[Velvet] Mes critiques en 2014

Modérateur: Dunandan

Dans ma Peau - 7/10

Messagepar Velvet » Dim 27 Juil 2014, 17:00

Dans ma peau de Marina de Van (2002) - 7/10


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La destruction, le déracinement du corps comme pulsion dominante, tel est devenu le quotidien d’Esther. Elle est une femme semblant avoir tout pour elle. Elle est belle, est en couple avec un homme ambitieux et aimant, a un boulot stable avec possibilité de promotion, elle ne manque de rien. Sous cette apparence idyllique, un vide, son esprit parait coincé comme dans une prison, sa vie routinière la pèse comme le fait d’être enfermé à longueur de journée dans son bureau sans pouvoir lever le petit doigt. Suite à une chute qui lacérera la jambe assez profondément, elle commencera par avoir une obsession maladive pour son corps, sa peau, son sang. Elle y verra une intensité encore jamais éprouvée. Au début, avec ses grands yeux ronds, elle semble y être complétement indifférente, ce qui intrigue son entourage plus tourmenté. Puis la morbidité se fera grandissante, et Dans ma peau qui peut s’apparenter à une forme de critique sociale ou humaine, perdra complétement pied à l’image de son personnage principal pour s’évaporer dans l’horreur la plus totale.

Dans ma peau est impressionnant par son humilité esthétique qui prendra le visage d’un tour de force visuel horrifique et poétique. Marina de Van inscrit son film dans une réalité omniprésente notamment à travers ce paysage du monde du travail en société où règne jalousie, concurrence et don de soi sans retour de manivelle. Sans que les films n’aient de rapport, Dans ma peau présente les mêmes stigmates de Shame où le corps ne répond plus face à l’automatisation de la psyché et où ses agissements ne sont pas forcément compris par ceux qui l’entourent. La réalisatrice, avec Dans ma peau, signe une œuvre radicale, écorchée vive, au sens propre comme au figuré. C’est un film de genre qui n’est pas de réellement de genre, qui se sent, qui égratigne, c’est un appel au secours dans le néant, une vocifération sourde sans issue, une déchirure qui ne cicatrisera pas.

Dans ma peau est le portrait d’une femme qui se désintègre sans réelle explication où la question qui se pose à nous : jusqu’où va-t-elle aller dans sa décomposition ? Mutilation, lacération, blessure, anthropophagie, rien ne nous est épargné. Dans ma peau voit son processus narratif s’amplifier de façon croissante sans jamais dramatiser à outrance son récit. L’histoire est limpide, sans traumas exigeants mis en exergue, la partition sans faute de Marina de Van dans le rôle d’Esther aide beaucoup à l’ambiance malsaine qui s’empare de son propre film. Cette dualité du corps malléable et de l’esprit fragmenté nous fait penser à Cronenberg, à Crash. Mais ici, aucune pulsion sexuelle ne se déploie, juste un plaisir de s’affranchir, de ressentir cette liberté évanescente. Jamais manipulatrice ni voyeuriste, la caméra interpelle sur ce mal être, frappe là où ça fait réellement mal, parle de cette solitude qui peut faire ressurgir une violence magnétique.
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Film: Dans ma peau
Note: 9,5/10
Auteur: Niko06

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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Dim 27 Juil 2014, 17:06

Il fait très mal celui là. Je me souviens d'une séance très éprouvante qui parvient à ne pas tomber dans la provoc gratuite malgré sa violence évidente à la fois dans son propos et aussi dans sa mise en scène. Je trouverais, par contre, difficilement la motivation de le revoir ^^
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Dim 27 Juil 2014, 17:10

Pareil, j'aurai du mal à prendre du plaisir à me le revisionner. Mais sur le coup, gros choc viscéral qui fait mal aux tripes.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Mr Jack » Dim 27 Juil 2014, 17:16

Typiquement le genre de films que je fuis, pour pas me dégouter du cinéma. Je regarde pas des films pour souffrir. Après je comprends qu'on accepte la proposition mais perso je peux pas. :?
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Dim 27 Juil 2014, 17:21

Ouhhh la petite nature :mrgreen: :eheh:
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Dim 27 Juil 2014, 17:23

Je comprends, comme tu dis moi c'est juste la proposition de cinoche, la sincérité du projet et du traitement qui me touche. J'aime bien etre bousculé devant un film.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Kakemono » Dim 27 Juil 2014, 21:10

Devant un film j'aime ressentir des émotions, quelles qu'elles soient. Et si je peux être un peu bougé, ça m’intéresse encore plus. Du coup ce film m'intrigue...
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Mr Jack » Dim 27 Juil 2014, 22:02

Bien sur le cinéma c'est la recherche d'émotions mais se faire peur, rêver, être choqué, rester bouche bée, ce que tu veux mais être mis mal à l'aise par un film glauque je peux pas. Après je me comprends parce que c'est très spécifique à un certain ciné et pas aux autres (je me considère comme quelqu'un de très ouvert sur les récits que je lis ou que je vois) et par exemple Le Locataire est le film qui m'a le plus traumatisé, parce qu'il englobe toutes mes peurs, donc je serre les dents rien que d'y penser mais je vénère Polanski pour m'avoir fait subir ça :mrgreen: En gros ce qu'il faut retenir, c'est que je suis chelou. :mrgreen:
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Dim 27 Juil 2014, 22:53

Non mais, je taquine. Je comprends parfaitement ta position. Et d'ailleurs, avec le temps qui passe, je recherche un peu moins à me faire malmener. Quand j'avais 20 piges, c'est ce que je recherchais en priorité, le côté tendu, malsain, ce malaise que tu peux ressentir devant un film comme Salo par exemple.

Je me rappellerai toujours d'un visionnage de Funny Games que je voulais faire découvrir à un pote qui s'était emporté parce qu'il avait très mal vécu la séance. Pour lui, c'était ne pas être sain d'esprit d'apprécier ce genre de film (en même temps, j'dois avoir un grain, il a pas tout à fait tort :eheh: ). Tout le monde ne recherche pas la même chose au ciné, c'est parfaitement compréhensible.
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Trouble Every Day - 9/10

Messagepar Velvet » Lun 28 Juil 2014, 11:11

Trouble Every Day de Claire Denis (2001) - 9/10


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Timide, cherchant constamment à comprendre l'intime, Trouble Every Day vole de ses propres ailes, à l'image de ce simple fouloir galopant dans l'air de Paris. Face à nous, une œuvre immergée alors dans une frustration latente voyant deux « vampires » malades qui essayent tant bien que mal de canaliser un démon carnivore qui grandit en eux. Directement, par sa construction fantomatique, Claire Denis quadrille un cadenas dans les tentations pulsionnelles, un mal corporel qui empêche de faire ressortir le monstre qu'est l'humain, le calme avant la tempête. Claire Denis filme donc deux histoires distinctes, deux âmes en peine enchainées malgré elles, pour ne pas qu'elles dévoilent leur véritable visage sanglant à leurs propres congénères. Deux cannibales les nerfs à vifs propulsés dans une jungle humaine comestible. Par cette approche minimaliste, elle fait de ce soubresaut un rendez-vous manqué et meurtrier qui va alors composer un film de genre sans en être un où l'horreur peut être légère comme la simple rosée du matin. C'est donc par choix que l’effusion de sang devient secondaire malgré la fine radicalité dans certaines scènes de cannibalisme. Claire Denis pense, réfléchit à son ambiance douce calfeutrant ses personnages solitaires comme le faisait Sofia Coppola dans la Lost in Translation.

La réalisatrice s'immisce dans l''addiction de la chair, du sang: une plus animale et haineuse (Beatrice Dalle) et l’autre plus humaine, teintée d’une compassion anxiogène (Vincent Gallo). Puis, une angoisse sourde parcoure ce film d'un amour paradoxal. Que cela soit dans cette chambre fermée à double tour, ou face à ces murs mystiques jonchés du sang d'un inconnu, Trouble Every Day a le soucis du détail, de la chair, du grain de peau. Shane part en voyage avec sa dulcinée pour une petite escapade en amoureux, essayant de panser ses plaies psychologiques. Il la regarde sans réellement la toucher par peur de partir en vrille et de commettre l’irréparable. Claire Denis crée une atmosphère apaisante mais maladive, amoureuse mais destructrice.

Trouble Every est une étude de caractère schizophrène, un cri de douleur dans le silence, notamment à travers un Vincent Gallo impuissant, essayant de se contenir ses pulsions morbides comme lorsqu’il se cache dans les toilettes de l’avion pour laisser s’égailler ses cauchemars les plus sordides. Il est un monstre, il le sait, on le sait, mais s’instaure a contrario une empathie quant à sa frustration amoureuse. Vincent Gallo, avec sa retenue et son regard à la fois envieux et triste, est fascinant de justesse. A l’image de la bande son magnétique des Tindersticks, poétique et mélancolique à souhait dont l’utilisation fait penser à celle de In the Mood for Love de Wong Kar Wai, Trouble Every Day n’est pas un film horrifique à proprement parlé, il garde ses codes de films d’auteurs lents et quasi mutiques. Une odyssée lancinante avant une tempête faite de sensualité vorace, un lâché prise pénétrant.

De l’autre côté de la ville, une femme est enfermée à double tour dans un pavillon de banlieue par un médecin mystérieux faisant des expériences sur sa propre nature. Enfermée parce que la nuit et le jour elle s’échappe pour avoir les faveurs d’hommes peu scrupuleux sur lesquels elle pourra assouvir sa soif de chair. Sentiment d'angoisse et d'immense s'empare d'elle durant ses meurtres presques involontaires. Trouble Every Day est lumineux, calme sous les déchériments de peau, terriblement humain devant l'horreur. Machinalement, derrière son aspect dérangeant et glauque, le long métrage est souvent muet où Claire Denis laisse divaguer sa caméra, sa photographie haletante sur les regards, sur les corps telles des proies notamment lorsqu’elle filme des scènes d’intimité où se mélange passion sexuelle et peur de perdre le contrôle face à cette bestialité sanguinaire. Avec des petits mouvements scéniques anodins mais somptueux, un montage sur les corps, sur le désir, sur les expressions, comme le prouve ces dernières minutes parfaites de non dits monstrueux, Claire Denis fait alors raisonner les battements de coeur de son oeuvre mortifère.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Lun 28 Juil 2014, 11:40

Il m'intrigue ce film. J'ai peur d'un truc un peu trop intello, mais ta critique me pousse à me lancer. :super:
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Lun 28 Juil 2014, 16:39

Tout dépend de ce que tu appelles par intello? C'est le genre de films, si tu ne rentres pas dedans, tu peux vite te faire chier et trouver ça vain. Mais il y a un vrai travail sur l'intime, de belles trouvailles de mises en scènes, une photo inspirée, une ambiance assez touchante. Beaucoup aimé.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Lun 28 Juil 2014, 19:13

Intello dans le style faire un film de genre en le prenant de haut. Mais je pense qu'en l'espèce, ça pourrait me plaire.
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Oslo 31 aout - 9/10

Messagepar Velvet » Mer 30 Juil 2014, 17:29

Oslo, 31 aout de Joachim Trier (2012) (Challenge découverte) - 9/10


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Un homme se réveille, une fille dans son lit. Le visage sombre, il semble de plus rien ressentir. Oslo, 31 aout n’est pas une œuvre sur la dépendance ou l’acte abrupt qu’est le suicide, mais détourne son récit sur des chemins de traverse plus délicats comme la peur du vide, la honte d’avoir perdu son temps et de voir qu’il n’est plus possible de tourner dans le bon sens les pages de sa propre vie. Ce film norvégien est l’anti thèse d’un Requiem for a Dream. Ici pas de scènes de shoots frénétiques, pas de tics visuels clippesques. Pour Joachim Trier, la drogue n’est qu’un prétexte, une contextualisation de cette vie inachevée. Le réalisateur raconte la chronique portant sur la réhabilitation presque désespérée d’Anders dans la vie civile. Toxicomane, à 34 ans, il arrive bientôt à la fin de sa cure de désintoxication et le programme qu’il essaye de suivre à la lettre lui oblige de trouver un travail.

Lors d’une journée de permission, il va retrouver l’extérieur pour faire le bilan de son existence, essayer de revoir ses proches pour pourquoi pas regouter au plaisir de vivre en société, faisant face au regard de l’autre. Joachim Trier ajuste son œuvre d’une finesse de traitement qui sied parfaitement à la construction psychologique de son personnage principal, présent dans quasiment tous les plans du film. Joachim Trier s’est tracé une ligne directrice pour ne jamais la franchir, ne se dirige jamais vers un pathos putréfiant. Sa mise en scène est esthétique sans être esthétisante, presque contemplative, rapprochée puis détachée. Son fil narratif s’avère touchant sans être larmoyant. Dans son ensemble, le film dégage une impression froide, lumineuse, comme si cette occasion de renouer avec une possible rédemption était comme "morte née ", étant en diapason avec le jeu sans digression et le regard quasiment impassible de Anders Danielsen Lie.

Tout cela voit naitre de belles séquences, comme celle se déroulant dans un café où il écoute comme un fantôme les discussions d’autres usagers. La première heure du film, construite délicatement, utilise un schéma linéaire mais jamais redondant : une retrouvaille avec un proche puis la solitude, donnant parfois des scènes à contrecourant, comme celle de son entretien où c’est lui qui prend mal la révélation de sa toxicomanie. C’est l’histoire d’un homme qui sur une journée, voit alors l’écart qu’il existe entre lui et ce qu’il aurait pu être. Il revoit des amis, déjà mariés, avec un enfant, une situation, une vie, une routine. Tout cela faisant s’exprimer en lui, cette impossible volonté de tout reconstruire, ce manque d’envie pour se relever, comme s'il n'écoutait plus le monde extérieur. Il ne se considère plus malgré les tentatives de ses proches pour le remettre en selle.

Le malaise est là, le réalisateur le retranscrit de façon très lucide et fait de son œuvre un précipice sur l’une des plus grandes fêlures humaines : le regret, celui, d’un jeune homme devenu adulte maintenant, n’ayant pas saisi la chance qu’il lui tendait les bras durant une jeunesse sans obstacles se matérialisant par la culpabilité d’avoir brulé et consommé sans modération les cartes qu’il avait alors encore en main. De discussions en discussions, il parait résigné, perdu dans une ébullition humaine ennuyante. La dernière partie du film, est plus abstraite, un dessin funeste, une virée joyeusement en enfer, une dernière trace de lui à la lueur du jour, un plaisir finalement rattrapé par la culpabilité et sa désocialisation définitive. Un petit bijou.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Mer 30 Juil 2014, 17:34

Je survole juste, je me le suis programmé pour le challenge, et j'ai pas envie d'en savoir trop. Mais tu es si enthousiaste que ça renforce encore plus mon attente ^^
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