Un film qui me touche toujours autant séance après séance, dont l'intérêt repose surtout d'une part sur l'une des meilleures collaborations d'un scénariste aux idées franchement barrés et fantasques (Charlie Kaufman) et d'un réalisateur qui sait comment les mettre en scène et les matérialiser (Michel Gondry), et d'autre part, sur un duo d'acteurs au top de leur forme, touchants de sincérité et de naturel (Jim Carrey et Kate Winslet).
L'idée de départ est toute simple, et a fait le lit de bien de comédies romantiques. Deux êtres au tempérament opposé. L'un est timide et réservé, l'autre est impulsive et mélangée (comme ses cheveux), deux aimants qui s'attirent de façon magnétique, selon une atmosphère qui confine au spleen, car ils semblent bien perturbés tous les deux. De peu, on évite le pathétique, car les petits défauts et manies qu'ils ont permettent de s'identifier à eux, et il en ressort une infinie tendresse dans leurs gestes maladroits et leur tentative de briser la glace.
Mais ce qui fait bien sûr la saveur et l'originalité de ce film, c'est son concept SF autour de la mémoire qu'on peut effacer, les sentiments y compris, mis en scène comme une expérience en tant que telle. Michel Gondry exprime alors un véritablement talent à nous immerger, par un montage labyrinthique et une ambiance sonore et visuelle, dans une sorte de rêve éveillé, à la fois perturbant, insolite, et émouvant. Certaines scènes me font craquer, surtout lorsque Joel essaie de protéger ses souvenirs les plus précieux en s'enfouissant très profondément là où on ne peut le trouver, qui expriment d'ailleurs une vision très drôle de ce qu'est l'intimisme en mélangeant passé et présent. Et la note d'intention ne s'arrête pas là avec le pauvre cerveau de Joel contaminé par son environnement, un au-dehors qui, même si cela freine temporairement l'immersion, est loin d'être inutile, et permet entre-autre de pointer les conséquences morales et sentimentales d'une telle opération.
Arrivé au bout de la pellicule, difficile de savoir s'il s'agit d'un feel-good movie ou d'un tire-larmes. Sûrement un peu des deux, en tous cas avec
Lost in Translation, il s'agit de l'une de mes propositions préférées dans le genre de la romance torturée, par ce qu'elle dégage comme sincérité et onirisme dans le fond comme dans la forme, et qui offre un sens inédit aux déceptions (amoureuses) dans la vie sentimentale (même si ça finit plutôt bien au final).
Note : 9.5/10