Découvert il y a une quinzaine d'années, Ben-Hur m'était apparu comme un film bavard et statique, largement inférieur à l'original muet signé Fred Niblo (beaucoup moins bavard, celui-là
). Bavard, ce film l'est assurément, ne comportant que deux scènes d'action (dont une é-pous-tou-flante) tout au long de ses trois heures et demie de métrage. Mais ce nouveau visionnage en salles m'a permis de revoir mon jugement. Le grand écran rend à cette épopée biblique tout son spectaculaire, avec ses centaines de figurants peuplant l’écran, ses paysages naturels magnifiques, la beauté de sa reconstitution, son format d'image plus long qu'un cinémascope classique, la jolie photo de Robert Surtees... Ben-Hur débute avec une très belle reconstitution de la naissance de Jésus Christ et l'arrivée des rois mages à Bethléem. Une scène formellement magnifique, qui rend bien toute la dimension mystique de ce moment. L'itinéraire du héros éponyme va croiser à plusieurs reprises le chemin du Christ tout au long du film. Un parcours divisé en quatre parties bien distinctes. Tout d'abord, une introduction d'environ une heure qui nous présente les personnages, le contexte historique et la trahison de Messala. Une seconde partie qui nous décrit l'emprisonnement de Ben-Hur, sa vie dans les galères et sa rencontre avec le Romain qui va l'affranchir (Jack Hawkins). La troisième se concentre sur la vengeance de Judah sur Messala. Et la dernière sur l'avènement du Christ et sa crucifixion.
Mes préférées sont nettement la première et la troisième. La première pose de manière exemplaire les enjeux et les personnalités des protagonistes, à travers de longs dialogues jamais ennuyeux qui sont du miel pour les oreilles: les interactions entre les différents personnages sont passionnantes à suivre. Surtout la première rencontre entre Ben-Hur et Messala, deux anciens amis qui se retrouvent dans deux camps opposés. La scène avec Esther pose avec beaucoup de tact les sentiments des deux personnages l'un envers l'autre. L'actrice Haya Harareet n'est peut-être pas au niveau d'un Heston mais la scène est très belle à voir. La deuxième partie fait office de transition, comme si l'histoire s'arrêtait et recommençait sur de nouvelles bases, dans un nouveau contexte: celui des galères. La relation entre Hur et le général romain Quintus Arrius, d'abord à couteaux tirés va s'orienter vers une estime mutuelle puis des rapports filiaux. En une scène, le film nous montre les conditions de vie effroyables des galériens, celle où Quintus teste les capacités de ses esclaves. Cette partie se termine par une bataille navale pas franchement excitante car on décèle un peu trop les maquettes utilisées et on voit plus des modèles réduits que de véritables navires de guerre. Ensuite parce que la scène d'abordage en elle-même n'a rien d’extraordinaire pour qui a vu quelques swashbucklers.
La troisième partie, celle de la vengeance, reprend l'intrigue là où elle avait été laissée à la fin de la première. Le désir de revanche de Hur devant l'injustice qu'il a subi ayant été décrite tout au long du récit, on ne peut que compatir avec sa quête. Messala est un personnage tout bonnement haïssable, bien campé par Stephen Boyd, qui est loin d'être un grand acteur (ses rôles ultérieurs, notamment dans La Chute de l'Empire Romain, le confirmeront), mais qui fait ressortir le caractère vicieux et sournois de Messala tout au long du film. Cette partie s'achève par un morceau de bravoure véritablement monstrueux: la scène de course en char, bien entendu. C'est bien simple, plus de 50 ans après sa réalisation, cette scène n'a pas pris une ride et garde tout son caractère spectaculaire. Elle a dû représenter un énorme travail de montage. La bande-son est habilement constituée des seuls bruits de galop des chevaux, de la foule en délire et des coups de fouet. C'est surprenant de constater que les acteurs eux-mêmes ont participé au tournage de cette scène puisqu'on peut voir leur visage dans des plans où les chevaux galopent à toute allure. L'enceinte du stade où se déroule l'action est elle-même très impressionnante, avec des matte painting plus vrais que nature. L'antagonisme Messala-Ben Hur s'achève avec cette partie, qui aurait pu constituer la fin du récit tant elle boucle les thématiques de vengeance mises en branle dès les premiers instants. Mais le film se poursuit sur une dernière partie, qui assène son message religieux de pardon et de paix à coups de burin. Je dois avouer que cette partie est celle qui m'est parue la plus faible, handicapée par un enchaînement de péripéties bien trop poussif. Elle présente de belles scènes, de beaux plans, comme le moment où les trois femmes se retrouvent bloquées dans une grotte sous l'orage. Le message de tolérance, qui s'oppose aux actes violents commis par Ben Hur jusqu'à présent, est celui qui voulait être transmis par les cinéastes, mais je suis moyennement convaincu par la manière dont il l'est, avec pas mal de longueurs.
A part ça, le film constitue un divertissement de haute volée, franchement dépaysant. Charlton Heston incarne un personnage torturé, d'abord pacifiste, souhaitant servir de médiateur entre Romains et Juifs mais qui se voit contraint par la force des choses à la haine et la vengeance pour finir par se racheter sous l'impulsion du message du Christ. William Wyler, mis à part la scène de course en char, emballe le tout avec professionnalisme mais sans véritable génie. Il fait une belle utilisation du format scope. Le film est magnifique à voir, mais on n'a jamais l'impression d'avoir un grand cinéaste derrière la caméra mais plutôt un bon producteur. La musique de Miklos Rozsa est véritablement grandiose, une des forces du film, alternant passages sombres et ronflants et choeurs bibliques. Elle complète brillamment les images composées par Wyler.
En résumé, à part un bémol concernant la fin, ce nouveau visionnage m'a permis de réhabiliter ce film qui, s'il ne constitue pas un chef d'oeuvre à mes yeux, n'en demeure pas moins une fresque épique prenante et dépaysante.