On retrouve ici ce qui fait le charme des
Wu Xian Pan de Chu Yuan, à savoir une très belle mise en valeur des décors artificiels de la
Shaw Brothers (malgré quelques ratés, comme l'herbe qui tremble durant une chute), et une intrigue à la Confucius autour de l'esprit du sabre qui condamne ces maîtres sacrifiant leurs proches (le sabre appelle le sabre), agrémentée de traquenards bien retors posés contre son personnage principal que l'on suit avec un plaisir partagé. Au départ, je craignais avoir à faire à un sous-
Sabre infernal (du même auteur), le summum du genre, avec le même principe du héros solitaire qui se confronte à toute une armée de maîtres. Mais finalement, il parvient à s'en démarquer en proposant un fil directeur beaucoup moins alambiqué, et surtout un fond plus humain.
Le début est d'ailleurs surprenant, puisque nous passons d'un personnage qui devait se battre pour le titre du meilleur sabreur, pour se concentrer à la place sur son adversaire qui a décidé de tout abandonner (Ti Lung, qui reprend donc son rôle du
Sabre infernal, mais tout à l'envers), incluant son nom et son passé, et tenter ainsi de suivre une vie normale. Ce revirement est bien traité, avec un regard tendre posé sur les laissés-pour-compte, comme un muet et une prostituée avec qui il se lie d'amitié. Certes, l'opposition entre le sage, protecteur de la veuve et de l'orphelin, et des vilains qui feraient tout pour la gloire et la fortune auprès des démunis, est un peu facile, mais ça passe plutôt bien, avec des dialogues "petit scarabée" dont Chu Yuan a le secret, et très vite, tout le monde des arts-martiaux va ironiquement se mettre à sa poursuite, ce qui permet d'imprimer un bon rythme de croisière à ce cape et épée chinois
old school.
Concernant les combats, j'ai déjà vu mieux (je retiens quand même le duel avec une branche d'arbre qui a une certaine classe), mais l'intérêt est ailleurs, notamment via cette galerie impressionnante de personnages (et de lieux) plus pittoresques les uns que les autres, tous ou presque à essayer de dessouder ce justicier malgré lui (qui défonce pour la peine la moitié de la baraque de ses amis pour les protéger ^^), armés de techniques machiavéliques ou d'armes blanches aux formes et dimensions fort variées (c'est donc bien du Chu Yuan). D'autre part, en dépit du ton tragique de l'ensemble (il a beau cacher son identité, elle finit par le rattraper malgré tout), ça regorge de petites touches d'humour sympathiques, comme ce moment où, à l'aune de sa possible mort, notre héros déclenche chez les gens du peuple une réaction insolite quant à ce qu'ils aimeraient faire s'ils étaient dans une situation similaire (autour du sexe ...). Enfin, la boucle narrative est vraiment très astucieuse, ce qui permet un climax de qualité, bien que trop rapidement expédié.
En bref, même si ce film ne fait pas parti des fleurons du genre, Chu Yuan rappelle ici qu'il en était l'un des grands ténors (je le préfère même à Chan Cheh pour son côté poétique) qui parvient, tant dans le fond que dans la forme, à évoquer une jolie peinture de ces héros d'un autre temps, condamnés à un destin vicelard, sans oublier d'être très ludique et divertissant dans son déroulement.
Note : 7.5/10