Deuxième tentative, je supprimerais les doublons.
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The Thing - John CarpenterGenre : Horreur en huis-clos
Année : 1982
Nationalité : USA
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4 ans après Halloween qui a définitivement changé la face du cinéma d'horreur, Carpenter revient avec un film qui ne fera pas date tout de suite. Un remake d'un vieux film d'horreur produit par Hawks, La Chose d'un autre monde (que je n'ai pas vu, personnellement), considéré à l'époque comme une simple série B. Aujourd'hui devenu un classique, The Thing entretient un certain nombre de points communs avec une autre référence du huis-clos, à savoir Alien, tout en poussant l'idée d'ennemi intérieur beaucoup, beaucoup plus loin.
12 hommes dans une station scientifique, isolés en Antarctique. 1 alien qui vient leur faire coucou. L'intrigue est simple : y a un intrus, il faut le buter. La subtilité vient du fait que cet intrus n'a pas de forme propre, et prend celle de ses adversaires. Subtilité exploitée à la perfection, à la fois par la réalisation de Carpenter et par le scénario de Bill Lancaster. En effet, ce détail permet de placer les personnages dans un état de doute constant : le type en face de moi est-il un alien ou un humain ? Dois-je lui faire confiance ? Une paranoïa collective prend forme et va complètement démanteler le groupe.
L'accent étant mis sur le groupe, les personnages ne sont pas tellement caractérisés (on les différencie avant tout grâce au physique). Il y en a malgré tout quelques-uns plus poussés que les autres, avec en premier lieu, forcément, Kurt Russell, le "héros", le personnage auquel le spectateur va pouvoir s'identifier-mais-pas-tout-à-fait. Car Kurt incarne un MacReady à l'image du reste du film : tout en ambiguïté. On doute non seulement de ses pensées, mais aussi de sa nature, et ceci grâce à des ellipses particulièrement bien placées. Cette ambiguïté place le spectateur dans une situation inconfortable, puisqu'il ne sait pas non plus à qui se fier.
Cette position inconfortable est accentuée par la construction très particulière des scènes : habituellement, dans un film hollywoodien, 1 scène = 1 résolution à un problème, qu'elle soit positive ou négative. Dans The Thing, les scènes se terminent abruptement par un fondu au noir, sans que la situation ne soit résolue le moins du monde. De ce parti-pris pour le moins couillu résulte un rythme en porte-à-faux assez déconcertant, et surtout une tension permanente. Il n'y a pas de répit, pas de moments un peu rassurants : on se sent constamment en danger.
Ces moments de tensions alternent avec des scènes très gores dont le côté grand-guignol est poussé à outrance. A ce sujet, il est de bon ton de louer le travail de Rob Bottin sur les effets spéciaux, et je ne vais pas faire exception tant ceux-ci sont un modèle du genre. L'animatronique permet de donner à la créature un aspect organique très prononcé. De même, le travail sur les décors est fort bien foutu et l'Antarctique dans laquelle évoluent notre groupe s'avère tout à fait immersive (à un matte painting un peu trop voyant près). Ceci ajoute encore à la sensation d'oppression permanente, le coin n'étant pas réputé pour la douceur de son climat, après tout.
Un autre aspect du film assez poussé est tout ce qui concerne la psychologie des personnages. On a un groupe, une entité collective qui se désagrège peu à peu. Une technique de scénario assez courante est de donner un trait de caractère propre à chaque personnage et de baser toutes ses réactions en fonction de ce trait de caractère (c'est ainsi qu'on se retrouve avec des archétypes comme le side-kick rigolo ou le gros bourrin qui fonce dans le tas). On se retrouve donc avec une somme d'individualités qui réagissent chacun à leur manière. Ici, ce n'est pas tellement le cas. Oh, ça l'est un peu, bien sûr, encore heureux, sinon on se retrouverai avec des pantins qui ont les mêmes attitudes, ça serait très chiant. Mais le film prend en compte les effets de groupe, et notamment la façon dont la paranoïa et la suspicion s'y propage. Plus le pourcentage de personnes ayant une attitude donné est élevé, plus les membres restants sont susceptibles d'adopter à leur tour cette attitude : ceci est un phénomène sociologique avéré, et que je trouve particulièrement bien rendu dans The Thing.
Par ailleurs, je parle de la psychologie des humains, mais la bête n'est pas en reste non plus. Quitte à surinterpréter un peu, je ne trouve pas qu'elle agisse comme un prédateur. Ce n'est pas Alien. C'est une entité qui se cache, ou plutôt qui se déguise, et qui n'agresse les protagonistes que si elle se sent menacée. Elle ne se révèle que si elle est acculée. De même, elle ne contamine pas les autres êtres vivants si elle se sent en sûreté (il y a d'ailleurs relativement peu d'infectés dans le film, économie fort louable puisqu'elle donne un réel poids à chacun d'entre eux). On a affaire à une entité qui n'agit que pour survivre, et qui ne fait guère plus de victimes que nécessaire (l'hécatombe est autant de son fait que de la paranoïa du groupe). C'est également cohérent avec les formes pour le moins gratinées qu'elle prend lorsque l'on découvre sa véritable nature, puisque celles-ci seraient dès lors un moyen d'intimider son adversaire, un peu à la manière du poisson-globe.
En Bref :Sacrément maîtrisé, sur tous les aspects, The Thing mérite son qualitatif de chef d’œuvre de l'horreur, réussissant à distiller la suspicion et l'angoisse comme peu d'autres films. Concernant Carpenter, je garde une petite préférence pour L'Antre de la Folie, mais celui-ci n'est vraiment pas loin derrière.