J'ai bien accroché pendant les deux tiers du métrage, mais tout le délire avec les pseudo-spectateurs a fini par me laisser sur le bord de la route.
Pourtant, le pari de Quentin Dupieux de réaliser un film avec un pneu tueur en série est tenu pendant un bon moment. Le réalisateur parvient à nous faire croire en l'existence de ce pneu doté d'une conscience qui sitôt revenu à la vie va s’évertuer à détruire tout ce qu'il rencontre, en commençant par une bouteille en plastique et un scorpion qu'il va écraser, puis en faisant exploser par vibration bouteille en verre, oiseau, canette, lapin, etc. pour finir avec des êtres humains. La toute première scène où le pneu revient progressivement à la vie pour se remettre en route de manière chancelante dégage une certaine poésie plutôt bien vue. Techniquement, la manière dont le "personnage" principal est animé est sans faille. On le croit réellement doué d’une existence propre. L'effet est sûrement dû à des techniques toutes simples, mais qui fonctionnent du tonnerre.
Toute la première partie progresse à un rythme lent, mais proposant de chouettes idées de mise en scène et livrant ses touches d'humour avec parcimonie, comme par exemple une scène où le pneu va s'installer dans une chambre de motel pour y passer la nuit, y regarder la télé ou se doucher. Le moment où la femme de ménage retrouve des traces de pneu
sur les draps est tout à fait cocasse. Rubber possède une très belle photo, un beau sens du cadre. Le film reprend les codes des films de serial killer, notamment avec les plans bien gérés où l'on voit le pneu apparaître soudain derrière un chauffeur ou des plans en caméra subjective où apparaît en amorce un bout du pneu et ce qu'il voit en arrière-plan. Les derniers plans de la vengeance annoncée des pneus présente quelques plans bien iconiques, notamment devant le panneau Hollywood. Alors oui, les scènes de meurtre sont répétitives dans la manière dont elles sont filmées (pneu qui vibre, tête qui explose), mais ça ne m'a pas trop dérangé: je kiffe de voir des têtes qui explosent dans des effusions gores
Ce qui m'a gêné, c'est toute la partie avec les faux spectateurs qui est sympa au départ, commençant par le monologue du shérif qui intervient après être sorti du coffre d'une voiture et vient nous expliquer que le film sera une ode à l'absence de raison au cinéma, citant comme exemples l'assassinat de JFK dans le film éponyme ou le fait que le héros du Pianiste choisit de vivre reclus plutôt que de vivre de son art
Dans ce rôle, Stephen Spinella, excellent bad guy en col blanc de la 5ème saison de 24 heures chrono, livre une prestation pince sans rire très drôle, délivrant des répliques ironiques en gardant le plus grand sérieux.
La mise en abîme des réactions des spectateurs est au début plutôt fun, avec les spectateurs qui se disputent parce qu’untel parle pendant le film, leurs réactions qui font écho à ce que l'on peut penser à certains moments, et qui s'avère bien pratique pour nous dire que le pneu est tombé amoureux (à l'image, c'était pas flagrant), ou bien l'intervention du perso de Wings Hauser (bien charismatique) qui vient donner des conseils aux flics sur la méthode à utiliser pour détruire le pneu car l'intrigue se traîne. Mais cette histoire va phagocyter celle du pneu et finalement amener le film vers une fin qui m'a semblé comme un procédé utilisé par Dupieux pour boucler une intrigue qu'il ne savait pas comment terminer. Une fin de petit malin qui donne l'impression que le film nous a vendu du vent, et laisse sur une impression mitigée.