Clint Eastwood réalise ici son hommage à John Huston, qui, à travers sa version du personnage, montre quelle influence solide il a constitué dans ses films. J'avoue que j'ai eu un peu de mal avec la partie anglaise, le faux accent de Clint n'aidant pas, ni la réalisation académique assez plan-plan (reste l'introduction du personnage que je trouve réussie), dont l'intérêt principal repose sur les nombreux clins d'oeil à la pré-production catastrophique de
African Queen où il préférait chasser l'éléphant que s'occuper de son film, et d'une perception du script de cinéma assez intéressante, en symbiose avec le style de vie de ce réalisateur : en gros, les happy-end c'est pour les couilles molles, et sans prise de risques, on est rongé de l'intérieur par notre "homme sauvage".
Mais ensuite, la partie africaine m'a vraiment parlé, en plus de livrer quelques jolis plans sans tomber dans l'écueil de la carte postale. On peut sentir que John Wilson/Huston est dans son élément, et qu'il est comme ses personnages. Caractériel, obsessionnel, excessif, auto-destructeur, et entier. Un véritable personnage eastwoodien, avec des dialogues qui claquent, bien couillus, je pense surtout à ceux contre le racisme (donc décalé par rapport à la mentalité étriquée d'après-guerre), qui offre par la même occasion un point de vue humain sur le personnage, mais aussi contre Hollywood, une relation d'amour-haine (une "pute qui fait le trottoir", mais aussi un simple lieu de travail qu'il faut respecter pour ce qu'il est). On y trouve donc au passage de petites touches d'humour, qui proviennent surtout de ce caractère bien trempé, et de ce qu'il fait pour rendre la vie impossible à ses collaborateurs, malgré/à cause de lui, durant un tournage loin d'être de tout repos, qui finit par devenir une aventure en soi, alors que tout était mis en oeuvre pour le rendre plus simple.
Enfin, le dénouement rend toute chose avec ce simple champ/contre-champ qui résume très bien ce duel mystérieux entre l'homme et la bête et l'essence du titre, et la tragédie qui s'ensuit. Et puis on sent l'amour de Clint, comparable, on peut l'imaginer, à ce qu'en pensait Huston, pour les africains, et ce qu'ils représentent, sans cliché, à savoir courageux, attachés à la terre, et respectueux de la vie. Et si au début, je trouvais le scénariste et collaborateur de John accessoire, partenaire de chasse malgré lui, il incarne finalement un beau contre-point humain et d'espoir, on peut le voir surtout lorsqu'il lance ce beau discours sur les éléphants, et montre ainsi qu'il est loin d'être un simple adepte des fins heureuses, mais simplement qu'il incarne un autre type de cinéma, plus sensible et optimiste.
Un Clint Eastwood relativement peu connu, mais qui mérite vraiment le coup d'oeil, avec une plus-value supplémentaire si on apprécie John Huston, mais qui peut très bien se voir comme un beau portrait d'homme, avec en prime, un point de vue intéressant, comique, et touchant sur le cinéma et les relations qu'il peut entretenir avec l'existence, sur les rêves et obsessions qu'un homme peut porter en son coeur, jusqu'à mettre en péril tant sa propre vie que son entourage. Encore une fois, un bel hommage, en plus d'être une belle leçon d'humanisme.
Note : 7.5/10