Alors davantage connu pour ses rôles de cow-boy, Clint Eastwood devenait en 1971 une icône du cinéma d'action en campant pour la première fois le mythique Harry Callahan. Encore tout jeune réalisateur (son premier film, le curieux Un Frisson dans la nuit, sortira quelques semaines avant Dirty Harry), il confie la mise en scène à son ami et mentor Don Siegel, un des rares cinéastes formé à l'école des studios à avoir beaucoup tourné sous le Nouvel Hollywood. Harry Callahan, flic solitaire et aux méthodes peu consensuelles se retrouve chargé de l'enquête sur un serial killer choisissant ses victimes sans logique particulière et qui ne tarde pas à faire chanter le maire pour obtenir une rançon.
On a beaucoup écrit sur le fascisme supposé du film. Il serait temps de mettre fin à ces grotesques opinions relevants plus de l'hystérisation du débat politique que du jugement artistique. En effet, à aucun moment on ne peut reprocher le film d'être susceptible de prôner des valeurs d'extrême droite. Le racisme supposé de Harry relève plus de l'humour et d'une misanthropie plus ou moins feinte que d'une réalité : ses meilleurs amis sont finalement le médecin noir et son coéquipier hispanique, et il s'amuse même de sa réputation de misanthrope. Quand à l'apologie de la justice expéditive, on a beau chercher, elle est aux abonnés absents. En effet, il faut attendre longtemps pour que Harry franchisse la barrière légale : cette scène (celle du stade) n'intervient qu'après que Harry ai tenté de jouer le jeu de Scorpio et ai fini blessé. Mais il ne faut pas oublier que le film s'inspire grandement du tueur du Zodiaque, ayant sévi pendant des années et dont les journaux se sont fait l'écho à grande échelle. Ainsi, plutôt que de prôner l'auto justice, le film interroge surtout sur la capacité des institutions traditionnelles à affronter ces nouveaux tueurs. Plus qu'une revendication politique, une interrogation qui se révèle assez dérangeante moralement, ce qui explique peut-être que le film ait autant déplu.
Mais il ne faut pas oublier que le but de Eastwood et Siegel est avant tout d'offrir un film policier efficace et divertissant. Et on rejoint en ce sens le paragraphe précédent : le personnage de Harry est , me semble-t-il, profondément inspiré des cow-boys joués auparavant par Eastwood. Ainsi, son caractère outrancier vient du fait que nous sommes face à un western urbain. La mise en scène de Siegel ne fait aucun doute là-dessus (voir la scène où Harry attend en haut d'un pont que le bus scolaire arrive a son niveau, où les scènes de fusillades, filmées comme un duel westernien). En ce sens, Siegel réussit son challenge : livrer une nouvelle référence du polar et faire de Eastwood une icône du cinéma d'action. On regrettera juste que l'enquête ne soit pas toujours très passionnante, faute à un « méchant », pas forcément très intéressant.
7/10