[oso] Mes critiques en 2014

Modérateur: Dunandan

Féline (La) - 8/10

Messagepar osorojo » Mar 09 Sep 2014, 21:25

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LA FÉLINE

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Jacques Tourneur (1943) | 8/10
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Il y a dans la Féline une profonde envie de bousculer le schéma classique du film fantastique hollywoodien. Où jusqu’ici, la peur naissait principalement dans des ambiances irréelles, dans le film de Jacques Tourneur, les mécanismes de la peur sont au contraire faits de suggestion et de non dits. Par un jeu permanent entre ombres et lumières, qui apportent aussi bien cette ambiance propice à la peur qu’un début de réflexion sur la dualité de l’être humain, la tension va progressivement s’installer dans le cadre, au fur et à mesure que la jolie Simone Simon va laisser son animalité avoir raison de sa rationalité. Et lorsqu’elle se laissera aller à ouvrir pleinement les vannes de cette passion qui la consume, alors les puissants crocs de son passager sombre feront basculer la Féline du film fantastique au film de monstre par excellence.

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Outre la belle inspiration qui fit de sa proposition une référence évidente pour bon nombre de réalisateurs par la suite, il serait cavalier de réduire La féline uniquement à son somptueux jeu formel. Ce dernier est effectivement le fruit d’une impressionnante maîtrise de la lumière — les deux attaques de la panthère embusquée dans l’ombre sont de très jolis moments de mise en scène — mais s’il parvient à trouver telle percussion par l’image, c’est parce qu’il est mû par un subtil travail d’écriture visant à instaurer une mythologie fantastique qui fonctionne terriblement. Par une véritable tour de force, Tourneur abat quantité de thématiques pour faire de sa prédatrice au visage angélique le seul personnage de pouvoir de son film. A part le pragmatisme serein du psychiatre qui tente de la comprendre, le monde dans lequel elle évolue n’est habité que de proies potentiellement offertes au féroce appétit qu'elle développe en dissimulant ses pulsions passionnelles.

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Car c’est bel et bien une illustration de la passion que Tourneur tente de véhiculer à travers ce personnage de femme animale. S’entrechoquent dans son film des concepts érigés par la morale qui n’ont d’autre but que d’éteindre les dévorantes pulsions qui caractérisent l’être humain. De celui qui porte le doux nom d'amour, invitant pour l’occasion ses inséparables copains trahison et jalousie, à ce désir charnel alors taboo dans les sociétés civilisées, au point qu’on pourrait condamner celle qui s’y abandonnerait, à se transformer en un animal du diable. La troublante Simone Simon parvient à rendre à merveille le trouble qui habite son personnage. De prime abord, incarnation fragile de l’innocence qu’elle doit à sa beauté, elle parvient dans le même temps à tordre la douceur de ses traits pour imprimer sur son visage un inquiétant désir de violence. Lorsqu’elle joue les sadiques avec ce pauvre petit canari, qu’elle file sa rivale dans une ruelle qui s’épure progressivement de toute lumière ou qu’elle s’improvise inquiétante surveillante de baignade, il n’est plus question de douceur, si l’on considère, bien sur, qu’enfermer un homme dans le mariage après l’avoir ferré dans un parc en le faisant ramasser ses déchets est une quelconque forme de douceur !

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Et pourtant, malgré ces passages limpides quant à l’acceptation de la jeune femme de son pouvoir particulier, Tourneur parvient à lui conférer une ambiguïté suffisante pour que le paradoxe qui la tiraille, plutôt qu’un faux-semblant vicieux un peu facile, motive son évolution. Sa matérialisation animale n’est en effet que le reflet d’une réaction à une phobie qui finit par se concrétiser : cet amour, qu’elle avait jusque là tenté de fuir, et qui lui échappe petit à petit, finit par avoir raison de sa détermination à « guérir ».

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Oeuvre mutante, évoluant sur les territoires de genres très différents, la féline impressionne par la densité de son sous-texte. Réalisé en un temps express, au moyen d’un budget riquiqui, et accusant à l’horloge une heure dix à peine, son efficacité provoqua, lors de sa sortie en salle, un engouement immédiat du public et inscrivit Tourneur sur le calepin des réalisateurs à suivre — et des sauveurs de la RKO, quel homme ! —. Je le découvre pour ma part avec cette belle féline et j’ai déjà envie d’en voir plus, Vaudou me fait par exemple copieusement de l’œil, le petit coquin !
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Dunandan » Mar 09 Sep 2014, 21:39

Si tu as apprécié celui-là, Vaudou va probablement t'envouter :super:

Belle critique ^^. Comme tu dis, c'est dingue ce que Tourneur arrive à faire avec 3x rien. Il n'avait pas vraiment le choix, mais justement il montre comment le budget n'est pas forcément un frein à la créativité, ce qui se pose réellement dans le genre fantastique.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Mar 09 Sep 2014, 21:44

Merci Dun' ^^

Et ouais, gros respect pour Tourneur pour le coup. Je vais me faire une petit cycle je pense ^^ Là, avec ce film, il redéfinit carrément les mécanismes de la peur au cinoche. Plutôt que tout montrer, il joue la carte de la suggestion. Avec sa maîtrise formelle, l'entourage adéquat, il tape le centre de la cible avec grande classe ! :)
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar puta madre » Mer 10 Sep 2014, 07:30

Moi, je préfère le Schrader! :mrgreen:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Mer 10 Sep 2014, 07:40

J'ai prévu de me le faire :mrgreen: Vaut-il mieux attendre ou le souvenir frais de l'original n'est pas gênant ?
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Mark Chopper » Mer 10 Sep 2014, 08:04

Vaut mieux l'éviter en fait :chut:
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Messagepar angel.heart » Mer 10 Sep 2014, 09:59

puta madre a écrit:Moi, je préfère le Schrader! :mrgreen:


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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar puta madre » Mer 10 Sep 2014, 10:01

Mark Chopper a écrit:Vaut mieux l'éviter en fait :chut:

:nono:
@oso: c'est un remake très libre, donc je pense que tu peux enchaîner sans avoir une impression de redite. Après faut pas être allergique à l'ambiance 80's très marquée et aux nappes synthétiques de Giorgio Moroder!
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Messagepar Mark Chopper » Mer 10 Sep 2014, 10:12

Oui les yeux et les oreilles fermés, ça passe très bien :mrgreen:
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Bling ring (The) - 3/10

Messagepar osorojo » Mer 10 Sep 2014, 22:00

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THE BLING RING

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Sofia Coppola (2013) | 3/10
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The Bling Ring fait l'effet d'une étendue cinématographique désertique, d’un océan de vide d’où surnage une photographie très flatteuse. Heureusement pour Sofia Coppola, elle est bien entourée, Harris Savides dompte couleurs et lumières avec l'aisance d'un disciple du soleil et permet d'excuser, de manière éphémère, mais quand même, l’abysse narratif pour lequel œuvre son travail.

Le pitch va te faire rêver lecteur, j'en suis certain. Imagine un groupe de chipies toutes plus agaçantes les unes que les autres, jouissant, pour toute caractérisation, de hublots de machine à laver sur le tarin et de talons hauts comme la tour de Pise en guise de godasses. Ajoute-leur un jeune éphèbe au regard vitreux qui compense son complexe d’infériorité en portant des talons roses et mets tout ce petit monde dans des habitats tout droit sortis d'un architecte magazine ciblant les comptes en banque à 9 zéros.

Le décor est alors posé, place à l’action : des cambriolages ronflants dont les seuls soubresauts prennent la forme de lampes torches lointaines et de menaçants écrans de surveillance, dont le but est de faire planer l'ombre oppressante de sieur Damoclès au dessus des minois de nos prudes chérubins cambrioleurs —4 nones,un prêtre et une pécheresse, elle est belle l'adolescence rebelle—. L’effet est immédiat, une tension à couper au couteau, pareille à celle qui te fait hurler « sors, sors ! » au moment où Passe-Partout s’apprête à retourner la Clepsydre. Inutile de te dire que l’émission du père Fourras, à côté de The Bling Ring, est un modèle de suspens, tant le film de Sofia Coppola est d’une platitude désespérante.

D’un matériau de départ sans aucune consistance, un fait divers d'une banalité affligeante tout juste bon à meubler les colonnes d'un torchon people bas du front, Sofia Coppola se contente de délivrer une illustration presque documentaire. Où l’on aurait pu attendre de sa part une extrapolation du fait divers, pour amorcer ne serait-ce qu’un début de réflexion sur la frustration que peuvent engendrer les médias de masse type Facebook, en abolissant progressivement les frontières de toute vie privée, on se retrouve avec une cinéaste qui fait bien attention à ne jamais prendre position. Son regard se contente d’épouser les situations, , au grand désespoirs de ceux qui espéraient trouver dans son nouveau film la relève aux uppercuts punk qui ont marqué les générations passées.

Sofia Coppola se reconnaît peut être dans la jeunesse qu'elle filme, mais en oubliant de construire ses personnages, en refusant de leur donner du fond — sans doute pour accentuer sa parabole sur le culte de la superficialité— elle ne fait que renforcer un désintérêt sans cesse grandissant pour ces esprits très limités.
Dès lors, toute la deuxième partie de The Bling Ring, censée apporter un contrepoids à l’oisiveté qui caractérise les cambriolages en y coupant court par la sanction, tombe à plat. On suit le déroulement du procès les yeux mi-clos, sans empathie aucune pour les personnages : que ces huîtres indignes de posséder la faculté de penser s’en sortent, ou qu’elles morflent toutes — je coche quand même cette case, quitte à choisir— rien ne peut désormais sauver le film du naufrage.

Avec The Bling Ring, Sofia Coppola fait l’effet d’être à bout de souffle. Son adaptation sans idée d’un fait divers de pacotille témoigne d’un manque d’inspiration évident qu’elle tente de compenser par quelques fulgurances formelles. Il est temps pour la demoiselle de se poser tranquillement dans une salle et de dévorer à nouveau les films de son paternel : peut-être y puisera-t-elle cette vive passion qui lui avait permis de délivrer, dès son premier film, le très touchant Virgin Suicides. Je ne sais plus qui affirmait que le succès tuait l’ambition, on peut craindre le cas d’école concernant la jeune Coppola qui, en l'espace de 3-4 films, a acquis une réputation qu'il est certainement difficile à assumer.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Mer 10 Sep 2014, 22:07

Je crois que je n'ai jamais lu un avis positif sur ce film. Je crois que je m'en passerai définitivement.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar caducia » Mer 10 Sep 2014, 22:14

Détrompe-toi, regarde dans la base. Certains y voient une analyse sociétale poussée. :roll:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Dunandan » Jeu 11 Sep 2014, 00:06

Portrait de la jeunesse d'aujourd'hui, oui, c'est même évident. Analyse poussée, non ... :chut:. Mais bon, je suis d'accord avec certains points de la critique d'Oso, sauf que je ne trouve pas la proposition de Sofia complètement ratée.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar puta madre » Jeu 11 Sep 2014, 07:18

Celui ci est quand même nettement moins chiant que Somewhere :chut:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Mr Jack » Jeu 11 Sep 2014, 08:09

Moins "chiant" mais beaucoup plus con, quand même. :mrgreen: Somewhere c'est chelou mais la proposition est plus extrême, ça veut pas dire qu'elle est creuse. Là c'est très explicite et assez bêta. :mrgreen:
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