Je l'avais pas postée ici celle ci.
⌲ LIBRE ET ASSOUPI (2014)de Benjamin Guedj avec Baptiste Lecaplain, Félix Moati, Charlotte Le Bon, Denis Podalydès.
Histoire: Sébastien n’a qu’une ambition dans la vie : ne rien faire. Son horizon, c’est son canapé. Sa vie il ne veut pas la vivre mais la contempler. Mais aujourd’hui, si tu ne fais rien… Tu n’es rien. Alors poussé par ses deux colocs, qui enchaînent stages et petits boulots, la décidée Anna et le pas tout à fait décidé Bruno, Sébastien va devoir faire … Un peu.
"Ah, un film sur moi…"…fut ma première réaction à la vision de la bande-annonce de ce film tout à fait atypique qu’est Libre et Assoupi, adapté d’un bouquin de Romain Monnery et mettant à l’affiche l’excellent et énergique Baptiste Lecaplain. Oui, car depuis aussi longtemps que ma mémoire s’en souvienne, je n’ai pas souvenir d’une comédie française mettant en scène des jeunes gens de 25 ans tout à fait normaux, ancrés dans leur monde, le nôtre, le mien, et ne tombant pas dans la morale sociétale ou le mélodrame mielleux aux accents démagogiques. Non, une comédie française dite normale, c’est rare. Et qui plus est: non formatée. Déjà devant la BA et devant les premières minutes du film, on sait que l’on est pas devant un film de producteur véreux entourant ses pattes autour d’un objet bien ciblé et qui fini par perdre toute authenticité et donc toute drôlerie. Ici le titre ne trompe pas, du moins son début: c’est libre. Tous ces éléments loin d’être anodins me font déjà dire que ce film fait du bien.
C’est donc l’histoire de Sébastien, un quart de siècle et qui a pour seule ambition dans la vie de glisser en chaussettes sur son parquet ciré et comparer les différents plafonds entre son lit et son canapé. Sébastien est un jeune, le cancer de la société française, qui a préféré passer sa vie à la fac apprendre de nouvelles choses plutôt que de se pencher sur un travail éventuel. Car le travail, à ses yeux, ce n’est pas la vie. C’est même l’opposé: la fin, la souffrance inutile qui mène inéluctablement à une mort et à une vie sans relief. Sébastien est utopique et il le sait, il l’assume et porte ses propres ambitions sans vouloir la confronter à quiconque. Se contenter de peu et vivre pour soi, sans embêter personne, dans son coin. Sauf qu’à 25 ans, Sébastien, lâché par des parents naturellement las, va devoir transférer sa débrouille à Paris, en colocation. Et qui dit appartement dit loyer, donc revenus. La première étape va donc être pour lui de confronter son reflet utopique au miroir dur et lisse de la société française, qui demande de l’activité pour survivre. La confrontation entre Sébastien et son conseiller de la CAF est le premier moment fort du film car il permet de refléter le fossé existant entre cette partie de la jeunesse qui refuse de vivre dans l’effort et ce monolithe impassible qu’est l’Etat qui demande une répartie et un "donnant" à son "donnant". La candeur et la naïveté de Sébastien permet de faire passer ce premier message en douceur. Mais vite, le film va s’atteler à se poser des questions, à lui et à nous via son personnage principal, surtout grâce à son évolution et à son rapport avec ses colocataires. Car les personnages existent vraiment, portent un bagage sur eux et sur chacun une nuance différente de ce que peut être la jeunesse française aujourd’hui: celle qui s’assume (Lecaplain), celle qui se cherche (Félix Moati) et celle qui avance (Charlotte LeBon).
Et tous vont, finement et avec la rapidité d’un paresseux, se confronter et avoir un impact sur leur capacité à se trouver. Car si le film a l’air de défendre une certaine façon de vivre pendant sa première moitié, la seconde voit clairement Sébastien remettre son utopie en question et resserrer le reflet du miroir sur sa seule projection jusqu’à se demander si la vraie question n’est pas de chercher sa place dans la société plutôt que de savoir quel reflet est le plus adapté pour survivre et atteindre le bonheur personnel. Le film peut presque être vu comme un essai tellement il tente, en filigrane et toujours sous les yeux de son personnage principal, d’instaurer une réflexion sur ce que représente la jeunesse et au delà de ça, ce que signifie le recherche du bonheur et la différence entre bonheur et réussite. Pas besoin de créer une histoire factice et structurée autour de ça, les pastilles drôles et courtes de ces colocataires empathiques au possible sont assez réussies pour se contenter de la liberté formelle du récit sans tomber dans le méta et le hors sujet. C’est un film qui fait du bien, de par sa bonne intention comme par la bonté qu’il dégage.
Baptiste Lecaplain, qui assume là son tout premier premier rôle au cinéma après son -excellent spectacle et son passage dans Bref, a la tête parfaite pour l’emploi de par la sympathie émanant des traits de son visage et via son côté inoffensif qui facilite l’adhésion à ce personnage passionnant et humain qu’est Sébastien. L’ajout de Podalydès est là aussi très bien pensé car il amène une nuance supplémentaire sur le fait que l’utopie n’est pas une idée propre aux jeunes et permet de rayer de la liste, très vite, le rôle trop étouffant de l’opposition -et donc de l’Etat français via le conseiller de la caf, c’est à dire le gros con de base.
Un gros coup de coeur personnel, très difficile à juger de manière objective et impartiale, ou même à noter tellement j’ai envie de défendre ses points forts tout en acceptant ses points faibles, mais vu que la société me demande de mettre une note, je m’exécute.
7.75/10