétypes bien esquissés, où on retrouve parmi les personnages positifs les grandes idées humanistes de Miyazaki d'entre-aide, d'amitié, et de courage, qui orientent leurs actions. A ce titre, la cheftaine des pirates est peut-être le personnage le plus intéressant, le moins manichéen, avec un coeur qui balance entre la cupidité quasi naturelle de son espèce, et son esprit de loyauté, voire une empathie qui se construit à l'égard des deux jeunes (à ce titre, la petite séquence où elle les écoute à leur insu a toute son importance) qui connaissent une poussée de maturité au gré de leurs péripéties.
D'autre part, force est de constater qu'il s'agit de l'un des Miyazaki les plus inspirés dans son graphisme, entre cette ville sculptée dans les montagnes, et surtout cette cité dans le ciel, personnage à part entière, qui s'avère à la fois, à l'image de ses sentinelles-gardiennes (qui inspireront ainsi
Le géant de fer par leur look et leur esprit), tout autant terre accueillante de la nature qui recouvre son armature de sa flore et sa faune, qu'une arme terriblement destructrice (avec des séquences qui renvoient directement au trauma de la bombe H). Une ambiguïté dans le motif qui sera maintes fois reprises, mais sans jamais être aussi éloquente, dans les futurs films de Miyazaki, où la nature et la technologie s'affrontent dans un jeu serré, sans tomber dans l'opposition pure.
Le château dans le ciel, c'est aussi le film où côtoient des reliefs massifs, et des formes plus légères, voire aériennes, où ce château céleste, figure lourde flottant en apesanteur apparaît comme une pure synthèse de cette thématique visuelle. En outre, la très belle musique de Joe Hisaishi offre un beau souffle au récit, tantôt épique, tantôt contemplative, comme pour cette séquence où des pigeons s'envolent au rythme de la trompette du jeune garçon. Bien que le ton global soit sérieux, avec un dénouement semi-tragique qui culmine avec le magnifique effondrement partiel de cet ordre ancien qui parvient malgré tout à préserver ce qui fait sa substance (par delà l'empreinte humaine), il y a ici et là des passages rocambolesques vraiment sympathiques (particulièrement grâce à ces fameux pirates hauts en couleur, de solides gaillards qui ne sont que des enfants au fond) qui offrent une âme et une personnalité enjouées au film.
Bref, une fois de plus Miyazaki construit un bel univers, vivant, avec des personnages forts et mémorables (en tête ce robot-tueur transformé en être de compassion, certainement l'une des créatures les plus touchantes qu'il ait faites), avec en son coeur un joli propos pacifiste qui est loin d'être simpliste, et aura un impact majeur sur la culture populaire de son pays (notamment les jeux-vidéos de Square Enix). Un film divertissant, à la fibre puissante, et malgré tout à la forme légère et aux envolées poétiques.
Note : 9/10